Projet ambitieux, Le grand tournoi mélange film d’aventures et d’arts martiaux avec un certain bonheur. Il s’agit pourtant du chant du cygne pour Van Damme en termes de succès.
Synopsis : En 1925, Christophe Dubois, acrobate de rue, est le leader d’un groupe d’orphelins qui vivent de rapine. Leur dernière prise, une mallette remplie d’argent dérobée à un gangster, va bouleverser sa vie. Retrouvé par les trafiquants, Christophe s’enfuit et se cache dans les cales d’un cargo en partance pour l’Extrême-Orient. Découvert par l’équipage, il est enchainé puis libéré par des pirates qui écument les côtes chinoises. Lord Dobbs, leur chef, remarque l’extraordinaire aptitude de Christophe au combat et décide d’un faire un champion de combats clandestins.
Le projet le plus ambitieux de Jean-Claude Van Damme
Critique : En 1996, la star belge Jean-Claude Van Damme est au sommet de sa popularité après plusieurs beaux succès au box-office mondial. De plus en plus confiant en son flair, Van Damme a dès lors l’ambition de passer derrière la caméra et de signer ainsi une œuvre qui fasse la synthèse de toutes ses productions précédentes. Pour cela, il recycle un vieux projet écrit par Frank Dux – ce qui a d’ailleurs donné lieu à un procès, car l’auteur d’origine n’était initialement pas crédité au générique – et parvient à réunir la coquette somme de trente millions de dollars grâce au producteur Moshe Diamant, déjà aux manettes des plus gros succès de la star.
Voulant tourner une production de prestige, Van Damme fait d’abord appel à Madonna, puis Tatum O’Neal pour incarner le rôle féminin. Après leur refus, son choix s’est finalement porté sur Janet Gunn dont le personnage ne sert de toute façon pas à grand-chose au cœur d’une intrigue à forte dose de testostérone. Par contre, Van Damme parvient à recruter sir Roger Moore, ce qui donne un cachet supplémentaire au long-métrage.
Un tournage chaotique
Malheureusement, selon Roger Moore, le tournage n’a pas été de tout repos à cause d’un cruel manque d’argent par rapport aux ambitions folles de Van Damme. L’ancien James Bond déclare qu’il déteste ce film et ne s’est pas bien entendu avec Van Damme. Enfin, dans son autobiographie, il précise que la plupart des séquences ont en réalité été organisées par Peter MacDonald, déjà réalisateur de Rambo 3 (1988) et futur cinéaste du raté Légionnaire (1998).
Malgré les précisions désobligeantes de Roger Moore, Le grand tournoi (1996) étonne justement par la profusion de décors, paysages grandioses et costumes soignés. Au contraire de ce qu’il dit, on a vraiment le sentiment que tout l’argent est visible à l’écran, faisant du film l’une des productions les plus ambitieuses au sein de la filmographie de Van Damme.
Van Damme aborde le film d’aventures à l’ancienne
Bien entendu, les esprits chagrins pourront remarquer que le scénario ressemble beaucoup à celui de Bloodsport (Arnold, 1988) et que le principe des combats successifs s’inspire sans aucun doute du jeu vidéo Street Fighter. Toutefois, si le scénario est effectivement basique, il permet à Van Damme d’aborder plusieurs genres et registres avec un certain talent. Ainsi, les premières séquences new-yorkaises démontrent une certaine sensibilité sociale et un amour sincère du cinéma muet – les références à Chaplin sont ici évidentes. Par la suite, les abordages de navires par des pirates nous plongent dans les films de cape et d’épée classiques de l’âge d’or hollywoodien. Là aussi, la gestion de l’espace est plutôt bonne et le duo formé par Roger Moore et Van Damme fonctionne bien, malgré leurs désaccords sur le tournage.
Mais la plus grande qualité du Grand tournoi est d’avoir consacré sa dernière demi-heure à des combats qui mettent à l’honneur tous les styles de corps à corps. Cela va de la savate au karaté en passant même par la capoeira. Van Damme a ici fait appel à la crème de la crème pour chaque discipline et la réalisation suit avec talent les évolutions des différents artistes. Cela donne des combats impressionnants. Au passage, la star belge retrouve une fois de plus le Marocain Abdel Qissi qui fut déjà son antagoniste dans Full Contact (Lettich, 1990). Leur combat final est particulièrement efficace.
Un joli succès, même si en repli par rapport aux précédents films de Van Damme
Jamais ennuyeux et particulièrement généreux en action et péripéties, Le grand tournoi s’avère donc une bonne surprise et constitue l’un des jalons de la carrière de l’acteur qui est d’ailleurs plutôt bon durant tout le film. Détesté par les critiques à l’époque de sa sortie, mais plébiscité désormais par les fans d’arts martiaux, Le grand tournoi a connu un certain succès en 1996, notamment en France. Effectivement, sa carrière américaine a démarré sur les chapeaux de roues pour finir à 21,6 M$ (38 M$ au cours ajusté de 2021), ce qui marque un repli par rapport aux succès précédents de l’acteur.
En France, Le grand tournoi est sorti en plein été 1996, faisant ainsi la tournée des stations balnéaires. A Paris, le film se positionne en tête du box-office la semaine de sa sortie avec 71 238 amateurs de muscles. La semaine suivante, il se fait détrôner par le blockbuster Rock (Bay, 1996), mais attire encore 31 057 spectateurs. Il ne perd qu’une place dans un box-office amorphe. La chute est encore plus sévère en troisième semaine avec encore 50% de moins (14 206). A Paris, le film meurt progressivement en cinquième semaine et finit sa carrière à 129 048 tickets.
Le grand tournoi, davantage plébiscité en province
Film davantage calibré pour la province, Le grand tournoi réunit dès sa première semaine 264 415 fans de tatane et s’accapare brillamment de la première position. La semaine suivante est encore satisfaisante avec 134 529 tickets vendus. La chute est plus importante en troisième semaine (80 873). Perdant pas mal de spectateurs d’une semaine à l’autre, le métrage finit à 652 168 entrées, ce qui est un résultat plutôt correct, même si Van Damme ne parvient plus à fédérer au-dessus du million d’entrées comme précédemment. En réalité, Le grand tournoi (1996) peut être considéré comme son dernier succès sur le territoire français, puisque les films suivants n’atteindront jamais ces hauteurs.
Critique de Virgile Dumez