Les tueurs sont nos invités est un petit polar de série fauché qui n’est guère enthousiasmant, mais qui satisfera les amateurs de cinéma bis par ses dérapages érotiques, son ambiance perverse et sa bande sonore typique de l’époque.
Synopsis : Franco, Eliana et Mario dévalisent une bijouterie à Milan et prennent la fuite. Franco, ayant été blessé lors de la fusillade avec la police, les criminels prennent la décision de se réfugier temporairement dans une villa isolée. Là, ils obligent le propriétaire des lieux, le Dr Malerba, à soigner Franco, et contactent Eddy, le chef de l’organisation. Alors que le trio attend son arrivée, la tension monte peu à peu dans la maison…
Un thriller créé dans le cadre d’une coopérative
Critique : Caméraman pour le compte de la RAI, Vincenzo Rigo arrive au cinéma par les hasards de la vie et des rencontres. Son cousin, qui a quelques entrées dans le domaine du septième art, lui indique qu’ils peuvent fonder une coopérative d’artistes milanais afin de réunir une petite somme d’argent servant à créer une œuvre cinématographique. Très intéressé par l’idée de monter son premier film, Vincenzo Rigo accepte de s’engager dans l’aventure. Afin d’initier le projet, on lui propose de réaliser un polar, genre très à la mode et qui peut rapporter gros en misant peu d’argent. Cela tombe bien puisqu’un script signé Renato Romano et Bruno Fontana est disponible pour une somme assez dérisoire.
Selon les entretiens récents disponibles sur l’édition blu-ray éditée par Le Chat qui Fume, le cinéaste Vincenzo Rigo assure que le script était lamentable et qu’il l’a intégralement réécrit. Difficilement vérifiable, mais cette affirmation semble crédible lorsque l’on visionne le résultat final puisque le scénario n’est guère le point fort du film. Avec un budget rachitique, Vincenzo Rigo parvient toutefois à réunir devant sa caméra des acteurs tels qu’Anthony Steffen et Luigi Pistilli et une actrice comme Margaret Lee. De quoi attirer le chaland dans les salles qui voudront bien programmer cette autoproduction en forme de huis-clos.
Les tueurs sont invités à participer à un huis-clos
Effectivement, après un début qui se sert de son cadre milanais pour évoquer le braquage foireux d’une bijouterie, les auteurs enferment les malfrats dans la maison d’un docteur dont ils sollicitent les services pour soigner un de leur comparse blessé par balle. Dès lors s’ouvre un fort long huis-clos qui patine quand même sérieusement au bout d’une quarantaine de minutes, avant d’être relancé par un twist final étonnant. Ce que l’on croyait être un simple film de prise d’otages se transforme alors en thriller à machination comme les Italiens en tournaient beaucoup dans les années 60.
Au cours du huis-clos, seules les relations outrées entre les personnages permettent d’alimenter un script en roue libre. Heureusement, toujours prêts à déraper dans le pur cinéma d’exploitation, les auteurs ont multiplié les scènes improbables pour le plus grand plaisir des bisseux. Ainsi, les malfrats pénètrent au cœur du foyer dysfonctionnel du médecin, dont la relation avec sa femme tient de la guerre ouverte. Ainsi, le docteur impuissant joué par Anthony Steffen (à contre-emploi et visiblement pas très à l’aise) doit affronter la vindicte de sa femme frustrée interprétée par l’actrice de théâtre Livia Cerini. Le jeu outrancier de la diva convient finalement bien à ce rôle.
Du cinéma d’exploitation qui verse allègrement dans le sexe racoleur
Face à eux, les braqueurs semblent désemparés. On apprécie toutefois beaucoup le jeu sobre mais assuré de Margaret Lee, tandis que Giuseppe Castellano fait un gros bras très impressionnant. Vincenzo Rigo, sans doute afin de caresser le public de l’époque dans le sens du poil, multiplie les scènes outrancières avec notamment une séquence de lesbianisme gratuite, mais aussi une longue tentative de viol bien putassière. En fait, Vincenzo Rigo se révèle incapable de créer la moindre tension à cause d’une réalisation très faible.
Non seulement il est incapable d’exploiter correctement la maison qui sert de cadre au drame, mais la géographie même de l’habitation n’est jamais très claire. Visiblement accompagné d’une équipe très réduite, Vincenzo Rigo signe également la photographie qui se révèle très plate. Enfin, il est incapable de bien diriger des acteurs fragiles comme Anthony Steffen – vraiment à côté de la plaque – ou encore Gianni Dei. Finalement, il ne reste véritablement à sauver de l’ensemble un bon twist final et surtout un habillage musical très efficace de la part de Roberto Rizzo, un ami musicien du cinéaste (dont le thème a été très largement arrangé par Nando De Luca, que l’on peut considérer comme coauteur de la musique).
Un spectacle bis exhumé par Le Chat qui Fume
Selon le réalisateur, le film serait sorti en Italie avec un certain succès, mais cela n’a pas permis au long-métrage d’être largement distribué en France. Le site Encyclociné indique une sortie furtive dans le Sud-Est de la France fin avril 1980, soit six ans après sa sortie italienne. Par la suite, aucune exploitation en VHS ou DVD n’est identifiable et il a donc fallu attendre la sortie en blu-ray par Le Chat qui Fume pour que les bisseux français puissent réellement découvrir ce thriller dispensable, assorti d’un long entretien avec son réalisateur. Le supplément est par ailleurs plus intéressant que le film lui-même.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 30 avril 1980
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Biographies +
Vincenzo Rigo, Luigi Pistilli, Margaret Lee, Anthony Steffen, Giuseppe Castellano, Livia Cerini
Mots clés
Cinéma bis italien, Films sur le couple, Home Invasion, Premier film