Troisième film de David Mamet, Homicide est un polar qui dénonce le racisme ordinaire aux États-Unis avec beaucoup de nuances. A découvrir.
Synopsis : Retiré d’une affaire concernant la traque d’un dealer, un inspecteur de police se retrouve chargé d’enquêter sur le meurtre d’une vieille dame juive et se retrouve entraîné dans un univers qui va le dépasser.
Retour au polar pour David Mamet
Critique : Dramaturge encensé par la critique au cours des années 80, David Mamet a également débuté une carrière de cinéaste avec Engrenages (1987) et la comédie Parrain d’un jour (1988). Habitué à adapter ses propres pièces au cinéma, Mamet choisit de rebondir en adaptant un roman policier de son ami William J. Caunitz intitulé Suspects. Toutefois, au fur et à mesure de l’écriture, David Mamet s’éloigne terriblement de l’intrigue du livre au point de constater que les liens entre les deux matériaux deviennent de plus en plus ténus. Finalement, avec l’accord de Caunitz, Mamet devient le seul crédité au scénario d’Homicide (1991) puisque l’œuvre finale n’a plus grand-chose à voir avec le bouquin qui a donc servi de vague inspiration.
Désireux de traiter de thèmes qui lui sont personnels, David Mamet met donc en place une double intrigue policière – d’un côté la traque d’un dealer de drogues et de l’autre la résolution d’un meurtre au cœur de la communauté juive américaine. Les deux affaires ne se recoupent pourtant jamais vraiment, mais permettent de mettre en exergue une thématique récurrente du cinéaste : comment un être humain peut se faire leurrer par des apparences trompeuses ?
Voyage au cœur de la communauté juive américaine
Ici, il suit donc les pas d’un inspecteur de police joué de manière sobre par Joe Mantegna (fidèle complice du réalisateur) qui est contraint de délaisser une affaire importante à ses yeux pour chercher le meurtrier d’une vieille dame juive. Lui-même issu de la communauté juive, mais peu concerné par sa judéité, l’inspecteur plonge alors dans un milieu qu’il ignorait jusque-là. D’abord convaincu des excès de paranoïa d’une communauté qui se sent systématiquement persécutée, le policier va finir par retrouver ses racines et devenir un vengeur. Pour autant, l’auteur ne cherche aucunement à valoriser cette attitude puisque le personnage, en retrouvant ses racines, est en réalité manipulé par ses propres congénères.
Nous n’en dirons pas plus pour ne pas divulgâcher les rebondissements qui interviennent dans le dernier quart d’heure du long-métrage, mais ils permettent de fortement nuancer le propos du cinéaste.
Bien entendu, David Mamet – lui-même d’origine juive – ne nie pas l’existence d’un antisémitisme très fort aux États-Unis, mais il insiste également sur les fantasmes qui agitent les deux côtés du spectre sociétal. D’un côté, les antisémites sont persuadés que tous les juifs dissimulent des magots dans leurs caves ou leurs greniers, suscitant ainsi la convoitise, mais de l’autre, la communauté juive américaine est sans cesse sur le qui-vive, persuadée d’être victime d’une persécution permanente. Le cinéaste ne prend finalement pas parti dans ce débat et préfère démontrer les ravages de tels fantasmes délirants sur les populations.
Un film d’auteur intéressant, malgré quelques baisses de rythme
Réalisé de manière très classique, Homicide est plutôt brillamment écrit, même si le métrage manque parfois d’une ligne directrice claire pour le spectateur. Ainsi, on ne saisit que très tardivement le lien – uniquement psychologique d’ailleurs – entre les deux affaires suivies en parallèle. Au niveau des acteurs, Joe Mantegna et William H. Macy dominent largement un casting essentiellement composé de visages peu connus, sans doute afin de donner plus de véracité à l’intrigue.
Ponctué de quelques bons moments de tension et de fusillades efficaces, Homicide est avant tout une œuvre intimiste à regarder en tant que film d’auteur. Ce n’est pas tant la pertinence de l’intrigue policière qui compte que le constat d’une société américaine compartimentée entre communautés. On apprécie également la description du racisme ordinaire qui mine encore et toujours les Etats-Unis.
Présenté en ouverture du Festival de Cannes 1991, Homicide n’a pourtant remporté aucun prix lors de cette manifestation. Malgré des critiques globalement positives, Homicide n’a disposé que d’une sortie assez discrète fin août 1991 et ne semble pas avoir dépassé les 20 000 entrées sur toute la France. Le métrage n’est sorti aux États-Unis qu’après l’Europe et n’a pas non plus cassé la baraque. Pourtant, il mérite d’être découvert.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 28 août 1991
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Affiche : Bielkoff Deleuse
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David Mamet, William H. Macy, Ving Rhames, Ricky Jay, Joe Mantegna, Rebecca Pidgeon, Vincent Guastaferro