Vision très sombre d’une Amérique tentée par la dictature, Marche ou crève est une dystopie intéressante, manquant parfois de puissance dans sa réalisation.
Synopsis : Le jeune Garraty va concourir pour ” La Longue Marche “, une compétition qui compte cent participants. Cet événement sera retransmis à la télévision, suivi par des milliers de personnes. Mais ce n’est pas une marche comme les autres, plutôt un jeu sans foi ni loi…
Stephen King nous livre une vision dystopique de l’Amérique
Critique : Publiée en 1979 sous le pseudonyme de Richard Bachman, Marche ou crève (The Long Walk en VO) est en réalité une fiction née de l’imagination fertile de Stephen King. Le bouquin appartient au genre bien spécifique de la science-fiction nommée dystopie puisqu’il nous plonge dans un futur proche indéterminé où une Longue Marche est organisée par un pouvoir autoritaire afin de remotiver la Nation en proie à une crise économique. De ce jeu de survie, un seul gagnant pourra obtenir une récompense sonnante et trébuchante, assortie d’un vœu que le régime s’engage à réaliser.

© 2025 Lions Gate Corp. All Rights Reserved.
Le livre n’était clairement pas le plus simple à adapter au grand écran à cause de sa ligne narrative très étriquée, uniquement centrée sur le défi physique et mental que constitue cette marche où la mort attend la quasi-totalité des participants. Effectivement, dès que l’un des concurrents ralentit, il récolte un avertissement, puis deux, avant d’être physiquement éliminé par des soldats qui encadrent la fameuse marche.
On achève bien les chevaux…
D’ailleurs, le défi en matière d’adaptation était tel que plusieurs projets ont fini dans un tiroir, avant que le studio Lionsgate se porte finalement acquéreur des droits en 2023. Aussitôt, le script est confié à JT Mollner qui est un ancien acteur et un réalisateur indépendant. Celui-ci opte pour une version très proche du roman d’origine, tout en modifiant la fin, lui donnant une signification différente. Sans grande surprise, les producteurs ont choisi le cinéaste Francis Lawrence pour mettre en boite cette dystopie adolescente, lui qui a déjà œuvré sur la saga Hunger Games, dont les thématiques sont similaires.
Toutefois, le métrage n’est pas doté d’un budget de superproduction puisque Lawrence a dû se contenter de vingt millions de dollars pour réaliser le métrage, loin de rivaliser avec les blockbusters qu’il a tourné jusqu’ici. Avec Marche ou crève, le cinéaste signe donc une œuvre nettement plus intimiste et entièrement centrée sur la psychologie des multiples personnages qu’il met en scène. Il est finalement plus proche d’un film d’auteur comme On achève bien les chevaux (Sydney Pollack, 1969), au sujet très proche.
Une violence essentiellement psychologique
Cela commence plutôt bien car Francis Lawrence parvient à donner vie à un petit groupe de jeunes gens sans que l’on soit perdu. Malgré l’aspect choral du long métrage, le scénario arrive à faire vivre chacun avec une belle pertinence, même lorsqu’ils n’ont que peu de temps de présence à l’écran. Le réalisateur, aidé par un casting de jeunes acteurs plutôt bien assortis, octroie une réelle psychologie à chacun des protagonistes principaux. C’est sans aucun doute le point le plus réussi du film. Enfin, au bout d’une dizaine de minutes, il signe une scène choc avec l’élimination très graphique du premier candidat fatigué, avant que le titre ne s’affiche en gros sur l’écran.

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Ensuite, la tendance intimiste du film se confirmera de scène en scène, le tout étant régulièrement entrecoupé d’éliminations à l’arme à feu. Rien de bien graphique ou choquant, ce qui laisse dubitatif quant à l’interdiction du film aux moins de 16 ans. Sans doute la commission a-t-elle jugé le spectacle trop sombre pour de jeunes esprits. En tout cas, la violence exprimée ici est avant tout psychologique, tandis que ces jeunes hommes avancent vers leur propre mort.
Une ambiance sombre, mais une réalisation répétitive
Et de fait, Francis Lawrence ne craint pas de signer quelques scènes crades (comment déféquer quand on ne peut pas s’arrêter de marcher ?), tandis que l’ambiance générale du film demeure sombre de bout en bout. Cette noirceur évidente, soulignée par la musique assez glauque de Jeremiah Fraites (du groupe The Lumineers), est toutefois souvent compensée par la solidarité naissante au sein du groupe des jeunes concurrents. Cela va même jusqu’à la naissance d’une pure amitié entre les deux héros principaux, interprétés avec talent par Cooper Hoffman (la révélation de Licorice Pizza) et de David Jonsson (découvert au grand écran dans Alien : Romulus).
Pourtant, cela n’empêche nullement le long métrage de tourner parfois inutilement en rond et de devenir lassant. La faute en revient ici à Francis Lawrence qui ne parvient pas assez à varier sa réalisation. Il aborde la plupart des morts d’une manière similaire, tandis que ses plans manquent également de variété lorsqu’il s’agit de montrer les marcheurs à l’œuvre. Il aurait donc fallu couper davantage de passages qui ne servent guère à faire avancer l’intrigue pour rendre l’ensemble un peu plus dynamique.

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Et si la dystopie était en train de se réaliser ?
Enfin, que penser de la fin proposée par le scénariste, si ce n’est qu’elle ne résout finalement rien et qu’elle laisse tout le monde dans une impasse. Certes, elle demeure d’une réelle noirceur, mais que penser de cet appel à la violence comme solution désespérée à l’heure où les Etats-Unis sont en proie à une situation finalement très proche de ce qui est décrit dans cette dystopie. Il est d’ailleurs assez ironique que Stephen King soit l’un des auteurs les plus blacklistés actuellement dans les bibliothèques américaines depuis le retour de Donald Trump au pouvoir. Après tout, l’Amérique qu’il décrivait en 1979 n’est-elle pas en voie d’avènement ? C’est sans aucun doute ce qui fait le plus peur en visionnant cette version 2025 de Marche ou crève.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 1er octobre 2025

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Biographies +
Francis Lawrence, Mark Hamill, Roman Griffin Davis, Cooper Hoffman, Judy Greer, David Jonsson
Mots clés
Cinéma américain, Film d’anticipation, Dystopie, Les jeunes au cinéma, La dictature au cinéma