La moustache nourrit une intrigue “lynchienne” à partir de l’un des mots les plus laids de la langue française ! L’écrivain Emmanuel Carrère, passé à la réalisation, réussit son pari et nous livre un thriller existentiel intrigant, faute d’être totalement abouti.
Synopsis : En rasant sa moustache, Marc ne s’attendait pas à ce que sa vie bascule dans l’irrationnel et la paranoïa. Personne ne remarque en effet de changement physique, et pour cause, tout le monde autour de lui prétend qu’il n’a jamais porté de moustache. Conspiration ou basculement dans la folie ? Marc devra fuir, pour mieux espérer retrouver la raison.
Emmanuel Carrère, vingt ans après
Critique : Carrère revient sur sa carrière. Adaptant, près de vingt ans après, son best-seller éponyme, l’auteur réussit le passage de l’écriture à la réalisation après un détour par le documentaire. Avec une aisance technique étonnante, il impose un récit alambiqué, voire opaque, où l’irrationnel l’emporte très vite sur la raison, plongeant Marc, le personnage interprété par Vincent Lindon, dans un doute constant et un désarroi douloureux. Le quotidien le plus banal devient source de malaise, chaque détail rendant Marc étranger à son existence, désormais constituée de faux-semblants.
Voyage (méta)physique troublant
Les aficionados de récits cadrés et linéaires devront se faire une raison, La moustache n’est pas pour eux. Ses mystères insondables les irriteront sans relâche, le film revendiquant intégralement le droit à l’absurde. Les autres spectateurs, à l’imagination plus torturée, seront séduits par le caractère jusqu’au-boutiste de cette œuvre hautement cinématographique. Un bémol néanmoins sur les errances finales de Marc. Elles marquent une rupture volontaire dans le récit qui s’accompagne malheureusement d’un essoufflement de l’inspiration du réalisateur.
En envoyant son personnage principal à l’autre bout du monde, Emmanuel Carrère démontre qu’il est plus à l’aise dans l’exil métaphysique que physique. Il passe alors de peu à côté du grand film que la première heure nous laissait espérer. Pas de quoi lui en vouloir pour autant, La moustache est une surprise audacieuse, apprécié par la critique à sa sortie, mais qui a désarçonné le public.
Box-office de La moustache
Le distributeur Pathé a osé la contre programmation estivale face à La guerre des mondes de Steven Spielberg, Au suivant!, comédie avec Alexandra Lamy et Clovis Cornillac, distribuée par EuropaCorp, et au flop de Danny Boyle, Millions, qui passait inaperçu.
La moustache est parvenu à dépasser les 340 000 spectateurs grâce à un bouche-à-oreille qui a permis au film de tourner pendant deux mois. The Moustache (dans les territoires anglophones) allait aussi voyager. Aux USA, le film s’est distingué par une belle carrière sur 29 semaines. Avec une entame à 9 148$, l’étrange Monsieur Lindon a connu une longue escale outre-Atlantique qui ira jusqu’à 6 écrans.
Sorties de la semaine du 6 juillet 2005
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