Thriller de série, La maison sur la colline fait preuve d’un certain classicisme dans son intrigue, tout en délivrant quelques belles scènes de suspense. Sans doute pas indispensable, mais efficacement troussé par un cinéaste talentueux.
Synopsis : Ayant pris, à sa demande, l’identité de son amie décédée, Victoria Kowelska soupçonne son compagnon de vouloir la supprimer…
Retour au thriller noir pour Robert Wise
Critique : Alors qu’il vient tout juste de quitter le studio RKO pour cause d’incompatibilité avec le nouveau patron Howard Hughes, le cinéaste Robert Wise est engagé par la Twentieth Century Fox en 1950. Il y tourne d’abord Les rebelles de Fort Thorn (1950) avec Joseph Cotten, puis on lui propose de réaliser un thriller noir adapté d’un best-seller policier de la romancière Dana Lyon intitulé L’enfant qui en savait trop. Publié en 1948, le roman est donc très récent lorsque plusieurs scénaristes se mettent à l’adapter pour le grand écran.
Pure œuvre de commande pour Robert Wise, ce qui deviendra La maison sur la colline (1951) doit lui permettre de démontrer à ses nouveaux employeurs sa capacité à exécuter un travail solide à partir d’un scénario correctement charpenté. De plus, Wise est déjà connu pour quelques travaux réussis dans le domaine du film noir comme Né pour tuer (1947) ou encore Nous avons gagné ce soir (1949).
Un habile mélange de gothique et de suspense hitchcockien
Avec La maison sur la colline, Wise semble ici suivre la mode des films gothiques des années 40. On retrouve notamment dans la vaste demeure située à San Francisco une décoration chargée typique de ce que l’on a appelé le Female Gothic. L’intrigue elle-même semble largement inspirée par ce sous-genre très populaire à l’époque grâce aux succès de films comme Rebecca (Hitchcock, 1940), Jane Eyre (Stevenson, 1943) ou encore Le château du dragon (Mankiewicz, 1946).
Toutefois, cet aspect gothique se double d’une tentative de s’inscrire dans le thriller hitchcockien à manipulation. On songe notamment à Soupçons (1941) cité ici de manière quasiment directe puisqu’une scène entière tourne autour d’un verre de jus d’orange (qui remplace donc le verre de lait qui angoisse tant Joan Fontaine dans le film séminal de Hitchcock). C’est d’ailleurs ce faisceau convergent d’influences multiples qui a tendance à diminuer l’impact du film de Robert Wise. Ainsi, on a parfois du mal à trouver une véritable originalité à cette Maison sur la colline qui a bien du mal à sortir de l’ornière du simple film de série.
Un bon suspense dans la dernière partie
Certes, il y a bien les premières séquences qui se déroulent au cœur d’un camp de concentration qui tranchent avec les œuvres précédemment citées, mais elles ne font pas nécessairement partie des plus réussies du long-métrage. On sent bien l’embarras du réalisateur qui doit à la fois montrer l’horreur de la situation, tout en préservant le grand public face à des images qui seraient trop choquantes. Même si les maquillages sont plutôt bien fichus, on a du mal à trouver le moindre réalisme à cette vision des camps, trop hollywoodienne et proprette.
On préfère largement tous les moments angoissants qui se déroulent dans la vaste demeure, grâce à de superbes décors – qui ont d’ailleurs reçu une nomination aux Oscars en 1952 – mais aussi par la magie d’un noir et blanc contrasté signé Lucien Ballard. Ainsi, le film laisse quelque peu indifférent dans sa première partie trop routinière, mais se rattrape dans sa dernière demi-heure, à la fois tendue et menée de main de maître par un cinéaste sûr de ses effets.
Un film bien troussé, quelque peu oublié
La maison sur la colline n’a pas forcément eu l’écho qu’il méritait à cause d’un casting en manque de notoriété. Effectivement, l’actrice italienne Valentina Cortese a beau être excellente, elle n’a pas vraiment réussi à s’imposer à Hollywood. Elle est ici secondée par un très inquiétant Richard Basehart, tandis que William Lundigan écope du rôle du gentil qui vient en aide à la femme victime d’un complot. Si l’ensemble du casting s’acquitte de sa fonction avec talent, le long-métrage souffre sans aucun doute de l’absence d’une grosse tête d’affiche.
D’ailleurs, La maison sur la colline a été totalement éclipsé dans la carrière de Robert Wise par son film suivant, Le jour où la terre s’arrêta (1951). Effectivement, là où le thriller se contente de suivre une formule toute faite et établie depuis plusieurs années, le film de science-fiction pacifiste a permis de donner des lettres de noblesse à un genre jusque là méprisé par les critiques et réservé à la série B, voire Z.
Pourtant, même s’il est largement oublié de nos jours, le thriller gothique de Robert Wise mérite largement un visionnage, histoire de confirmer le talent de conteur d’un réalisateur décidément très à l’aise avec le suspense et la description d’une certaine noirceur d’âme.
On notera que le film est sorti à Paris deux jours après La chose d’un autre monde de Christian Nyby (RKO), en exclusivité au cinéma le Napoléon, en version originale.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 23 janvier 1952
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© 1951 Twentieth Century Fox / Affiche : Constantin Belinsky. Tous droits réservés.