Gagarine : la critique du film (2021)

Drame | 1h38min
Note de la rédaction :
9/10
9
Gagarine, affiche du film

  • Réalisateur : Jérémy Trouilh Fanny Liatard
  • Acteurs : Lyna Khoudri, Denis Lavant, Alseni Bathily, Finnegan Oldfield, Farida Rahouadj, Fanny Liatard, Jérémy Trouilh, Raphaël Quenard
  • Date de sortie: 23 Juin 2021
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Gagarine
  • Titres alternatifs : Gagarin (Italie) / Gagarine - Kiertoradalla (Finlande) / Edifício Gagarine (Brésil)
  • Année de production : 2020
  • Scénariste(s) : Benjamin Charbit, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
  • Directeur de la photographie : Victor Seguin
  • Compositeurs : Amine Bouhafa, Evgueni Galperine et Sacha Galperine
  • Société(s) de production : Haut et Court, France 3 Cinéma
  • Distributeur (1ère sortie) : Haut et Court
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Blaq Out (DVD)
  • Date de sortie vidéo : 6 octobre 2021
  • Box-office France / Paris-périphérie : 71 279 entrées / 31 321 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleurs / Son : 5.1
  • Festivals et récompenses : Festival international du film d'Athènes 2020 : Meilleure réalisation pour Fanny Liatard et Jérémy Trouilh / Festival du film européen de Séville 2020 : Meilleur acteur pour Alseni Bathily / Lumières 2022 : meilleur premier film / Label Festival de Cannes 2020 / Festival international du film d'Athènes 2020 : Nomination Meilleur film pour Fanny Liatard et Jérémy Trouilh / Festival du film de Gand 2020 : Nomination pour Meilleur film pour Fanny Liatard et Jérémy Trouilh / Festival du film européen de Séville 2020 : Nomination pour Meilleur film pour Fanny Liatard et Jérémy Trouilh / Festival du film de Zurich 2020 : Nomination pour Meilleur film international pour Fanny Liatard et Jérémy Trouilh / Nomination pour le Prix du cinéma européen 2020 : Discovery of the Year - Prix FIPRESCI pour Fanny Liatard et Jérémy Trouilh / Nominations Lumières 2022 : révélation masculine pour Alseni Bathily, meilleure musique pour Evgueni Galperine, Sacha Galperine et Amine Bouhafa / Nomination César 2022 : Meilleur premier film
  • Illustrateur / Création graphique : Benjamin Seznec pour Troïka
  • Crédits : Haut et Court, France 3 Cinéma
Note des spectateurs :

Gagarine navigue sans cesse entre réalisme et poésie, offrant un autre regard sur la banlieue, loin des clichés et autres raccourcis faciles. Un magnifique premier film.

Synopsis : Youri, 16 ans, a grandi à Gagarine, immense cité de briques rouges d’Ivry-sur-Seine, où il rêve de devenir cosmonaute. Quand il apprend qu’elle est menacée de démolition, Youri décide de rentrer en résistance. Avec la complicité́ de Diana, Houssam et des habitants, il se donne pour mission de sauver la cité, devenue son ” vaisseau spatial “.

La cité Gagarine : in memoriam

Critique : En débarquant à Paris, Fanny Liatard et son complice Jérémy Trouilh ont été saisis par la stature imposante de la cité Gagarine au point de vouloir se servir de cette architecture pour y tourner leur premier court-métrage justement intitulé Gagarine (2015). Ils lièrent alors des liens très forts avec les habitants de ce lieu souvent stigmatisé dans les médias et lorsqu’ils ont appris le projet de destruction de cet ensemble monumental, ils ont finalement opté pour un long-métrage de fiction qui prendrait pour cadre cet espace en voie de disparition.

Pour écrire leur scénario, ils se sont inspirés de nombreux récits des habitants et ils se sont imprégnés de cet esprit de solidarité et de communauté qui peut émerger au cœur de la violence (sociale et physique) pourtant réelle des lieux. Leur but était de raconter la banlieue sous un angle moins sensationnaliste et négatif afin de valoriser les habitants dont on ne parle jamais, les réduisant sans cesse au cliché de la délinquance et des trafics en tous genres. L’idée n’était pas de nier cette réalité, mais de la montrer sous un angle différent, passant notamment ici par l’onirisme et la poésie.

