Film d’exploitation hallucinant mêlant pornographie et horreur, La nuit érotique des morts-vivants est une œuvre bancale qui possède un certain charme par son ambiance ténébreuse. Malheureusement, les séquences chaudes cassent le rythme déjà languissant d’un film trop long et passablement ennuyeux.
Synopsis : Un promoteur immobilier se rend en bateau avec sa petite amie sur une île isolée où il compte développer un complexe immobilier. Sur place, ils sont mis en garde par une jeune femme et un vieil homme des dangers du lieu. Bientôt, les morts de l’endroit se réveillent et les attaquent.
Joe D’Amato opère un croisement étrange entre horreur et pornographie
Critique : Alors qu’il vient de connaître plusieurs beaux succès avec la série des Black Emanuelle magnifiés par la présence de la superbe Laura Gemser, le réalisateur Joe D’Amato choisit vers 1978 de délocaliser son activité de cinéaste vers un lieu paradisiaque, en l’occurrence l’île de Saint-Domingue, au coeur des Caraïbes. Il embarque avec lui des actrices, acteurs et techniciens qui vont ainsi enchaîner les tournages afin d’abaisser au maximum les coûts de production. Joe D’Amato en profite même pour créer sa propre société nommée PCM (Production Company Massaccesi), ce qui va lui donner tout loisir d’expérimenter un croisement apparemment contre-nature entre deux genres : le film d’horreur et le porno.
Déjà visible dans plusieurs de ses longs-métrages précédents comme Emmanuelle et Françoise (1975), Black Emanuelle en Amérique (1977) et surtout le culte Viol sous les Tropiques / Emanuelle et les derniers cannibales (1977), la volonté de Joe D’Amato est bien d’abattre les frontières entre l’érotisme et l’horreur. Toutefois, avec l’affaissement progressif de la censure, le cinéaste souhaite encore radicaliser sa formule et mêler cette fois des scènes de sexe explicites avec des passages gore.
Aux origines des zombis, le rite vaudou
Passionné de cinéma d’exploitation et toujours prêt à franchir toutes les limites de la bienséance, le réalisateur signe dans ce genre deux films étonnants en 1980, à savoir Porno Holocaust et La nuit fantastique des morts-vivants qui fait l’objet de cet article. Pour ce second long-métrage, le scénariste n’est autre que l’acteur George Eastman (donc Luigi Montefiori) qui se contente de décalquer le scénario de L’enfer des zombies (Fulci, 1979) qui vient de triompher au box-office italien et international. Ainsi, l’auteur revient comme Lucio Fulci aux origines du zombi, à savoir le vaudou, ce qui colle parfaitement à la localisation des tournages dans les Caraïbes. Il suffit ensuite à Joe D’Amato d’inclure des scènes de sexe explicites à l’intérieur d’une intrigue peu développée et le tour est joué.
Alternativement nommé La nuit fantastique des morts-vivants et La nuit érotique des morts-vivants durant son exploitation française, le film débute par quelques scènes qui évoquent bien la présence de quelques zombis dans la région. Pourtant, une grande partie de l’heure suivante sert surtout au cinéaste pour multiplier les scènes d’ébats entre Mark Shannon et une pléiade de jolies nymphes. Le métrage alterne alors actes réels en gros plans et moments davantage simulés – en fonction de la volonté des actrices, ce qui est à souligner. Dès lors, le vague frémissement d’intrigue du début du film se noie progressivement dans la litanie d’actes sexuels répétés et souvent fort ennuyeux.
La musique lugubre de Marcello Giombini sauve La nuit fantastique des morts-vivants
Il faut donc patienter jusqu’à la dernière demi-heure d’une œuvre qui dure tout de même près de deux heures pour enfin ressentir quelques frissons grâce à des séquences inspirées. On songe notamment à la magnifique apparition des zombis sur la plage tandis que George Eastman et Laura Gemser sont en train de s’ébattre (de manière simulée ici). Pour aider le cinéaste dans la création de cette atmosphère lugubre, on notera l’excellente partition musicale de Marcello Giombini et la réussite de la photographie de Joe D’Amato qui maîtrise particulièrement bien la nuit américaine. Toute la séquence sur l’île baigne donc dans une atmosphère quasiment onirique qui relève enfin le niveau d’une œuvre décidément très bancale.
Malheureusement, là aussi le cinéaste oublie de couper certaines scènes et étire au-delà du raisonnable certains passages. D’où l’impression durable d’une œuvre qui joue la montre alors même qu’elle est très longue au vu du script à illustrer. Enfin, le final qui se veut sombre est quelque peu décevant et le déluge de gore attendu n’aura finalement pas lieu. De cet ensemble un brin fourre-tout, on retiendra donc surtout sa musique, sa jolie photographie, ainsi que ses séquences oniriques avec les zombis. Le reste est bien plus douteux et tombe régulièrement dans le piège du cinéma d’exploitation putassier. D’un autre côté, c’est aussi cela qui fait le charme de ce type de productions, uniquement envisageables à leur époque de liberté absolue.
La nuit fantastique ou érotique ? Et pourquoi pas Demonia ?
La nuit fantastique des morts-vivants est sortie en salles, en province, durant l’été 1981, parfois sous le titre La nuit érotique des morts-vivants. Pourtant, il a fallu attendre la sortie VHS chez RCV Vidéo pour que le long-métrage soit vraiment connu des cinéphiles déviants. Le film est même ressorti en VHS sous le titre Demonia chez VIP avec une jaquette dessinée par Melki, qui cherchait visiblement à vendre un spectacle bien différent. Depuis cette époque, le culte autour de ce type de film extrême a grandi et l’éditeur Le Chat qui Fume sort durant l’été 2022 un blu-ray sous son titre La nuit érotique des morts-vivants, plus fidèle au titre original italien (Le notti erotiche dei morti viventi), et surtout dans une version enfin digne par rapport aux cassettes vidéos qui étaient coupées. Cette valse des titres est une des joies du cinéma d’exploitation, à n’en pas douter.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 août 1981
Le site sur Laura Gemser Chez Roubi’s
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Joe D’Amato, George Eastman, Laura Gemser, Dirce Funari, Mark Shannon