Le lieu du crime : la critique du film (1986)

Drame | 1h30min
Note de la rédaction :
8/10
8

Note des spectateurs :

Confirmant les espoirs placés en lui après Rendez-vous, André Téchiné livre avec Le lieu du crime une œuvre torturée aboutie, sublimée par l’interprétation magistrale de l’ensemble du casting. Un incontournable.

Synopsis : Thomas, adolescent de treize ans, s’ennuie un peu dans le petit village du Sud-Ouest où il vit entre son adorable mère et ses chers grands-parents. Sa rencontre avec deux fugitifs va faire brutalement basculer sa vie et celle de ses proches.

Critique : Après le beau succès critique et public rencontré par Rendez-vous (1985) où André Téchiné affirmait son style à la fois passionnel, flamboyant, tout en étant pudique, le cinéaste se lance en 1986 dans la création d’un faux polar avec l’aide de ses complices Pascal Bonitzer et Olivier Assayas.

Faux film de genre, véritable étude de la cellule familiale

Si la trame générale peut effectivement s’apparenter à un film de genre où l’intrusion de personnages dangereux vient bouleverser le quotidien tranquille de provinciaux sans histoires, les auteurs bousculent sérieusement les attentes du public en se livrant à une déconstruction patiente de la cellule familiale (terme particulièrement adapté à la situation décrite dans le film). Effectivement, le réalisateur suit les pas d’un adolescent mal dans ses baskets qui semble étouffer au sein d’une famille où tout est bon pour sauvegarder les apparences alors qu’aucune communication réelle n’est effective. Alors que le vernis du catholicisme tente de cimenter les relations, la plupart des personnages s’affrontent, se heurtent et finalement se rejettent dans une douleur sourde. Certes, le gamin cherche à s’évader, mais sa mère également, qui ne vit plus que pour son môme alors qu’elle recherche comme tout le monde le grand amour et la liberté.

© 1986 T. Films / Films A2 / AMLF.

De manière assez originale, ce sont deux évadés de prison qui viennent bouleverser ce quotidien étouffant. Eux-mêmes symboles de liberté retrouvée, ils bousculent les vies de ceux qu’’ils croisent et tendent ainsi un miroir à l’insatisfaction chronique des protagonistes. Comme souvent avec Téchiné, le film ne va pourtant pas nécessairement là où la logique voudrait nous conduire et il est parfaitement étonnant que la mère trouve finalement sa part de liberté personnelle dans la réclusion criminelle.

Toujours sensible aux contradictions, Téchiné manie une fois de plus l’art du contre-pied avec un savoir-faire qui ne se démentira plus par la suite. Il est aidé par l’interprétation d’un casting impressionnant. Il sublime chaque geste et regard de la belle Catherine Deneuve dont il a fait sa muse depuis Hôtel des Amériques (1981), mais parvient également à tirer le meilleur du très jeune Nicolas Giraudi, ainsi que de Wadeck Stanczak qu’il a révélé dans son long-métrage précédent. Remarquons aussi la prestation tout bonnement remarquable de Danielle Darrieux qui retrouvait ici un emploi à la mesure de son talent après de longues années passées à la télévision. Il faut également signaler la beauté formelle du long-métrage, sublimé par la jolie photographie de Pascal Marti mettant particulièrement bien en valeur les paysages du Sud-ouest. Téchiné inscrit ainsi de plus en plus ses personnages dans un cadre naturel qui ne cessera de prendre de l’importance au cours des décennies suivantes.

Un beau succès du duo Téchiné-Deneuve

Passionnant de bout en bout, toujours étonnant par la psychologie torturée de personnages complexes, Le lieu du crime (1986) fait clairement partie des morceaux de bravoure du réalisateur. Soutenu par une critique conquise, le film a connu un succès moyen en salles, au vu de son exposition cannoise,  s’inscrivant avec 700 000 entrées sur toute la France. Un score certes honorable pour une oeuvre qui a permis d’asseoir un peu plus la réputation d’un auteur dont chaque film suscite désormais la curiosité.

Critique du film :  Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 16 mai 1986

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