Gagarine nous envoie dans les sphères

Ainsi, le film débute par des images d’archives montrant la visite de Youri Gagarine dans la cité qui porte son nom. Les auteurs rappellent ainsi à quel point ces grands ensembles étaient conçus à l’époque comme un grand progrès social par rapport aux bidonvilles où s’entassaient jusqu’alors les populations immigrées. Cet optimisme déborde de ces images d’archives qui contrastent fortement avec l’image dégradée de ces cités devenues des réceptacles de la violence de nos sociétés, mais aussi l’objet de tous les fantasmes de la part d’une population française qui ignore tout de la réalité du terrain.

Le long-métrage se concentre ensuite sur le destin de Youri, un jeune noir de 16 ans abandonné par sa mère qui va décider de faire de la résistance. Il souhaite d’abord aider à la réfection des immeubles afin d’éviter leur destruction programmée, puis, lorsque la décision finale tombe enfin, il refuse de quitter les lieux. Si le film conservait alors une assise réaliste et sociale, contrebalancée par l’imaginaire galopant du jeune garçon passionné par l’espace, la dernière partie du métrage s’affranchit de plus en plus de toute forme de réalisme pour plonger dans la métaphore et l’onirisme.

Un film comme en apesanteur

En rupture avec sa famille, le jeune Youri – magnifique Alseni Bathily – s’identifie pleinement à l’immeuble qui l’a vu grandir. Il fait peu à peu corps avec lui et la destruction programmée du grand ensemble s’apparente à la fin de son enfance et sa plongée dans le monde cruel des adultes. En quelque sorte, la navette spatiale qu’il construit en parfaite autonomie est une matrice qu’il refuse de quitter, même si le monde alentour va l’y contraindre.

Les réalisateurs filent la métaphore jusqu’à filmer l’immeuble tel un vaisseau spatial, avec des angles inspirés de 2001, l’odyssée de l’espace (Kubrick, 1968) et une ambiance éthérée qui rappelle Bienvenue à Gattaca (Niccol, 1997), Afin de mieux nous faire ressentir cette absence d’apesanteur, ils ont recours à une superbe partition musicale électronique d’Amine Bouhafa et des frères Galperine qui nous envoie directement dans l’espace. Sublimé par une belle photographie, des cadrages savants et une parfaite gestion de l’espace et des volumes, Gagarine est un premier film totalement abouti sur le plan esthétique.

Une sortie contrariée par la Covid

Il s’appuie aussi sur des comédiens dirigés avec finesse et parvient surtout à évoquer de manière poétique des thèmes pourtant délicats. Les auteurs sont en tout cas parvenus à leur but qui était d’offrir un point de vue différent sur les grandes cités de la banlieue parisienne et surtout sur leurs habitants.

Le film a toutefois dû patienter avant de sortir dans les salles à cause de la fermeture historique des cinémas durant plus de six mois entre la fin 2020 et le mois de mai 2021. Gagarine est donc arrivé fin juin 2021 dans une période très compliquée pour l’exploitation française avec des spectateurs absents des grands complexes et des salles d’art et essai. Ils ne furent donc que 71 000 spectateurs à faire le voyage à bord du vaisseau Gagarine.

Par la suite, le film a toutefois reçu une nomination au César du meilleur premier film, sans obtenir la précieuse statuette, ce qui est bien dommage tant on a le sentiment d’assister ici à la naissance de deux cinéastes au talent indéniable. On attend donc de pied ferme leur prochain essai car Gagarine nous a profondément émus par son regard emprunt de poésie et d’humanisme.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 23 juin 2021

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Gagarine, affiche du film

© 2020 Haut et Court France

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Lyna Khoudri, Denis Lavant, Alseni Bathily, Finnegan Oldfield, Farida Rahouadj, Fanny Liatard, Jérémy Trouilh

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