Toujours mû par une saine colère contre un monde qui renonce à toute notion de solidarité, Gloria Mundi se jette dans un plaidoyer touchant malgré un manichéisme inattendu.
Synopsis : Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria.
Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie…
En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Quand un coup du sort fait voler en éclat ce fragile équilibre, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider.
Guédiguian à l’attaque
Critique : Après La villa, chronique nostalgique et résignée encore teintée de quelques notes d’espoir, l’éternel défenseur des causes ouvrières qu’est Guédiguian crie cette fois son désespoir à la face d’une époque qui, de plus en plus, bafoue les valeurs humaines au profit des intérêts financiers, au point de pervertir même les relations familiales. S’il ne perd rien de sa hargne, il n’hésite pas à s’enferrer dans une harangue naïvement caricaturale, au risque d’amoindrir la force de son engagement. Les petits poèmes égrenés tout au long du film par Gérard Meylan, symbole de sagesse et de dénuement dans un univers régi par l’argent, apportent quelque répit dans ce monde de brutes et équilibrent le récit. C’est donc le cœur divisé et l’âme combative que l’on s’apprête à partager les vicissitudes de cette famille attachante sacrifiée sur l’autel de l’individualisme.
© EX NIHILO – AGAT FILMS & CIE – FRANCE 3 CINEMA – BIBI FILM Italie – 2019
Si le décor quitte la relative quiétude du port de l’Estaque pour s’installer dans les rues clinquantes et dégoulinantes d’objets de consommation en tous genres du centre-ville, la fidèle équipe Guédiguian est bien là, au complet puisqu’à Ariane Ascaride (dont la sobriété et la dignité ont été récompensées par le prix d’interprétation à la Mostra de Venise), Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan se joint désormais, la benjamine, Anaïs Demoustiers, base solide d’ un groupe d’ idéalistes éternellement disposés à s’investir dans des luttes humanistes basées sur l’entraide et le partage dont les belles idées ne tardent pas à se heurter au cynisme d’ un couple de jeunes carriéristes aux dents longues.
Gloria Mundi et ses générations désenchantées
Pourtant, tout commence sous les meilleurs auspices avec la naissance de la petite Gloria, fille de Mathilda (Anaïs Demoustiers) et de Nicolas (Robinson Stévenin) et petite-fille de Sylvie (Ariane Ascaride) et de Richard, grand-père d’adoption (Jean-Pierre Darroussin) mais aussi de Daniel, (Gérard Meylan), grand-père biologique, car il est aussi ici question de s’interroger sur la sinuosité des familles recomposées. En ce jour de fête familiale, tous les membres, y compris Aurore (Lola Naymark), la demi-sœur de Matilda et son mari Bruno (Grégoire Leprince-Ringuet) affichent une même joie et une même foi en l’avenir. Même sous cette façade, la réalité est tout autre. Si les parents, garants d’une époque où l’union faisait la force, ont depuis longtemps appris à jongler avec les horaires décalés et à batailler avec des syndicats aux méthodes contestables, Mathilda et Nicolas, courageux mais soumis aux diktats de jobs mal payés et précaires, peinent à s’en sortir au point de mettre en péril leur couple et l’attachement à leur bébé. Ils sont la risée d’Aurore et Bruno qui, unis par le même goût du pouvoir et de l’argent, voient leurs affaires prospérer. Non contents d’exploiter leurs employés et d’humilier leurs clients, ils se vautrent aussi dans la drogue et le stupre. Miroir d’une société que le réalisateur abhorre, ces deux-là n’avaient aucune chance de trouver grâce à ses yeux.
© EX NIHILO – AGAT FILMS & CIE – FRANCE 3 CINEMA – BIBI FILM Italie – 2019
Guédiguian, Ken Loach, même combat
Profondément noir et porté par une émotion à fleur de peau qui fait oublier ces charges excessives, Gloria Mundi touche par sa capacité à nous restituer, entre ombre et lumière, les contours de la vie et les injustices qui l’accompagnent en toute authenticité. A l’instar de Ken Loach, son homologue britannique, Robert Guédiguian, bien épaulé par une troupe de comédiens dont on ne peut que saluer la remarquable facilité à s’apprivoiser toutes les caractéristiques de leurs personnages, reste l’un de nos observateurs cinématographiques les plus avisés pour scruter les mouvements d’un monde à la dérive, à la condition expresse que l’amertume ne s’invite pas.
Critique : Claudine Levanneur
Sorties de la semaine du 27 novembre 2019
Sorties VOD de la semaine du 6 avril 2020
Affiche : Le Cercle Noir pour Fidélio © EX NIHILO – AGAT FILMS & CIE – FRANCE 3 CINEMA – BIBI FILM Italie – 2019
Biographies +
Robert Guédiguian, Jean-Pierre Darroussin, Anaïs Demoustier, Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Robinson Stévenin, Lola Naymark, Grégoire Leprince-Ringuet, Syrus Shahidi