Freud, passions secrètes : la critique du film (1964)

Biopic, Historique, Drame | 2h20min
Note de la rédaction :
9/10
9
Freud, passions secrètes, l'affiche

  • Réalisateur : John Huston
  • Acteurs : Susan Kohner, Montgomery Clift, David Kossoff, David McCallum, Fernand Ledoux, Charles Regnier, Susannah York, Larry Parks, Eileen Herlie
  • Date de sortie: 03 Juin 1964
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Freud
  • Titres alternatifs : Det fördolda (Suède) / Freud, pasión secreta (Espagne) / Freud, além da alma (Portugal) / Doktor Freud (Pologne) / Pasiones secretas (Mexique) / Freud - Passioni segrete (Italie) / Freud: a titkos szenvedély (Hongrie) / Hemmelige lidenskaber (Danemark)
  • Année de production : 1962
  • Scénaristes : Wolfgang Reinhardt et Charles Kaufman, d'après une histoire de ce dernier / John Huston et Jean-Paul Sartre (non crédités)
  • Directeur de la photographie : Douglas Slocombe
  • Compositeur : Jerry Goldsmith
  • Société(s) de production : Bavaria Film
  • Distributeur : Universal
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Universal Pictures France (DVD, 2013) / Rimini Editions (DVD, 2017) / Rimini Editions (Mediabook, 2022)
  • Dates de sortie vidéo : 5 février 2013 (DVD) / 12 septembre 2017 (DVD) / 22 novembre 2022 (Mediabook)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 100 872 entrées / 39 546 entrées
  • Box-office nord-américain : 2,9 M$ (soit 28,5 M$ au cours de 2023)
  • Budget : 4 M$ (soit 39,4 M$ au cours de 2023)
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Festival de Berlin 1963 : Sélection officielle / Golden Globes 1963 : 4 nominations pour meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice pour Susannah York et meilleure actrice dans un second rôle pour Susan Kohner / Oscars 1963 : 2 nominations pour le meilleur scénario et la meilleure musique
  • Illustrateur / Création graphique : Jean-Claude Ghirardi (affiche 1964)
  • Crédits : © 1962 Universal Pictures Co Inc. Renewed 1990 by Universal City Studios Inc.
Note des spectateurs :

Pur thriller mental et intellectuel, Freud, passions secrètes évite tous les pièges du biopic académique pour livrer une plongée au cœur de la psychanalyse pertinente et surtout passionnante. Le tout magnifié par la prestation du grand Montgomery Clift dans un de ses derniers rôles.

Synopsis : À Vienne, en 1885, les recherches de Freud sur l’inconscient de ses malades et le sien l’amènent à ses principales découvertes et à un scandale qui ébranlera toute la médecine viennoise…

Un scénario démentiel de Sartre

Critique : Lorsqu’il tourne pour le compte de l’armée américaine le documentaire Que la lumière soit (1946) sur les traumatismes des soldats revenus de la guerre, le réalisateur John Huston est impressionné par les résultats obtenus par la pratique de l’hypnose et de la psychanalyse. Dès lors, il se passionne pour le sujet et envisage assez vite de raconter la naissance de la psychanalyse à travers un biopic consacré à Sigmund Freud. Ce n’est pourtant qu’à la fin des années 50 que John Huston parvient à convaincre le philosophe français Jean-Paul Sartre d’écrire un scénario sur le sujet.

Pris au jeu de l’écriture, Sartre livre un premier synopsis d’une centaine de pages qu’il développe en un scénario de 600 feuillets. Bien entendu, il est impossible d’exploiter un matériel aussi riche et Sartre est remercié pour son incroyable travail et remplacé par John Huston lui-même et son complice Wolfgang Reinhardt. Alors que Sartre a fourni la matière principale du film, l’objectif des deux complices est de tailler dans cette masse informe pour en tirer un script adaptable à l’écran. Toutefois, si Sartre a refusé d’être crédité au générique, John Huston a toujours dit que son travail a été essentiel et que certains dialogues sont sartriens.

Freud, passions secrètes plonge au cœur de la pensée freudienne

C’est sans nul doute ce qui explique l’incroyable richesse intellectuelle de Freud, passions secrètes (1962), œuvre impressionnante par sa capacité à rendre intelligible des théories qui ne sont pas forcément évidentes et qui parvient à montrer une pensée en plein accomplissement. Le défi était d’autant plus ardu que la vie de Freud à proprement parler n’est absolument pas intéressante. L’homme fut surtout un petit bourgeois à la vie rangée et entièrement consacrée à son travail. Il était donc difficile d’envisager un biopic classique à partir d’une matière aussi faible.

Freud, passions secrètes, jaquette Mediabook

© 1962 Universal Pictures Co Inc. Renewed 1990 by Universal City Studios Inc. / Jaquette : Dreano. Tous droits réservés.

La puissance de Freud, passions secrètes vient de la capacité des auteurs à pénétrer au cœur de la pensée du médecin viennois et de faire de la découverte de la psychanalyse la matière d’un thriller purement intellectuel. Le spectateur est donc invité à suivre d’abord la formation de Freud auprès du professeur Charcot, judicieusement interprété par le Français Fernand Ledoux. Le cinéaste insiste déjà sur l’originalité de la pensée de Freud qui ne se conforme pas aux théories développées par ses maîtres. L’homme est davantage séduit par la méthode de l’hypnose pratiquée par le docteur Breuer magistralement interprété par Larry Parks dans son meilleur rôle.

