Coincé entre deux périodes historiques majeures, Le garçon aux cheveux verts est une belle allégorie sur les horreurs de la guerre et le racisme. Un premier film important pour son réalisateur Joseph Losey, victime ensuite du maccarthysme.
Synopsis : Peter Frye, séparé de ses parents par la guerre, est recueilli dans une petite ville des Etats-Unis par Gramp, un ancien acteur d’origine irlandaise très chaleureux. Un matin, en apprenant la mort de ses parents, les cheveux de Peter deviennent subitement verts. Très vite, les habitants de la petite ville vont commencer à jaser…
De la Seconde Guerre mondiale à la guerre froide…
Critique : Lorsqu’il arrive à Hollywood en 1947, Joseph Losey a déjà une très riche expérience en tant que metteur en scène de théâtre durant les années 30. Il a même déjà réalisé plusieurs courts-métrages de commande pour le gouvernement et même un film éducatif. Il est sollicité par le patron de la RKO, un certain Dore Schary, pour réaliser son tout premier film de fiction à partir d’un script du progressiste Ben Barzman intitulé Le garçon aux cheveux verts. Tous les intervenants souhaitent alerter l’opinion internationale du danger d’une nouvelle confrontation entre deux blocs qui commencent à se dessiner dangereusement.
Effectivement, lorsque le long-métrage est créé, le monde entre progressivement dans la guerre froide et la peur de l’arme atomique, alors que l’on sort tout juste de la déflagration de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, le script de Barzman et le film de Losey témoignent du passage d’une période troublée à une autre. A peine le monde se remet-il d’un conflit mondial qu’il risque de basculer dans un autre affrontement vu comme ultime. Ce message d’alerte est signifié par le biais d’une allégorie qui permet aux auteurs de délivrer à la fois un message pacifiste et antiraciste.
Le garçon aux cheveux verts est une allégorie finement ciselée
Orphelin de guerre, le petit Peter – magnifique Dean Stockwell qui porte l’intégralité du film sur ses fragiles épaules de gamin de 11 ans – est recueilli par son grand-père qui va lui apporter tout l’amour possible, sans trouver le courage de lui révéler la mort de ses parents. Lorsque le môme découvre le pot aux roses, ses cheveux prennent une coloration originale : le vert. Affublé de cette différence, le gamin va désormais devoir accepter sa spécificité, puis trouver la force de caractère pour affronter les quolibets et autres vexations de ses camarades qui le mettent au ban de la société.
Joseph Losey est toutefois particulièrement malin puisque le film est intégralement narré par le gamin. Plusieurs séquences démontrent que l’enfant imagine parfois certaines choses, notamment la matérialisation des orphelins vus sur les affiches de guerre dans sa classe. Ces séquences oniriques, filmées avec le même réalisme que le reste, indiquent que le récit de l’enfant est marqué par l’empreinte du merveilleux. Dès lors, le spectateur sera le seul juge quant à la véracité de l’histoire racontée. Peu importe finalement puisque l’enfant est bien marqué par un événement traumatique – la perte de ses parents – qui se traduit par sa révolte contre un système guerrier (ou par la teinte verte de ses cheveux).
Un joli film dont la sortie fut sabordée par Howard Hughes
Si la réalisation de Joseph Losey est encore très appliquée et sage, Le garçon aux cheveux verts (1948) fait preuve d’une belle qualité d’écriture, d’une vraie sensibilité vis-à-vis de l’enfance malmenée et d’un beau sens de la direction d’acteur. Outre l’excellence du jeu de Dean Stockwell, on admirera aussi la prestation émouvante de Pat O’Brien qui transpire la bonté. Même si l’on est plus réservé quant au charisme de Barbara Hale, tous les autres seconds rôles sont bien dirigés. Derrière son apparence de spectacle familial, Joseph Losey parvient à faire ressentir la détresse et la solitude de ce gosse attachant, tout en livrant un message de paix et d’amour qui fait du bien.
Malheureusement pour lui, Dore Schary a cédé sa place de dirigeant de la RKO au magnat Howard Hughes pendant le tournage du long-métrage. Or, le célèbre milliardaire était surtout connu pour ses positions rétrogrades. Il a ainsi tenté d’imposer un message différent aux artistes impliqués. Toutefois, Joseph Losey a tenu bon et a refusé de dénaturer son premier film. Il l’a payé cher puisque le nouveau patron du studio a sabordé la sortie d’un film dont il désapprouvait le message. Ainsi, Le garçon aux cheveux verts a été un cuisant échec commercial et n’est sorti que dans quelques salles en France seulement en février 1967, soit presque vingt ans après sa réalisation. Une sortie en catimini, même pas annoncée dans l’hebdomadaire Le Film Français quelques jours avant son lancement. Il avait par ailleurs connu une séance spéciale en décembre 1966 sur Paris.
Il a par contre été régulièrement exploité en vidéo, que ce soit en VHS et en DVD. Le métrage n’a toutefois jamais été restauré et un blu-ray serait un jour le bienvenu chez nous.
Joseph Losey, bientôt victime du maccarthysme
Autre conséquence indirecte du film, Joseph Losey et son scénariste Ben Barzman ont été les victimes du maccarthysme qui visait à épurer les Etats-Unis des communistes. Les deux hommes ont été placés sur la fameuse liste noire et se sont donc exilés au Royaume-Uni afin de pouvoir continuer leur activité artistique. En cela, Le garçon aux cheveux verts demeure une œuvre importante, à la fois beau plaidoyer pour la paix, mais également symbole malgré lui des tensions nouvelles liées de l’éclosion de la guerre froide.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 février 1967
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