Encore un président qui ne tient pas ses paroles ! Comédie sans scénario, Les Tuche 3 aligne les gags “piches” et “cruches”, avec l’approximation à micro-ondes de la réplique réchauffée. Du déjà-vu qui peut néanmoins compter sur des personnages attachants.
Synopsis : Jeff Tuche, se réjouit de l’arrivée du TGV dans son cher village. Malheureusement, le train à grande vitesse ne fait que passer, sans s’arrêter à Bouzolles. Déçu, il tente de joindre le président de la République pour que son village ne reste pas isolé du reste du territoire. Sans réponse de l’Élysée, Jeff ne voit plus qu’une seule solution pour se faire entendre : se présenter à l’élection présidentielle… Profitant de circonstances politiques imprévisibles, Jeff Tuche et toute sa famille vont s’installer à l’Élysée pour une mission à haut risque : gouverner la France.
Les Tuche 3 ou l’anticipation du mouvement des Gilets jaunes
Critique : Vous trouvez le président Macron et son sens de la communication lisses? Pas de problème, Les Tuche 3 est là pour vous remonter le moral, anticipant dans l’humour le mouvement des Gilets jaunes, avec le prolétariat débarquant à l’Elysée.
Le sens de la répartie plein les dialogues, sans poudre de perlinpinpin et saperlipopette à chaque sortie d’autoroute, Jeff Tuche et sa famille cruche investissent la résidence présidentielle après quelques jolis malentendus politiques qui font sourire (un candidat vert rattrapé par le scandale d’une photo de lui et de son trophée de chasse, un panda criblé de balles). L’idée est connue, et les deux premiers films de la désormais célèbre trilogie d’Olivier Baroux et de bon nombre de comédies françaises (La vie est un long fleuve tranquille, Neuilly sa mère!, Les visiteurs…) aiment l’appliquer à la lettre, en déclinant la nature chic du réceptacle. Il s’agit toujours de placer des éléments incongrus dans un milieu de convenance et de décorum, où la sympathie et la franchise du petit l’emportent toujours sur la mesquinerie de la haute société.
La sympathie, les Tuche l’ont déjà acquise, ils la conserveront bon gré mal gré. Point de personnages dans la famille qui n’obtienne pas l’adhésion populaire dans ce chapitre. Et ce même si le fils intello de la bande, pivot du second numéro, puisqu’il était la raison pour laquelle la famille s’expatriait aux USA, se trouve, en raison du scénario, plutôt absent des devants de la scène élyséenne.
Une comédie du verbe maltraité
Les Tuche, ces dictionnaires ambulants d’un français revisité par la syllabe folle, égratignent l’accent, écorchent la langue, et savourent le premier degré des mots. Et on apprécie cela. De leurs ratés linguistiques sur lequel le gros du film repose, à la fainéantise légendaire de chômeur de Jeff président, portée ici en emblème national (la généralisation d’un jour férié, avant le jour férié, pour s’y préparer, mais aussi après, pour s’en remettre ; l’exécutif qui se met en grève contre le CAC40, devenu le “couac 40”), forcément, le sourire est fréquent. Dans ce bain de franchouille avéré, on évite même la consternation pour une bienveillance sereine.
Pas de socle narratif solide
Toutefois, l’idée d’un rire volontiers ne se vérifie pas, puisque l’essentiel de l’œuvre, qui devrait aussi passer par une structure scénaristique, abdique de tout bon sens. Le film n’a pas de cap et les rouages ne sont pas suffisamment solides pour ne pas trahir la parole présidentielle du nouveau chef de l’État.
Les méchants (appelez-les adversaires politiques ou écrivaillon à la plume opportuniste acérée) sont expédiés de façon transparente, à l’image d’une fin précipitée qui tord le cou à la vision que peuvent avoir certains amateurs du genre comique, pour qui la suite de gags contrebalancerait l’absence de narration. Les Tuche 3 ne permet en rien de valider cette vision un peu limitée du divertissement.
Malgré une réalisation ronde et des décors surprenants qui ne manquent pas d’aisance (budget de 13 millions d’euros), l’appréciation de cette suite de sketches est donc essentiellement télévisuelle et TF1 l’a déjà engagé pour ses primes, en étant coproductrice.
Les Tuche 3 trahit encore la parole présidentielle
In fine, en 2018, le président Tuche n’est pas le premier à trahir sa parole présidentielle ou à n’œuvrer que pour son microcosme de fidèles (il propose immédiatement à ses potes chômeurs de venir prendre les postes de ministres) ; pis, il n’est pas le dernier des élus à parvenir au sommet de la République sans vrai parcours politique (il a quand même le mandat de maire de Bouzolles !). Mais on lui reconnaîtra au moins de ne pas avoir la fadeur et l’air benêt de ses prédécesseurs, même s’il est né avec un bonnet d’âne cousu sur la tête. Bref, quand on voit l’état mortifère de la politique actuelle, on se dit que finalement, un Tuche au pouvoir, ce n’est pas non plus la catastrophe tant redoutée. Box-office Verdict : un énorme succès en province, moins sur Paris… 5.687.100 en France, soit un million de plus que le précédent volet. Les Parisiens n’ont même pas été 700.000…
Avec ce score phénoménal, le public a élu Les Tuche 3 deuxième plus grand succès annuel en 2018, premier pour une production nationale, ce qui lui a valu le César du public devant La famille Ch’ti de Dany Boon.