Louise… l’insoumise, film autobiographique culte des années 80, porte un regard personnel fort sur les interrogations d’une enfant rebelle, au sein d’une famille d’immigrés repliée sur elle-même. Des décennies après, le propos est d’une clairvoyance toujours aussi douloureuse.
Synopsis : En 1961, dans la région parisienne, une petite fille de dix ans se révolte contre l’autorité de sa mère qui lui impose le respect des traditions juives et lui refuse toute ouverture sur l’extérieur.
Louise… l’insoumise, un film culte à redécouvrir
Critique : L’enfance, les femmes, la religion, le repli communautaire. Ces thèmes forts ont toujours obsédé la réalisatrice méconnue, mais pourtant essentielle, Charlotte Silvera (Prisonnières, C’est la tangente que je préfère).
Après des documentaires sociaux et politiques engagés, Silvera passe en 1985 à la vitesse supérieure avec un premier long métrage s’articulant sur ces thèmes. Elle jette ainsi un regard poignant, parfois proche du documentaire de par son réalisme, sur une enfant juive tunisienne qui vit recluse au cœur d’une famille prolo. Un microcosme familial qui refuse toute assimilation avec la population autochtone.
Famille, je vous hais
Alors que l’école, salvatrice, et l’envie de se mélanger aux camarades conduisent Louise, la fameuse insoumise du titre, une dizaine d’années, à se rebeller contre l’autorité de la famille, et notamment celle de sa mère, (épatante Catherine Rouvel dans un rôle difficile), Silvera pointe intelligemment les brèches dans lesquelles la famille se réfugie, accentuant les déchirures socioculturelles : le refus de communiquer, de se remettre en question et de s’ouvrir aux autres, notamment via l’éducation ; l’aliénation de l’esprit par la télévision qui est, symboliquement, la dernière pièce (mentale pour le coup) du foyer…
Outre l’intrépide Louise, interprétée par une jeune comédienne au tempérament bien trempé (Myriam Stern), on retient également le rôle de la mère et épouse. Brutale, ignorante, étriquée, elle refuse tout rapprochement avec “les étrangers” (les Français), préférant servir de reine (au rabais) dans un microcosme familial où elle s’acharne à vouloir obtenir le dernier mot, du moins sur ses enfants, alors qu’elle-même est soumise au diktat du salaire misérable de son mari. Les frustrations, les jalousies, les rêves se mélangent au cœur de cette figure mi-tragique mi-pathétique, que la cinéaste condamne pour son aveuglement et sa lâcheté.
C’est la tangente qu’elle préfère
Au final, le parcours initiatique de l’enfant, qui a surtout été celui de la réalisatrice, signant ici une œuvre teintée d’autobiographie, est parfois drôle, souvent touchant, mais toujours douloureux. La découverte de la sexualité de son père (qui dissimule des magazines pornographiques dans son automobile), le comportement humiliant de son oncle vis-à-vis de sa petite cousine, l’observation qu’elle fait des parents des autres enfants, éminemment plus démonstratifs dans leur affection, la conduisent à briser la malédiction familiale en choisissant la tangente. On est alors en 1961. Louise apparaît comme une graine de symbole. Des décennies plus tard, Louise… l’insoumise n’a jamais été autant d’actualité. Un constat qui rend cette évocation datée encore plus amère qu’elle ne l’était à sa sortie en 1985.
En 2021, treize ans après une édition rare en DVD, ce film désormais oublié et pourtant formidable, ressort en salle restauré en 4K. A (re)découvrir absolument.