Les sentiers de la violence : la critique du film (1970)

Drame | 1h47min
Note de la rédaction :
7/10
7
Les sentiers de la violence, affiche

  • Réalisateur : Gordon Parks
  • Acteurs : Kyle Johnson, Alex Clarke, Estelle Evans, Dana Elcar
  • Date de sortie: 05 Août 1970
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Learning Tree
  • Titres alternatifs : Hass (Allemagne) / Drzewo wiadomości (Pologne) / Ragazzo la tua pelle scotta (Italie) / The Learning Tree - vuosi elämästäni (Finlande) / Med knyttede næver (Danemark) / Com o Terror na Alma (Brésil)
  • Année de production : 1969
  • Scénariste(s) : Gordon Parks d’après son autobiographie
  • Directeur de la photographie : Burnett Guffey
  • Compositeur : Gordon Parks
  • Société(s) de production : Winger, MGM
  • Distributeur : Warner Bros.
  • Éditeur(s) vidéo : -
  • Date de sortie vidéo : -
  • Box-office Paris-périphérie : 2 467 entrées
  • Box-office nord-américain : 1,5 M$ (soit 12,1 M$ au cours du dollar de 2022)
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Image Awards (NAACP) 1969 : Prix de la meilleure actrice pour Estelle Evans
  • Illustrateur / Création graphique : Jean Mascii (affiche française de 1970)
  • Crédits : MGM
Note des spectateurs :

Premier film tourné par un Afro-américain dans le cadre d’un grand studio hollywoodien, Les sentiers de la violence est une réussite par sa capacité à décrire la ségrégation raciale de manière nuancée. Il s’agit d’une œuvre à sortir de l’oubli où elle est tombée.

Synopsis : Dans le Kansas des années 1920, un jeune Noir américain est propulsé dans la vie adulte par une suite d’événements tragiques.

Le premier film d’un studio hollywoodien réalisé par un Afro-américain

Critique : Photo-reporter qui a laissé des milliers de clichés sur la communauté afro-américaine, Gordon Parks a également été un militant actif pour les droits civiques durant les années 60. En 1963, il publie un récit semi-autobiographique intitulé The Learning Tree (Les sentiers de la violence en français) qui devient assez rapidement un best-seller. Après s’être exercé à la réalisation par le biais de courts documentaires, Gordon Parks souhaite tourner une version cinématographique de son livre. Toutefois, la reconstitution des années 20 nécessite un important budget que lui interdit le circuit indépendant et communautaire de l’époque.

Comptant sur sa popularité, Gordon Parks parvient à convaincre le grand studio Warner Bros. d’investir dans le projet. Il obtient également d’écrire le scénario, de réaliser et de composer la musique du film. Soutenu par le studio, il impose aussi de s’entourer d’une équipe majoritairement afro-américaine, malgré l’opposition des syndicats qui sont tous tenus par des Blancs. Finalement, Gordon Parks parvient à faire des Sentiers de la violence (1969) le tout premier film réalisé par un Afro-américain produit par un grand studio hollywoodien. Et le moins que l’on puisse dire est que la réussite est au bout du chemin.

Description nuancée de la ségrégation dans les années 20

Evocation romancée de la jeunesse de l’auteur, Les sentiers de la violence se situe à Fort Scott (au Kansas) qui est la ville de naissance du cinéaste. L’Etat qui fait partie de la grande ceinture agricole des Etats-Unis est marqué par une forme de ségrégation non déclarée qui est décrite avec beaucoup de nuances par l’auteur. Située dans les prospères années 20, l’intrigue suit l’apprentissage progressif d’un adolescent noir qui va peu à peu se heurter au mur de la ségrégation raciale. Lui-même appartient pourtant à une famille parfaitement intégrée au système, totalement respectueuse des lois juridiques et religieuses. Le jeune homme peut même sembler parfois un peu trop résigné d’avance, mais il représente bien cette espèce de fatalisme qui touchait la population afro-américaine de l’époque.

Si les interdits raciaux ne sont jamais explicites dans le film, on peut rapidement s’apercevoir qu’un Noir n’a finalement pas les mêmes droits qu’un Blanc et que le système pousse les jeunes à accepter leur condition inférieure. Le tout ne se fait pas nécessairement par la violence, mais bien également par la persuasion, ce qui est finalement plus retors. Bien entendu, Gordon Parks n’oublie pas de dénoncer la tendance de la police à tirer plus vite que son ombre dès que le fuyard est un Noir. Toutefois, la grande qualité des Sentiers de la violence vient de son absence de simplification et de son sens de la nuance.

Un récit d’apprentissage poignant, jamais réductible à son aspect pamphlétaire

Non, tous les Blancs ne sont pas hostiles et certains progressistes luttent même pour que la situation s’améliore. Non, tous les Noirs ne sont pas des saints et certains sont bel et bien des criminels qui méritent d’être châtiés. Toutefois, le destin le plus tragique n’est pas celui du héros, très justement incarné par le jeune Kyle Johnson, mais bien celui de son antagoniste Marcus (très bon Alex Clarke). Lié à la malédiction paternelle par une forme d’atavisme, le jeune délinquant passe par toutes les étapes de la reproduction sociale et s’avère condamné d’avance par la société. Pire, son bourreau sera un membre de sa propre communauté, preuve que la solidarité ne fonctionne pas toujours.

Tous ces éléments font de Les sentiers de la violence une œuvre qui n’est aucunement réductible à son titre français, finalement peu éloquent. Si violence il y a, elle est surtout sociale et institutionnelle et le long-métrage s’apparente davantage à un récit d’apprentissage doux-amer. Le tout est sublimé par une jolie photographie de l’oscarisé Burnett Guffey (on lui doit celle de Tant qu’il y aura des hommes et de Bonnie et Clyde), tandis que l’ensemble du casting se révèle parfaitement à l’aise. Estelle Evans, déjà vue dans le magnifique Du silence et des ombres (Mulligan, 1962), compose une mère de famille droite et honnête vraiment bouleversante, tandis que Dana Elcar fait un shérif plouc très convaincant.

Les sentiers de la violence, une œuvre importante, malheureusement oubliée

Sorti dans un circuit limité aux grandes villes des Etats-Unis en 1969, Les sentiers de la violence a tout de même cumulé 1,5 millions de dollars de recettes (soit 12,1 M$ au cours du dollar de 2022). Une opération lucrative donc, qui a permis au long-métrage de débarquer dans les salles françaises au mois d’août 1970 pour un résultat mineur. Il faut dire que le drame n’était présent que dans 3 salles parisiennes pour un résultat de 2 467 entrées durant sa semaine d’investiture.

Depuis, le film a été largement oublié, malgré son importance historique, à tel point qu’il n’a jamais fait l’objet de la moindre exploitation en support physique sur notre territoire. Désormais, il apparaît de temps à autre sur des plateformes et mérite franchement le coup d’œil, même si la réalisation de Gordon Parks demeure essentiellement illustrative et donc classique.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 5 août 1970

Voir le film en VOD

Les sentiers de la violence, affiche

© 1969 Winger – Warner Bros. / Affiche : Jean Mascii. All Rights Reserved.

Biographies +

Gordon Parks, Kyle Johnson, Alex Clarke, Estelle Evans, Dana Elcar

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Les sentiers de la violence, affiche

Bande-annonce de Les sentiers de la violence (VO)

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