Pierre Fresnay fut un monstre sacré du cinéma français des années 1930-50. Il a trouvé ses meilleurs rôles avec Pagnol, Renoir et Clouzot.
Pierre Fresnay, de Marius au capitaine de Boeldieu
Pierre Fresnay est avant tout un grand comédien de théâtre, entré à la Comédie-Française en 1915, et sociétaire de 1924 à 1929. Il mène ensuite un parcours exemplaire sur les planches, jusqu’en 1972, jouant Guitry, Anouilh, Giraudoux ou André Roussin, et assurant parfois lui-même des mises en scène.
Considéré en son temps comme l’un des meilleurs acteurs français, il débute au cinéma en 1915 mais connaît la notoriété au début du parlant, avec son interprétation du rôle-titre de Marius (1931) d’Alexander Korda, personnage qu’il reprend avec Fanny (1932) de Marc Allégret et César (1936) de Marcel Pagnol. Sa composition marseillaise séduit le public ; et la trilogie en fait, avec Raimu, une vedette incontournable du cinéma français. Il forme aussi, à l’écran comme à la ville, un couple célèbre avec la chanteuse Yvonne Printemps, avec laquelle il tourne La dame aux camélias (1934) de Fernand Rivers et Abel Gance, Trois valses (1938) de Ludwig Berger et Adrienne Lecouvreur (1938) de Marcel L’Herbier.
Les cinéphiles retiendront davantage son interprétation du capitaine de Boeldieu dans La grande illusion (1937) de Jean Renoir, où son élégance aristocratique contraste avec le charisme populaire de Jean Gabin. La scène où il est tué à contrecœur par l’officier allemand (Erich von Stroheim) est l’une des plus fortes du cinéma français. Partenaire de Marie Bell dans Le roman d’un jeune homme pauvre (1935) d’Abel Gance, de Louis Jouvet dans Salonique, nid d’espions (1937) de Georg W. Pabst, ou de Viviane Romance dans Le puritain (1938) de Jeff Musso, il devient un acteur adulé par le public et les producteurs. Pierre Fresnay achève la décennie en se moulant avec aisance dans l’univers onirique de La charrette fantôme (1939) de Julien Duvivier.
L’acteur emblématique du cinéma de Clouzot
Le cinéma de l’Occupation lui offre ensuite trois rôles majeurs. Si Fresnay excelle dans La main du diable (1943) de Maurice Tourneur, c’est Henri-Georges Clouzot qui lui permet de se surpasser. Fresnay incarne le commissaire Wenceslas dans Le film policier L’assassin habite au 21 (1942), et surtout l’ambigu docteur Germain dans Le corbeau (1943). Ce récit d’un petit village gangrené par la délation, métaphore de la France à l’époque du tournage du film, est un petit bijou de noirceur et de finesse. Fresnay est cependant inquiété à la Libération, ces trois métrages ayant été produits par la firme allemande Continental. Mais cela ne porte pas atteinte à sa carrière.
L’acteur demeure à l’après-guerre et dans les années 50 une valeur sûre du cinéma français. Mais ses rôles sont de plus en plus édifiants, dans des films académiques qui assurent son succès mais demeurent d’un intérêt limité. C’est le cas de Monsieur Vincent (1947) de Maurice Cloche, pour lequel il décroche la Coupe Volpi du meilleur acteur au Festival de Venise ; La valse de Paris (1950), adaptation vieillotte d’Offenbach par Marcel Achard ; Un grand patron (1951), mélo médical d’Yves Ciampi ; L’homme aux clés d’or (1956), drame policier de Léo Joannon ; ou Les œufs de l’autruche (1957), comédie boulevardière de Denys de La Patellière. Le jeu de l’acteur paraît en outre trop théâtral, avec sa diction emphatique et nasillarde.
Après Les vieux de la vieille (1960) de Gilles Grangier, pénible festival de cabotinage où il partage l’affiche avec Jean Gabin et Noël-Noël, Pierre Fresnay se retire du cinéma et termine sa carrière sur les planches et à la télévision.