Mêlant perfection formelle et profondeur thématique, Le trésor de la Sierra Madre est l’une des oeuvres phares de John Huston. Cette superproduction sortie en France en 1948 est d’une imparable beauté et d’une efficacité intemporelle. Un chef d’oeuvre, tout simplement.
Synopsis : Dobbs et Curtis travaillent sur un chantier dont le chef part avec le salaire des ouvriers. Ils partent à sa recherche et récupèrent leur argent. Puis ils s’associent avec le vieil Howard pour exploiter un filon d’or dans la Sierra Madre.
Le trésor de la Sierra Madre est un flamboyant joyau en noir et blanc !
Critique : Après le coup de maître que fut Le faucon maltais (1941) et une série de films de propagande réalisés durant la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste John Huston, s’entiche du roman de B. Traven contant les aventures d’un groupe d’hommes qui succombent à la fièvre de l’or. L’énigmatique auteur, dont on ne connait que le pseudonyme, avait une réelle détestation du capitalisme et tentait de montrer la folie d’un système entièrement basé sur la cupidité. Avec une rare intensité, John Huston reprend à son compte cette virulente critique tout en développant la psychologie des personnages, échappant ainsi aux stéréotypes et autres clichés. Ni bons, ni mauvais, tous les protagonistes sont des êtres de chair et de sang, tour à tour courageux ou lâches, amicaux ou nuisibles, altruistes ou individualistes. Même l’intrus incarné de manière monolithique par Bruce Bennett est en réalité un brave père de famille qui ne cherche qu’à se sortir de la misère dans laquelle il végète depuis trop longtemps.
Une interprétation remarquable (et remarquée à sa sortie)
Cette richesse des personnages tient aussi à la justesse de l’interprétation : Humphrey Bogart trouve ici son plus beau rôle en chercheur d’or qui perd peu à peu la raison, Tim Holt joue la fausse innocence avec talent, tandis que Walter Huston écrase ses camarades en vieux briscard à qui on ne la fait pas (il a d’ailleurs obtenu l’Oscar du meilleur second rôle grâce à son incroyable performance).
Sublimé par le magnifique noir et blanc de Ted McCord, l’efficace partition musicale de Max Steiner et la réalisation divine d’un John Huston en forme olympique (Oscar du meilleur réalisateur pour son travail remarquable), Le trésor de la Sierra Madre est un imposant chef d’œuvre qui évoque souvent Les rapaces de Erich Von Stroheim, autre monument du cinéma ayant pour thème l’avidité et la destructrice rapacité des hommes.
La biographie de John Huston
Grâce à un humour très ironique, Huston signe un intense huis-clos en plein air, détournant avec une évidente jubilation tous les codes du cinéma hollywoodien (notamment en insistant sur la thématique de l’échec faisant écho à d’autres fins mémorables de sa filmographie, comme celle de Quand la ville dort en 1950). Cet aspect peu conventionnel a déstabilisé non seulement le studio Warner, mais également les spectateurs de l’époque qui en ont fait un cinglant échec commercial. Heureusement, la postérité a été bien plus clémente envers ce petit joyau, considéré aujourd’hui comme une œuvre majeure du cinéaste et du cinéma américain en général.
Les sorties de la semaine du 9 février 1949
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