En attendant le gros morceau de Pixar en juin, En avant sert de bouche-trou de par ses petites qualités cinématographiques qui le situent très loin derrière les classiques du studio. Il n’en demeure pas moins plaisant.
Synopsis : Dans la banlieue d’un univers imaginaire, deux frères elfes se lancent dans une quête extraordinaire pour découvrir s’il reste encore un peu de magie dans le monde.
En avant vers l’âge adulte : la notion de deuil chez Pixar
Critique : Depuis la sortie de Star Wars Episode IX, The Walt Disney Company France a un peu déserté les écrans, se contentant d’exploiter les derniers titres de la Fox (Underwater, Jojo Rabbit, L’appel de la Forêt). Ainsi, pour la première fois depuis des lustres, le studio américain a même passé les vacances de février sans sortir de nouveau film animé. Doit-on y voir les conséquences de la pléthore de productions SVOD pour Disney +, et une réduction des programmations animées pour le grand écran ? Ou bien un ralentissement volontaire après l’overdose de l’année 2019 ? Dans tous les cas, avec le très attendu Soul de Pete Doctor, qui bénéficiera d’une distribution à une date clé, en juin, l’année 2020 accueille deux productions Pixar dans les salles, puisque En avant (Onward, en VO) connaît une date de sortie en mars, sans promo événementielle, comme sacrifié à l’avance sur l’autel de ses qualités moindres par rapport au répertoire du studio oscarisé cette même année pour Toy Story 4.
Onward n’est pas un grand cru, même si son auteur, Dan Scanlon travaille dessus depuis six ans ; les pontes de Disney en sont conscients. Le film est donc casé à une date kleenex, où de toute façon, l’absence de productions similaires lui offrira un couloir jusqu’aux vacances de Pâques et la sortie du reboot live de Mulan. Dan Scanlon n’est pas le meilleur bougre des écuries Pixar : on se souvient, en 2013, de la déception que fut Monstres Academy, échec artistique avéré. Avec En avant, Scanlon revient aux commandes d’un gros projet, mais pour évoquer un sujet personnel, le deuil, la volonté de deux frères de faire revivre le père qu’ils ont à peine connu… Des réminiscences de l’expérience même de l’auteur pour une oeuvre qui se pose donc en récit initiatique, celui nécessaire de deux jeunes gens qui doivent faire le deuil pour aller de l’avant, s’affranchir de leurs traumas et chagrins. Cela se fait dans une Amérique qui bouscule ses traditions et ébranle les monuments historiques, les racines mêmes d’un patrimoine culturel qui renvoient au schéma patriarcal qui s’efface…
Tout un folklore d’heroic fantasy pour évoquer la disparition d’un monde
Dans cette œuvre sur la perte, celle fondatrice du père, de l’adolescence, du patrimoine historique, Pixar ressort évidemment ses formules de nostalgie et les décors américains très proches de Cars, ou d’un village Disney. Le rite initiatique vers l’âge adulte, comme dans les Toy Story, se fait au prix de la disparition de la magie que le présent de technologie et de consommation a supplanté dans les us et coutumes des habitants. Les créatures de cette Amérique, sont des elfes, des fées, des licornes, une lionne ailée, un centaure, un cyclope… un folklore évoquant la production Netflix Bright, dont le mélange fonctionne assez bien, avec un anthropomorphisme consistant à humaniser toutes ces icônes d’heroic fantasy, et une volonté de diversité bienveillante.
Toutefois, dans une quête de la résurrection du père, pour une journée, qui dans un premier temps échoue avec une matérialisation seulement du bas de son corps (le patriarcat réduit à sa virilité, en quelque sorte, tout un symbole), Onward fait forcément correspondance à un autre Pixar embrassant la thématique du deuil, mais qui avait mis tout le monde d’accord, tant il était original, brillant et intelligent, l’on parle évidemment ici de Coco de Lee Unkrich et Adrian Molina (2017). En cela, En avant démontre l’étroitesse de ses arguments, apparaissant comme banal, un peu fourre-tout, jamais désagréable, mais en tout point dispensable.
Ce premier Pixar depuis Toy Story 4 qui n’était déjà pas un parangon de réussite et d’originalité, rejoint surtout ces films d’animation lambda qui courent les écrans, ce que les grands Pixar (Monstres & Cie, Toy Story, Vice-Versa, Là-haut) n’ont jamais été, car eux ont rejoint depuis le panthéon de l’animation, au même titre que certains morceaux légendaires du catalogue de l’oncle Walt comme Blanche-Neige.
En définitive, En avant connaîtra un succès qui s’expliquera moins par l’envie réelle que donne le film que par l’affluence contrainte des parents qui doivent essayer de caser un film d’animation à leur marmaille. Ils iront sans trop de conviction, ni de déplaisir non plus.
Mise à jour : Suite à la crise du coronavirus et à la fermeture des salles, la carrière d’En avant s’est résumé en France à moins de 15 jours d’exploitation et à une seconde semaine catastrophique en raison de la désertion des cinémas restés ouverts. Le film dépasse à peine les 600 000 entrées pour toute sa (courte) carrière et obtient une dérogation pour sortie en VOD le 23 avril 2020.
Les Films Pixar
Sorties de la semaine du mercredi 4 mars 2020
Les sorties VOD de la semaine du 21 avril 2020