Académique, classique, mais souvent passionnant et palpitant, Le Mans 66 est une belle page d’histoire sportive qui séduira au-delà du cercle des initiés.
Synopsis : Basé sur une histoire vraie, Le Mans 66 réalisé par James Mangold, relate l’incroyable aventure humaine et sportive qui a conduit l’ingénieur automobile visionnaire américain Caroll Shelby (Matt Damon) à faire équipe avec le pilote de course britannique surdoué Ken Miles (Christian Bale). Bravant l’ordre établi, défiant les lois de la physique et luttant contre leurs propres démons, les deux hommes n’avaient qu’un seul but : construire pour le compte de Ford Motor Company un bolide révolutionnaire capable de renverser la suprématie de l’écurie d’Enzo Ferrari sur le mythique circuit des 24 heures du Mans en 1966…
Mangold sur la piste des Oscars
Critique : Entre films à Oscars (Walk the line) et productions super-héroïques (Wolverine, 2, Logan), James Mangold ne sait plus sur quel pied danser et c’est logiquement au volant d’un bolide qu’on le retrouve.
Dans une tradition plus académique que clinquante, sa vision de la Formule 1 s’éloigne du cinéma de divertissement populaire à la Stallone (Driven, de Renny Harlin), pour s’intéresser au sport à hauteur d’homme. Le Mans 66 positionne son récit dans un cadre historique, celle d’une compétition entre le nabab de Ford, qui dans le marasme de Détroit, compte sur des victoires prestigieuses pour redorer son blason, et l’écurie de Ferrari). C’est également un récit de l’intime : derrière les exploits du pilote Ken Miles, c’est aussi le récit d’une amitié et les coulisses familiales qui sont développées. Cette combinaison propre à la psychologie des bons films à statuettes est celle des biographies proprement adaptées, probablement revisitées par la plume romanesque de Hollywood, mais ici l’exercice fonctionne formidablement bien à l’écran.
Le Mans 66 : après Steve McQueen, Christian Bale
Pour relater l’histoire déçue (déchue ?) de Ken Miles, génie de la voiture privée de sa victoire lors de la légendaire édition 66 de la compétition automobile du Mans, James Mangold a fait appel aux talents d’acteurs avérés. Christian Bale joue le personnage de Miles avec la distorsion propre à toutes ces compositions, ne cherchant pas forcément à rendre plus charismatique qu’il ne faut un personnage obsessionnel, un brin cynique, et pour lequel il nous faut du temps pour lui céder un peu de sympathie. Son meilleur ami, le prestigieux ingénieur automobile Shelby, est joué par Matt Damon, honorable, mais loin de la capacité dramatique de son compagnon de jeu. On notera que ce n’est pas la première fois que l’histoire du circuit français passionne Hollywood : Steve McQueen avait consacré toute son endurance à monter le projet Le Mans, en 1970, qu’il considérait comme le film de sa vie. L’histoire et les personnages étaient alors autres.
Le Mans 66 prend toute son ampleur à l’écran, avec la discipline de Mangold et de son formidable directeur de photo, Phedon Papamichael (le somptueux noir et blanc de Nebraska, d’Alexander Payne, c’était lui), tous deux profitant d’un budget cossu de près 100 millions de dollars pour faire renaître entraînements et compétitions sur écran large (le film a aussi été pensé pour être diffusé sur les écrans en Imax), avec toute la magnificence d’images fluides, entraînantes, pour happer des spectateurs pas forcément initiés aux courses professionnelles.
Une œuvre iconique sur l’Amérique
D’une durée de 2h30, ce beau récit de complicités viriles sur le bitume ne perd jamais de son allant dans la durée, celle-ci permettant à l’émotion d’enfler sans chercher la précipitation et le chaos d’un montage épileptique. Derrière le portrait brossé d’un pilote britannique, vivant le rêve américain, avec sur toile de fond une édition de course automobile française, c’est toute une mythologie nord-américaine qui est brossée, iconisant la tôle, l’essence et les garages d’une Amérique fascinée par sa propre histoire, ce que, dans le domaine de l’animation, Cars de John Lasseter, en 2006, avait déjà réussi à accomplir. Depuis, le studio producteur Twentieth Century Fox a baissé les bras et a cédé l’écurie à Disney : la boucle est bouclée.
Critique : Frédéric Mignard