Les monstres de la mer est une série B qui tient du nanar, mais demeure sympathique à suivre par sa surenchère de nudité et de violence graphique. Du pur cinéma d’exploitation.
Synopsis : Californie, dans le village de Noyo. Une compagnie scientifique élève des saumons génétiquement modifiés. Par un coup de malchance, ces poissons se retrouvent dévorés par des cœlacanthes, qui se mettent à muter en hommes-poissons voraces qui envahissent le port du coin.
Un pur film d’exploitation de la New World Pictures
Critique : À la fin des années 70, le producteur Roger Corman continue à œuvrer dans la série B, voire Z, en recyclant la plupart des recettes qui ont fait son succès dans les années 50. Sa compagnie, la New World Pictures, vient de connaître un beau succès avec Piranhas (1978) de Joe Dante qui n’est pourtant qu’un démarquage des Dents de la mer (1975) de Steven Spielberg. Pourquoi se contenter d’un seul hit quand on peut reprendre chaque élément du scénario pour mettre en chantier un autre film ?
Et voici donc Roger Corman à la tête d’une nouvelle exploration de l’horreur maritime, mâtinée d’expériences scientifiques qui ont le mérite d’expliquer l’impensable, le tout sur fond de discours écologiste alors à la mode. Toutefois le procédé ne trompe personne et dès les premières minutes, le spectateur se retrouve en terrain connu, à savoir celui d’un pur film d’exploitation recyclant toutes les ficelles du genre.
Un film truffé de scènes additionnelles, tournées dans le dos de la réalisatrice
Comme à son habitude, Corman a confié la réalisation à l’un de ses jeunes poulains, ici la très indépendante Barbara Peeters qui a déjà œuvré pour le maître du budget étriqué durant les années 70. Toutefois, jugeant que la réalisatrice n’avait pas rempli son quota de plans gore et de nudité explicite, Corman a confié à Jimmy T. Murakami le soin de tourner bon nombre de plans additionnels, sans que cela nuise à l’intégrité du film, bien au contraire. Effectivement, pris au premier degré, Les monstres de la mer n’a guère d’intérêt puisque le scénario se contente d’aligner les clichés les plus éculés les uns à la suite des autres.
On retrouve la petite communauté de pêcheurs qui s’apprête à organiser une grande fête locale, des jeunes gens qui ne pensent qu’à forniquer, devenant par-là même les premières victimes idéales des monstres, mais également les scientifiques peu scrupuleux qui se livrent à des manipulations douteuses sur Dame Nature, celle-ci se vengeant en créant des hordes de monstres mutants. Rien de nouveau sous le soleil du bis, d’autant que toutes les situations sont rebattues et que les dialogues sont bien souvent déplorables.
Des acteurs uniformément médiocres
Que dire enfin de l’interprétation générale, plutôt lamentable avec ces comédiens aux yeux vides et aux expressions figées ? On en viendrait presque à trouver les monstres plus expressifs. La palme du faciès le plus inerte revient à Ann Turkel (déjà vue dans Le pont de Cassandra), jamais crédible en scientifique, tandis que Doug McClure semble se demander à chaque seconde ce qu’il est venu faire dans cette galère. Au final, c’est sans aucun doute le vétéran Vic Morrow qui s’en sort le mieux en vieux baroudeur hostile, mais finissant par se racheter une conduite au dernier moment.
On notera toutefois une petite originalité au sein de cette production américaine. Effectivement, au lieu de s’attacher aux pas d’un seul héros qui permettrait de sauver la situation, le long-métrage préfère opter pour une solution collective, battant ainsi en brèche l’individualisme si cher aux Américains. Cette tendance progressiste se retrouve également dans le traitement qui est fait du conflit opposant des petits pêcheurs locaux à un gros trust industriel. Enfin, le propos se dote aussi d’une dimension écologiste qui confirme une fois de plus la volonté initiale des auteurs, même si l’ensemble est noyé sous un déluge de scènes bis.
Les monstres de la mer ou la générosité en matière de nudité et de gore
Effectivement, le bisseux qui sommeille en nous sera indulgent car la dernière demi-heure recèle un nombre conséquent de morts violentes allant parfois jusqu’au délire gore pur et simple. Dynamité par un montage efficace signé l’excellent Mark Goldblatt, une bande sonore à la limite de l’hystérie (des cris passent en boucle durant toute la séquence de l’invasion du port) et une générosité absolue en matière d’action, Les monstres de la mer finit par compenser en partie les faiblesses inhérentes à son mode de production par sa prolixité en matière de gore décomplexé et de nudité purement gratuite.
De quoi rendre la projection assez fun, dans un esprit potache qu’a retrouvé plus de trente ans plus tard Alexandre Aja pour son remake de Piranhas en 3D. Notons également que cette efficacité est en grande partie le fruit du travail du maquilleur Rob Bottin qui a créé un bestiaire saisissant à base de latex, continuant ainsi son boulot initié sur Piranhas de Dante. Ses monstres sont plutôt charismatiques et suffisamment réalistes pour être exposés en pleine lumière de façon régulière.
Un très gros succès international
Au final, ce nanar bis satisfera les amateurs du genre et consternera les autres. Sorti durant l’été 1980 dans les salles françaises, le long-métrage a connu un succès étonnant en cumulant 849 540 spectateurs, pour la plupart glanés en province et dans les stations balnéaires, sa carrière se prolongeant même jusqu’au mois de décembre. Cette très bonne affaire a d’ailleurs poussé Roger Corman à produire un remake en 1996, bien moins réputé. Le long-métrage a été depuis édité en VHS, mais peut être surtout redécouvert dans une copie correcte grâce au superbe Mediabook édité par Sidonis Calysta. Outre une copie de bonne tenue, le combo DVD / Blu-ray propose des bonus intéressants et un livret très informatif signé Marc Toullec.
Critique de Virgile Dumez