A la fois poignant, drôle et poétique, La nouvelle vie de Paul Sneijder surprend par la justesse de son ton et la puissance de jeu de Thierry Lhermitte, dans son meilleur rôle à ce jour.
Synopsis : Suite à un rarissime accident, Paul Sneijder ouvre les yeux sur la réalité de sa vie de « cadre supérieur » à Montréal : son travail ne l’intéresse plus, sa femme l’agace et le trompe, ses deux fils le méprisent… Comment continuer à vivre dans ces conditions ? En commençant par changer de métier : promeneur de chiens par exemple ! Ses proches accepteront-ils ce changement qui le transformera en homme libre ?
La nouvelle vie de Paul Sneijder n’est pas une comédie de Noël
Critique : Oubliez immédiatement l’affiche hideuse qui a sans doute éconduit de nombreux spectateurs lors de la sortie en salle. Avec ses chiens facétieux et un Thierry Lhermitte souriant, l’affiche semble nous vendre une comédie de Noël qui aurait eu la malencontreuse idée de sortir en plein mois de juin. Pourtant, cette amorce trompeuse n’a guère servi le métrage en question qui se révèle être un joli film d’auteur sur la remise en cause d’une existence et ses conséquences sur une poignée de personnages brisés par la vie.
Cette erreur stratégique dans la promotion a sans doute coûté très cher aux producteurs puisque l’œuvre n’a pas réussi à fédérer le public (135 928 entrées sur toute la France). Un échec particulièrement injuste au vu des innombrables qualités de cette Nouvelle vie de Paul Sneijder.
Comment faire la paix avec soi-même ?
Inspiré d’un roman de Jean-Paul Dubois (également à l’origine de Kennedy et moi et du magnifique Fils de Jean), l’histoire se focalise sur le personnage de Paul Sneijder qui vient de vivre un terrible drame et doit apprendre peu à peu à surmonter cette situation et à se reconstruire, quitte à balayer d’un revers de main son ancienne vie. Le réalisateur Thomas Vincent a l’intelligence de prendre son temps pour décrire avec précision chaque étape de ce processus psychologique complexe.
Dans cette période d’errements, Paul Sneijder croise une galerie de personnages plus ou moins décalés qui donnent une belle légèreté au film, s’éloignant ainsi du pathos qui menaçait. Que ce soit cette amitié avec un avocat philosophe (excellent Pierre Curzi déjà remarqué dans les films de Denys Arcand) ou encore ces relations étranges avec son nouveau patron féru de chiffres (formidable Guillaume Cyr, aperçu dans Nos jours heureux), toutes ces interventions extérieures permettent au protagoniste de se reconstruire et d’enfin trouver la paix avec lui-même.
Thierry Lhermitte dans son meilleur rôle à ce jour
Déjà auteur de quelques beaux moments de cinéma (Karnaval en 1999 et Je suis un assassin en 2004), Thomas Vincent confirme une fois de plus tout le bien que l’on pense de son œuvre. Sa réalisation est belle et racée, tout en sachant parfaitement servir son propos. Il tire de magnifiques images de Montréal et se sert à merveille des chansons mélancoliques du groupe folk canadien Timber Timbre (très proche des ambiances sombres de Leonard Cohen) pour créer une ambiance vaporeuse signifiant le trouble psychologique du personnage.
Il est soutenu ici par la prestation impeccable de Thierry Lhermitte qui est de tous les plans. Sobre, les traits marqués, mais toujours digne, l’acteur trouve ici un rôle à contre-emploi qui devrait durablement marquer sa carrière. Il est tout bonnement formidable et parvient à susciter l’identification du spectateur, par-delà les défauts de son personnage. Géraldine Pailhas est également très juste en working-girl qui dirige sa vie comme une entreprise.
Très critique envers une société capitaliste qui n’a en ligne de mire que l’ascension sociale et la performance, le métrage se recentre sur une vie débarrassée de tout impératif productiviste. Un message qui n’est toutefois jamais asséné ou martelé, mais qui découle naturellement de l’évolution de chaque protagoniste. Au final, La nouvelle vie de Paul Sneijder vaut largement le détour et doit être vu pour ce qu’il est, un joli film d’auteur plein d’humour et de poésie.
Critique de Virgile Dumez
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Box-office :
Avec un budget de près de 5 millions d’euros, La nouvelle vie de Paul Sneijder n’a pas été un franc succès au box-office, puisque le film n’a atteint que 136 000 spectateurs.
Le distributeur SND espérait atteindre les 300 000 entrées et ainsi surfer sur les bonnes critiques. Il en attendait surtout la création d’un bouche-à-oreille pour un succès sur du long terme durant l’été, en contre-programmation, qui n’interviendra jamais.
Avec 61 902 spectateurs en semaine 1, le film de Thomas Vincent profitait pourtant d’une belle combinaison de 198 salles. Cette semaine n’est en soit nullement catastrophique si l’on envisage une carrière sur la durée. Malheureusement, Thierry Lhermitte voit ses efforts invalidés par le public avec une baisse de 45% et de 53% en semaines 2 et 3 (34 315, 16 215). Même la Fête du Cinéma ne lui offre pas la possibilité de se maintenir mieux qu’à -36%. Un signe. Le film est mort.
A titre de comparaison, le mercredi de la sortie de La nouvelle vie de Paul Sneijder sortaient deux autres budgets moyens dans le genre de la comédie française.
- Bienvenue à Marly-Gomont avec Marc Zinga et Aissa Maiga bénéficiait de 6 500 000 euros de budget et de 280 salles. Le film finira à 560 000 spectateurs et en 30e position du tableau des rentabilités de l’année 2016 pour une production française.
- Vicky de Denis Imbert, avec Victoria Bedos, François Berléand, Chantal Lauby et Jonathan Cohen, n’avait coûté que 4 millions d’euros, et avait été distribué par la major Gaumont, dans 191 salles, pour un final très mauvais à 71 835 spectateurs. La comédie se positionne en 105e position du tableau de la rentabilité des productions françaises en 2016.
La nouvelle vie de Paul Sneijder de par ses qualités aura, qualitativement, davantage marqué les esprits, mais au niveau de la rentabilité salle, en s’affichant en 85e position avec un taux de rentabilité à 9.36, le divertissement traîne derrière les bides patentés qu’ont été La tour 2 contrôle infernale, Le fantôme de Canterville, Arrête ton cinéma…
Les vrais succès de Thierry Lhermitte dans les années 2010 auront été Quai d’Orsay, La finale et surtout Joyeuse retraite !.
Box office de Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 8 juin 2016
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© 2016 Cine Nomine – Caramel Film – SND Films – Jouror Productions / Affiche : Stacey Bramhall (photographe) – Getty Images (agence) – Pierre Dury (photographe) – Rysk (agence). Tous droits réservés.
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Thomas Vincent, Thierry Lhermitte, Pierre Curzi, Aliocha Schneider, Géraldine Pailhas, Guillaume Cyr