Film de procès classique, Le fil a le mérite de décrire le temps long de la justice avec pertinence, tout en livrant une intrigue aux twists efficaces. A découvrir.
Synopsis : Depuis qu’il a fait innocenter un meurtrier récidiviste, Maître Jean Monier ne prend plus de dossiers criminels. La rencontre avec Nicolas Milik, père de famille accusé du meurtre de sa femme, le touche et fait vaciller ses certitudes. Convaincu de l’innocence de son client, il est prêt à tout pour lui faire gagner son procès aux assises, retrouvant ainsi le sens de sa vocation.
Retour derrière la caméra pour Daniel Auteuil
Critique : Passé à la réalisation avec trois œuvres adaptées de Marcel Pagnol (La fille du puisatier, Fanny, Marius), le comédien Daniel Auteuil s’est ensuite fourvoyé avec la comédie Amoureux de ma femme (2018) qui n’a pas convaincu grand monde. Apparemment peu pressé de revenir à la réalisation, l’acteur a finalement cédé à son envie de transposer les histoires de l’avocat pénaliste Jean-Yves Moyart qui a tenu un blog sous l’identité de Maître Mô où il mettait par écrit des affaires rencontrées durant sa longue carrière.
Parmi les nombreux cas évoqués par l’avocat, Daniel Auteuil a été fasciné par celui de Nicolas Milik, accusé d’avoir assassiné sa femme, mais qui n’a cessé de clamer son innocence. Afin de retranscrire au mieux l’ambiance d’une cour d’assises, Daniel Auteuil et son chef opérateur Jean-François Hensgens ont assisté à un procès similaire. Le but était d’être au plus près de la vérité afin de mieux comprendre les rouages complexes de la justice.
Une description patiente et précise des rouages de la justice
Et de fait, Le fil parvient à faire ressentir le temps long de la justice et démontre ainsi que cette maturation est absolument nécessaire pour tenter d’approcher un tant soit peu la Vérité. A l’heure où la vox populi, soutenue par les médias, réclame une accélération des procédures pour rendre la justice plus efficace, Le fil a le mérite de démontrer que la lenteur offre la possibilité de creuser les dossiers et d’aller au-delà des simples apparences.
Pour cela, Daniel Auteuil prend son temps afin d’évoquer cette affaire en long, en large et en travers. Il s’immisce aussi dans le vécu de cet avocat pénaliste qu’il incarne avec beaucoup d’authenticité et montre un homme à la fois convaincu de la légitimité de sa démarche, mais aussi débordé par ses sentiments personnels. Face à lui, Grégory Gadebois interprète magistralement un homme simple qui représente à lui tout seul cette France des invisibles, ceux qui souffrent régulièrement d’un manque de considération et de reconnaissance. Pris dans l’engrenage judiciaire qui le dépasse, cet homme offre un visage de gentillesse et de pondération qui s’accorde mal avec l’image que l’on peut avoir d’un assassin.
Des acteurs impeccables et bien dirigés
Dès lors, le métrage suit son cours en alternant scènes plutôt convenues de procès et flashbacks permettant de mieux comprendre la vie de cet homme marié à une femme alcoolique. Outre les deux acteurs principaux qui nous livrent une belle partition, on notera aussi la présence étonnante du chanteur Gaëtan Roussel dans un rôle ambigu qui fait froid dans le dos. Sa prestation est tout à fait honorable, de même que celle d’Alice Belaïdi en avocate de la partie civile, pugnace, mais juste.
Il est malheureusement difficile d’approfondir les nombreuses thématiques qui parcourent le film puisqu’elles supposent de déflorer les deux twists consécutifs qui marquent le dernier quart d’heure du long métrage. Sachez en tout cas que ces deux éléments obligent le spectateur à reconsidérer tout ce qu’il a vu précédemment. Ainsi, Daniel Auteuil démontre la relativité de toute vérité puisque certains personnages peuvent mentir en toute bonne foi. Nous nous arrêterons là afin de ne pas spoiler l’intrigue.
Une réalisation simple, mais non dépourvue de qualités dans la création d’une ambiance lourde
Sur le plan purement formel, Daniel Auteuil semble avoir voulu s’immiscer au plus près des personnages en filmant souvent en gros plan. Cela peut donner une allure télévisuelle à l’ensemble, mais cet effacement relatif de la caméra offre une plate-forme idéale pour raconter cette histoire et pour laisser le champ libre aux acteurs. On notera que le réalisateur est capable de créer une ambiance lourde lors des séquences de procès et que le spectateur est donc idéalement immergé dans cette atmosphère pesante des tribunaux d’assises. Cette qualité quasiment documentaire est à saluer, d’autant que Daniel Auteuil ne s’est pas laissé embarquer dans des effets de manche souvent associés aux films de procès.
Toujours à bonne distance de son sujet et de ses personnages, l’acteur livre donc un film souvent intéressant sur les rouages complexes de la justice de notre pays. Sans être un incontournable, Le fil saura donc séduire un public désireux de suivre une intrigue bien ficelée, écrite avec finesse et jouée par des pointures qui ne sont jamais dans la performance, mais respectueux de leurs personnages. On lui souhaite en tout cas de trouver son public.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 11 septembre 2024
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Daniel Auteuil, Florence Janas, Grégory Gadebois, Suliane Brahim, Sidse Babett Knudsen, Alice Belaïdi, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté, Charlie Nelson, Gaëtan Roussel
Mots clés
Polar français, Films de procès, Les avocats au cinéma, Festival de Cannes 2024