Parodie pas drôle de film d’espionnage, Marie-Chantal contre le docteur Kha de Claude Chabrol est surtout une bien mauvaise blague, tout juste sauvée du désastre par quelques scènes plus réussies.
Synopsis : Avant de mourir, un espion remet un bijou à une jeune femme, Marie-Chantal. Elle se retrouve pourchassée par des espions russes et un docteur diabolique.
Une commande de Georges de Beauregard
Critique : Alors qu’il fait toujours partie de la bande de la Nouvelle Vague, Claude Chabrol s’oriente à partir de 1964 vers un cinéma ostensiblement commercial en tournant Le Tigre aime la chair fraîche avec Roger Hanin. Il s’agit d’un film d’espionnage qui répond à une forte demande depuis le triomphe de James Bond à l’international. Le long-métrage s’inscrivait donc dans le genre de l’euro spy alors très en vogue.
Face au succès de ce long-métrage (1,2 million de spectateurs), le producteur Georges de Beauregard propose à Claude Chabrol de s’emparer du personnage de Marie-Chantal créé dans un but satirique par Jacques Chazot. Le célèbre mécène de la Nouvelle Vague venait tout juste de faire l’acquisition des droits d’adaptation du personnage au cinéma et avait déjà commandé un scénario à France Roche. Toutefois, celle-ci se retire du projet et un nouveau script est rédigé par Christian Yves, puis retravaillé par Chabrol lui-même, avant l’intervention de Daniel Boulanger aux dialogues.
Un casting impressionnant pour une production d’envergure
Riche coproduction internationale qui bénéficie d’un casting impressionnant, Marie-Chantal contre le docteur Kha propose un premier rôle important à Marie Laforêt. Elle est secondée par des acteurs de renom comme Serge Reggiani, Charles Denner ou Roger Hanin, et quelques vedettes internationales comme Francisco Rabal et Akim Tamiroff. Le tout est filmé dans des décors naturels imposants, notamment ceux du Maroc.
Voulu comme une parodie des films d’espionnage qui pullulent alors sur les grands écrans européens, le film met en boîte les productions comme James Bond contre Dr. No (Young, 1962) et ses imitations, tout en rendant aussi un hommage appuyé aux films d’Alfred Hitchcock et de Fritz Lang (les deux maîtres à filmer de Chabrol). Sans doute conscient des limites de son script, Chabrol soigne sa mise en scène et tente de proposer quelques séquences originales. Il n’y parvient malheureusement pas tout à fait à cause d’une fatale hésitation sur le ton à adopter.
Parodie sans gags, film d’espionnage sans tension
Effectivement, Marie-Chantal contre le docteur Kha ne peut clairement pas être pris au sérieux, mais ses gags ne sont absolument pas drôles. Pire, le cinéaste laisse certains de ses acteurs en roue libre. Il sacrifie notamment les pauvres Charles Denner et Serge Reggiani qui se livrent ici à un cabotinage proche du nanar. Leurs grimaces ne font guère sourire. Par opposition, on aime les jeux plus naturels de Marie Laforêt et Stéphane Audran. Leurs scènes communes font partie des quelques moments sympathiques disséminés au cœur du film.
L’absence totale d’intérêt quant au fil narratif principal vient également plomber le plaisir du spectateur qui s’ennuie ferme durant la projection. Le cinéaste s’avère incapable de créer la moindre tension ou le moindre suspense, tandis que les moments comiques échouent à faire sourire. Qu’importe alors que tout ce beau monde paraisse bien s’amuser puisque Chabrol ne parvient pas à nous impliquer dans ce délire finalement très sage.
Une déception artistique et commerciale qui a pourtant ses fans
Il faut dès lors se contenter de chercher les allusions aux grands succès du moment (La panthère rose, L’homme qui en savait trop), mais cela ne suffit guère à passer le temps durant un film exagérément long (près de deux heures tout de même).
Sorti fin août 1965, la parodie a tout de même fait sourire 964 679 entrées sur toute la France. Toutefois, au vu du budget important, ce résultat fut considéré comme décevant à l’époque et le personnage fut rangé dans un placard alors même que la fin ouverte laissait supposer une suite. Aujourd’hui, le long-métrage possède ses fans, notamment à l’étranger, mais il est en même temps considéré par beaucoup comme un nanar. En réalité, il s’agit surtout d’un film qui rate systématiquement sa cible et serait aujourd’hui totalement tombé dans l’oubli s’il n’avait pas été signé Chabrol.
Critique du film : Virgile Dumez