Espions allemands, meurtres et attentats terroristes sont au programme de ce film d’espionnage efficace, quoique trop impersonnel. L’homme qui en savait trop (1934) méritait vraiment son remake de prestige en 1956…
Synopsis : Alors qu’ils sont en vacances à Saint-Moritz, Bob et Jill sont témoins de l’assassinat de Louis Bernard, un espion français. Avant de mourir, il leur confie un document ultra-secret révélant un futur meurtre qui doit être commis au Royal Albert Hall de Londres. Pour empêcher le couple de parler, les assassins enlèvent leur fille…
Critique : Considéré par beaucoup comme le premier véritable film d’Hitchcock, cette première version de L’homme qui en savait trop (1934) ne détonne pas vraiment dans la production commerciale anglaise de l’époque. S’inspirant de deux faits divers distincts, le cinéaste montre une efficacité diabolique dans le traitement de son sujet : il lui faut moins de quinze minutes pour jeter les bases de son intrigue, pourtant assez tortueuse. On peut d’ailleurs regretter qu’un montage aussi serré ne permette pas d’approfondir la psychologie des personnages, marionnettes dans les mains d’un scénariste démiurge. La mise en scène, très fonctionnelle, se concentre bien plus sur les actes que sur les pensées de ses protagonistes, rendant le film assez impersonnel et froid. Il faut attendre la fameuse séquence musicale de l’Albert Hall pour que le spectateur soit plongé totalement dans un suspense magnifiquement orchestré. L’utilisation de la musique revêt ici une importance capitale puisqu’elle sert à couvrir un assassinat et qu’elle permet aussi de démasquer le coupable.
Petits meurtres en musique
La présence hypnotique de Peter Lorre, auréolé du succès du M le maudit (1931) de Fritz Lang, renforce la dénonciation d’Hitchcock, un des premiers cinéastes à l’époque à se prononcer clairement pour une action rapide contre le régime nazi. Effectivement, la germanité de son terroriste n’est nullement un hasard et montre l’engagement d’un auteur toujours prêt à dénoncer les agissements d’un gouvernement extrémiste. Conscient des qualités et aussi des limites de son film, Hitchcock décida de tourner lui-même un remake, cette fois-ci en couleurs, judicieusement intitulé L’homme qui en savait trop (1956). Pourtant, malgré de nombreuses modifications et quelques belles fulgurances, cette nouvelle version se révéla être, une fois de plus, une œuvre impersonnelle, commercialement efficace mais artistiquement décevante.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 1er mars 1935
Box-office :
Repris en France en mars 2013, L’homme qui en savait trop (1934) a connu une carrière exclusivement parisienne de 5 semaines, s’élevant à 1 821 spectateurs, via le distributeur Mission/Park Circus.
En février 2014, la version restaurée apparaît en Blu-ray, via Elephant Films, avec comme seul bonus, une présentation du film par Jean-Pierre Dionnet. La HD permet de redécouvrir une œuvre tristement oubliée en raison de l’insolent succès de son remake avec James Stewart et Doris Day, malgré d’innombrables éditions VHS et DVD, dans le cadre de rétrospective Alfred Hitchcock (Les Editions Atlas);