Blockbuster boursouflé aux millions de dollars, La fin des temps cumule tous les défauts des grosses productions hollywoodiennes des années 90 avec écriture grossière, caractérisation minimale et gros effets vulgaires.
Synopsis : Trois jours avant le passage à l’an 2000, le diable sort de sa tanière et débarque à New York. Il part à la recherche de Christine York, une jeune femme prédestinée depuis sa naissance à lui donner un enfant, qui sera l’instrument de la destruction de l’humanité. L’ancien policier Jericho Cane, reconverti dans la protection rapprochée, va trouver Christine sur son chemin et lui offrir son aide. Traqués par Satan mais aussi par un commando intégriste du Vatican, ils vont devoir empêcher que ne se produise la fin des temps.
Un projet opportuniste à l’aube du nouveau millénaire
Critique : A la fin des années 90, les thèses millénaristes commencent à pulluler ; certains prédisant la fin du monde à l’orée des années 2000, tandis que d’autres ont surtout eu peur du bug des ordinateurs au passage du millénaire. Autant de fantasmes qui ne pouvaient manquer d’être exploités par Hollywood. De toutes les productions surfant sur la thématique, La fin des temps est sans aucun doute la plus opportuniste puisque les producteurs se sont emparés d’un script d’Andrew W. Marlowe (Air Force One) sur l’arrivée de Satan lors du passage à l’an 2000, avec un unique objectif : sortir le film dans le monde entier entre les mois de novembre et décembre 1999. Le but était de profiter de l’angoisse naissante pour livrer un blockbuster horrifique qui pourrait cartonner en salles.
Pourtant, le projet a mis un certain temps à aboutir, passant entre les mains de l’acteur Tom Cruise, puis des réalisateurs Sam Raimi et Marcus Nispel. Finalement, c’est Arnold Schwarzenegger qui prend une option dessus afin d’effectuer son grand retour après deux ans d’absence pour cause d’opération du cœur – son dernier film en date était le déplorable Batman et Robin (Schumacher, 1997). Pour mener à bien les opérations, James Cameron conseille à son ami Schwarzy d’approcher le réalisateur Peter Hyams, particulièrement doué pour gérer les ambiances nocturnes. Ce dernier venait d’ailleurs de signer Relic, film d’horreur mettant en scène une bête monstrueuse. Il semblait donc le candidat idéal pour faire de La fin des temps un blockbuster valeureux.
Exit toute forme de finesse
Malheureusement, le produit fini est très loin d’atteindre le niveau espéré. Cela commence par un scénario qui semble avoir été écrit avec des moufles par un gamin de douze ans. Dans cette histoire de venue du diable à l’orée du nouveau millénaire, tout est surligné de manière à faire sens. Les noms des personnages sont ainsi hautement symboliques – Schwarzenegger s’appelle Jéricho, cela ne s’invente pas. La palme de la débilité revenant au personnage féminin nommé Christine York (jeu de mot qui donne Christ in New York, vous l’avez ?). Tout le reste est à l’avenant, avec une intrigue qui dévoile ses tenants et ses aboutissants dès les cinq premières minutes. Seul le plus jeune public pourra trouver le scénario étonnant, tant il recycle tous les poncifs du film satanique, avec possession d’hôtes humains, secte de prêtres chargés d’éliminer le Malin et j’en passe.
Mais le pire vient de cette habitude de Schwarzenegger de gonfler de manière artificielle chacun de ses films pour en faire le blockbuster le plus spectaculaire possible. Tout ici est boursouflé à l’extrême au point d’atteindre une forme d’absurdité. Ainsi, lorsque Jéricho poursuit un suspect, il le fait en étant suspendu à un filin tracté par un hélicoptère, alors qu’il suffisait simplement de… courir. Même chose à chaque séquence d’action qui se veut bigger than life, à tel point que l’on se contrefiche assez vite de ce qui arrive à l’écran, d’autant que tout ceci est tourné à l’aide d’effets numériques qui ont déjà pris un gros coup de vieux.
Un film gonflé aux stéroïdes
Il faudra également supporter une musique emphatique de John Debney qui se croit obligé de souligner tous les passages à grands renforts d’orchestre vrombissant et de beats déchaînés. Finalement, au sein de ce grand barnum, seule la photographie de Peter Hyams présente un peu d’intérêt, et ceci même si elle rappelle fortement celle des productions lorgnant du côté de Seven (Fincher, 1995).
Enfin que dire de l’interprétation si ce n’est qu’elle n’est guère enthousiasmante. Schwarzenegger tente de nous faire le coup du mec désespéré sans qu’on y croit une seconde, Gabriel Byrne fronce les sourcils pour indiquer qu’il est diabolique, Rod Steiger surjoue (une habitude), Robin Tunney se contente d’être jolie et Kevin Pollak se charge d’être l’inévitable sidekick dont on se passerait volontiers.
La dernière mauvaise blague du siècle
Inintéressant, fort long et parfois ridicule (l’affrontement entre Schwarzenegger et Miriam Margolyes décroche la palme de la scène nanardesque par excellence), La fin des temps est donc une bien mauvaise blague, même si Schwarzenegger a plongé encore plus bas quelques temps plus tard avec Dommage Collatéral (Davis, 2002).
Aux Etats-Unis, La fin des temps marque un net fléchissement des entrées pour la star bodybuildée avec seulement 66,8 millions de dollars de recettes pour un budget colossal de 100 millions (hors coûts publicitaires). Seul l’international a permis de compenser un peu.
En France, le film a tout de même glané 1,2 million de spectateurs, le plaçant sur la 26ème marche du podium annuel. Toutefois, le long-métrage n’a guère laissé de souvenir impérissable et se trimbale désormais une réputation de navet largement méritée. On notera d’ailleurs que Peter Hyams a poursuivi sur une pente glissante en tournant ensuite des inepties comme D’Artagnan (2001) et Un coup de tonnerre (2005).
Critique de Virgile Dumez