Thriller mou du genou, En toute innocence échoue à créer la moindre tension, et ceci malgré un duo d’acteurs formidable. Un coup d’épée dans l’eau.
Synopsis : Un architecte, Paul, dirige avec son fils une entreprise fleurissante. Tout semble allé pour le mieux jusqu’à un accident de voiture qui prive Paul de l’usage de la parole et de ses jambes. Accident ou tentative de meurtre ? Car Paul a surpris sa bru dans les bras de son amant, et leurs rapports se détériorent très rapidement.
Un thriller domestique sur les traces d’Hitchcock
Critique : Le cinéaste Alain Jessua est en manque de succès public lorsqu’il tombe sur le roman Suicide à l’amiable écrit en 1985 par André Lay, grand spécialiste du roman noir à la française. Le réalisateur y voit l’opportunité de payer son tribut au thriller hitchcockien qu’il admire tant. Effectivement, tout respire le maître du suspense dans cette intrigue qui oppose un industriel bourgeois à sa bru qui cherche à le liquider afin que ce dernier ne révèle pas son adultère.
Dès les premiers instants, deux références viennent en tête puisque le cadre bourgeois et provincial évoque irrémédiablement le cinéma de Claude Chabrol, tandis que la présence d’un verre de lait qui pourrait contenir un poison nous ramène immanquablement à Soupçon (1941) d’Alfred Hitchcock. Deux références prestigieuses qu’Alain Jessua a malheureusement bien du mal à égaler.
Tension au point mort
Avec une telle intrigue, basée sur un jeu mortel du chat et de la souris, on attendait de la part du réalisateur de Traitement de choc, Armaguedon et Les chiens une bonne dose de perversité et d’étrangeté, sa véritable marque de fabrique. Las ! En toute innocence n’est qu’un thriller mollasson qui ne sort que très rarement de sa zone de confort télévisuelle. La réalisation s’avère assez plate et bien peu inventive. L’histoire étant parfaitement linéaire, aucune surprise ne vient bousculer le ronron d’une œuvre qui n’est jamais désagréable à suivre, mais peine à éveiller l’intérêt.
Pire que tout, la montée de la tension entre les deux personnages principaux se fait avec une telle lenteur que l’explosion de violence finale ne provoque que l’indifférence. Heureusement, pour combler l’absence de réel intérêt, le spectateur peut se raccrocher à l’excellence de l’interprétation. Michel Serrault est parfait en homme traqué, immobilisé par deux plâtres qui le clouent sur un fauteuil roulant. Face à lui, Nathalie Baye joue la rouerie avec un certain talent, même si elle est parfois un peu en retrait. Suzanne Flon est également parfaite en vieille gouvernante et ses échanges avec Serrault sont savoureux.
Un casting trois étoiles, parfois mal employé
Parmi le casting plus jeune, on regrette le peu de poids de François Dunoyer qui écope du rôle ingrat du mari cocu, tandis que Philippe Caroit est carrément sous-employé en amant finalement bien peu actif. Si l’on ajoute à cela une musique assez anodine de Michel Portal, il ne reste pas grand-chose à se mettre sous la dent dans ce petit film commercial qui échoue à créer une vraie tension.
Son intérêt mineur lui a d’ailleurs valu un bel échec public lors de sa sortie qui est intervenue en pleine crise du cinéma français. Ils n’ont été que 297 218 curieux à faire le déplacement en salles. Cela a plombé un peu plus la carrière de Jessua qui a mis dix ans avant de pouvoir tourner à nouveau. Nathalie Baye connaissait alors également un creux sévère dans sa jeune carrière qui, heureusement, s’en est remise. Un film pour rien, en somme !
Box-office :
Pour son premier jour, En toute innocence d’Alain Jessua réalisait 4 665 entrées dans 30 salles sur Paris/Périphérie. C’était la deuxième plus grosse sortie de la semaine après Benji la Malice, film canin pour enfants qui était exposé dans 30 cinémas. Les deux bonnes surprises du jour avaient pour titre La Maison assassinée de Lautner (5 451 entrées, 27 salles) et surtout La vie est un long fleuve tranquille d’Etienne Chatiliez qui rassemblait 8 870 spectateurs dans seulement 20 cinémas.
En première semaine, En toute innocence est entré en 7e place du box-office parisien. Un échec, écrasé par La vie est un long fleuve tranquille (89 754), Benji, Chatran, Robocop et les autres… C’est sur les Champs Elysées, au Pathé Marignan qu’il se distingue (un peu) avec 4 336 entrées. Dans des cinémas comme le Maxeville ou le Galaxie, il ne dépasse même pas les 1 000 spectateurs ! Le thriller avec Serrault et Nathalie Baye ne parvient à rester que 5 semaines à l’affiche sur Paname. Il n’était plus qu’au George V et au Gaumont Parnasse pour tenir son dernier souffle.
Critique de Virgile Dumez