Un pur thriller mental

L’autre décision majeure du film est d’avoir concentré les cas de plusieurs patients de Freud dans un seul et unique personnage : celui interprété par la jeune Susannah York. Dès lors, le spectateur peut suivre l’évolution de la pensée de Freud, puisque l’homme confronte ses théories avec sa patiente, mais aussi avec son confrère Breuer. Autre interlocutrice majeure, la femme de Freud incarnée par Susan Kohner permet aussi de plonger plus avant dans la psyché névrosée du célèbre thérapeute.

Ainsi, petit à petit, Freud échafaude devant nos yeux ébahis ses théories les plus importantes sur l’inconscient, la théorie de l’interprétation des rêves, mais aussi son idée révolutionnaire concernant la sexualité infantile et le complexe d’Œdipe. Les auteurs nous familiarisent aussi avec des concepts aussi importants que le transfert entre le patient et le thérapeute ou encore la nécessité de faire remonter le refoulé par le biais de l’expression orale (y compris par des lapsus ou des actes manqués).

Montgomery Clift au sommet

Grâce à une réalisation splendide et d’une magnifique fluidité, John Huston évite de faire de son œuvre un essai froid et pontifiant. Il livre ainsi de véritables plans de cinéma, notamment lors des rêves qui sont tournés dans un style expressionniste du plus bel effet. Aidé à la photographie par le grand Douglas Slocombe, Huston signe un nombre conséquent de séquences remarquables de puissance dramatique. Il est également aidé par la bande originale de Jerry Goldsmith qui utilise déjà des éléments de musique électronique alliés à une partition plus classique.

Freud, passions secrètes, détails du Mediabook

© 1962 Universal Pictures Co Inc. Renewed 1990 by Universal City Studios Inc. / Jaquette : Dreano. Tous droits réservés.

Pour autant, Freud, passions secrètes ne serait pas aussi mémorable sans l’interprétation remarquable de tous les acteurs impliqués. Alors que Montgomery Clift ne semblait pas le choix le plus évident pour un tel rôle, sa prestation s’avère impressionnante par la puissance de son regard halluciné. Pourtant, le tournage ne fut pas de tout repos puisque John Huston et la star ne se sont pas du tout entendus, contrairement à leur précédente collaboration sur The Misfits (1961). Il faut dire que Montgomery Clift était plutôt mal en point à cette époque, démoli par son alcoolisme et sa dépendance à la drogue, mais aussi par son obligation à dissimuler son homosexualité. Les relations entre les deux hommes ont été si exécrables que Monty n’a plus tourné de film pendant plusieurs années après celui-ci.

Un tournage sous très haute tension

Si John Huston a souvent accusé Clift de tous les maux, les autres acteurs n’ont pas apprécié l’acharnement de Huston sur sa star. Les torts semblent donc largement partagés. Mais cela n’a, heureusement, pas affecté le résultat final, en tout point remarquable. On adore notamment les interactions entre Monty et la jeune Susannah York, mais aussi avec l’excellent Larry Parks. Malgré un tournage sous très haute tension, Freud, passions secrètes offre une belle palette de talents à contempler au cœur d’un film à l’esthétique irréprochable.

Loin d’être un biopic classique, voire académique, Freud, passions secrètes est une œuvre puissante et particulièrement audacieuse qui fait partie des plus belles réussites d’un cinéaste toujours capable de se surpasser, au risque de brusquer ses plus proches collaborateurs à cause de son sale caractère.

Freud, une grosse déception commerciale

Sorti en décembre 1962 aux Etats-Unis, le long-métrage qui a tout de même coûté 4 M$ (soit 39,4 M$ au cours de 2023) connaît un gros échec commercial en ne récoltant que 2,9 M$ (soit 28,5 M$ au cours de 2023) en Amérique du Nord. Pas tellement étonnant au vu d’une œuvre qui prend la défense de théories qui pouvaient encore choquer à l’époque de la sortie. Même si le métrage a reçu deux nominations à l’Oscar en 1963 pour le meilleur scénario et la meilleure musique, on peut considérer le film comme une grosse déception.

D’ailleurs, le métrage n’a pu sortir dans les salles françaises qu’en juin 1964, avec un nombre de salles très réduit et une durée amputée de 20min. A Paris, ils ne furent que 39 546 curieux à faire le déplacement. Quant à la France entière, elle a salué la sortie par un résultat excessivement mineur de 100 872 thérapeutes. Affublé d’un titre français racoleur, Freud, passions secrètes est longtemps resté considéré comme un John Huston mineur, alors même qu’il s’agit de l’un de ses meilleurs films. Celui-ci a été progressivement redécouvert grâce à des sorties en DVD au cours des années 2000. Il a aujourd’hui droit à un magnifique mediabook édité par Rimini. Non seulement la copie est splendide, les suppléments vidéo passionnants, le livre intéressant, mais l’objet est en lui-même d’une beauté à exposer dans sa bibliothèque avec fierté.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 3 juin 1964

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Freud, passions secrètes, l'affiche

© 1962 Universal Pictures Co Inc. Renewed 1990 by Universal City Studios Inc. / Affiche : Jean-Claude Ghirardi. All Rights Reserved.

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Freud, passions secrètes, l'affiche

Bande-annonce de Freud, passions secrètes (VO)

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