Qui avait envie de voir Joker Folie à Deux, une suite musicale d’un film plébiscité ? Visiblement personne puisque le film a été un pur accident industriel, largement mérité d’ailleurs.
Synopsis : Alors qu’il est interné à l’Asile d’Arkham, Arthur Fleck rencontre l’amour de sa vie, Lee Quinzel. À leur sortie, le couple se lance dans une mésaventure amoureuse vouée à l’échec.
La suite d’un triomphe critique et public
Critique : En 2019, le réalisateur Todd Phillips, plutôt spécialisé dans la comédie, a surpris tout le monde en dégoupillant sa bombe Joker qui osait s’emparer d’une figure emblématique de la pop culture américaine pour en faire une étude sociologique et politique particulièrement virulente. Le long métrage, présenté en première mondiale au Festival de Venise, a mis tout le monde d’accord par la puissance de sa réalisation, son esthétique travaillée et son approche audacieuse d’un genre apparemment moribond. Il a d’ailleurs remporté le précieux Lion d’or cette année-là, à la surprise générale. Bien entendu, la prestation impressionnante de Joaquin Phoenix fut saluée également par l’ensemble des critiques.
© Warner Bros. / Photo : Niko Tavernise/™ & © DC Comics. All Rights Reserved.
Par la suite, le film très corrosif a su emballer les foules et son petit budget estimé autour de 55 millions de dollars a été très rapidement rentabilisé avec un gain dépassant allègrement le milliard de dollars de recettes mondiales et un total très appétissant de 5 608 532 spectateurs français. Autant dire qu’en un seul film, Todd Phillips est devenu le nouveau roi d’Hollywood et que les producteurs étaient désormais prêts à tout pour pouvoir travailler avec lui.
Le choix du film musical : idée originale ou totalement absurde ?
Pourtant, l’homme s’est fait très discret pendant les années qui ont suivi et il n’est réapparu qu’en 2022 pour annoncer l’écriture d’une suite, toujours avec son complice Scott Silver, déjà présent sur le premier opus. Estimant que Joker a parfois été mal compris par les fans, Todd Phillips souhaite rétablir quelques vérités sur le protagoniste principal et envisage donc Joker Folie à Deux (2024) comme une œuvre en miroir de la précédente. Selon lui, il fallait être aussi audacieux dans le traitement de cette suite que pour le premier volet. Aussi, il prend la décision plutôt étonnante de faire de son film un mélodrame musical.
A partir de là, on se demande qui a pu valider un tel projet au sein des grands studios hollywoodiens. Effectivement, qui pouvait imaginer que les spectateurs ayant aimé l’extrême noirceur du premier film voudraient voir une œuvre musicale confinée d’abord dans une prison, puis dans l’enceinte d’un tribunal. Mais surtout, qui a pu accepter de verser des salaires totalement mirobolants au réalisateur et aux deux stars du film, au point que le budget a enflé de manière démesurée, atteignant 190 millions de dollars. Précisons que l’argent ne se voit absolument pas à l’écran et que l’arnaque est totale puisqu’il n’y a quasiment pas une seule scène d’action au cœur de cette histoire d’amour lénifiante entre deux dingues auxquels on ne s’attache jamais, contrairement au premier film où le personnage d’Arthur Fleck suscitait l’empathie.
Joker Folie à Deux résonne dans le vide de son scénario
Au-delà de l’aspect musical absolument déplacé et même souvent grotesque, le plus gros problème de Joker Folie à Deux vient de son absence totale d’enjeu dramatique. Non seulement on se contrefiche de savoir si Arthur Fleck est responsable ou non de ses actes – il est clairement fou, donc la question ne se pose pas vraiment – mais on ne ressent rien pour son amour soudain envers Lee Quinzel (la future Harley Quinn). Ainsi, les interactions entre les deux personnages passent systématiquement par le biais de numéros chantés qui laissent franchement indifférents. Tout d’abord parce que les chansons ne sont guère passionnantes à l’écoute et que le cinéaste n’a même pas pris la peine de leur donner un écrin de choix en y ajoutant des numéros dansés. Tant qu’à embrasser un genre, autant y aller à fond.
© Warner Bros. / Photo : Niko Tavernise/™ & © DC Comics. All Rights Reserved.
En fait, le scénario de Joker Folie à Deux n’a tout simplement rien à raconter. Pire, il s’acharne à contredire le premier film et à rendre totalement pathétique le Joker qui y perd de sa superbe. Quant à Harley Quinn, le personnage est à peine effleuré et on ne comprend jamais vraiment quelles sont ses motivations.
Une suite prétentieuse et désespérément ennuyeuse
Certes, la réalisation de Todd Phillips est plutôt correcte, l’esthétique générale s’avère assez séduisante et les acteurs ne déméritent pas trop (Lady Gaga s’en sort globalement bien, même si elle est desservie par l’écriture bâclée de son rôle), mais cela n’empêche nullement Joker Folie à Deux de sombrer dans le rabâchage des mêmes séquences au long d’un film qui paraît ne jamais finir. L’ennui nous étreint rapidement et ne nous quitte plus jusqu’au final tout aussi décevant que le reste d’une œuvre prétentieuse, boursouflée et désespérément creuse.
Apparemment confiants, les pontes de Warner ont proposé à nouveau leur film à la Mostra de Venise en espérant un accueil similaire au premier volet. Mais cette fois-ci, c’est la douche froide qui attendait l’équipe du film, avec des critiques tièdes et des rires étranglés. Dès lors, Joker Folie à Deux est devenu l’opus embarrassant que l’on ne va pas savoir vendre au grand public. Pourtant, cela démarrait plutôt bien avec une jolie campagne d’affichage, mais en réalité personne n’avait envie de voir un film musical centré sur ces deux personnages.
Box-office de Joker Folie à Deux
La sentence est vite tombée puisque le métrage est un flop monumental dès son premier week-end en Amérique du Nord avec un résultat déplorable de 37 678 467 $, fourchette que même les pronostiqueurs les plus pessimistes n’envisageaient pas. Pire, le grand public se détourne très vite du film musical de près de 2h30 qui perd près de 90 % en deuxième week-end avec seulement 7 054 527M $ supplémentaires. Joker Folie à Deux s’écrase donc à 58 300 287 $ de recettes nord-américaines, devenant un accident industriel qui risque bien de coûter très cher à son réalisateur, passé de roi d’Hollywood à proscrit en un seul flop d’envergure.
Lire notre article complet sur le flop de Joker Folie à Deux
A l’international, le Musical que personne ne voulait voir est également une sacrée déception. En France, le film franchit le million d’entrées (1 018 724 précisément) et ne génère que 7,7 M$, très loin du triomphe du premier volet. Le seul marché étranger qui dépasse les 10 M$ de recettes est le Royaume-Uni avec 13,1 M$. Le désaveu est donc bel et bien mondial. Décidément, on ne comprendra jamais qui a pu penser que faire de Joker 2 un drame musical était une idée formidable, surtout avec un tel scénario à la clé. Sans vouloir absolument tirer sur une ambulance, la réception catastrophique de cette suite parfaitement inutile est grandement méritée.
Critique de Virgile Dumez
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Mots clés
Cinéma américain, DC Comics, Films de prison, Films de procès, Musical, La folie au cinéma, Les flops de 2024
