Réalisation virtuose pour trame mineure. Rebelle de Pixar ne manquait pas de charme, mais question script, le blockbuster a laissé une génération sur sa faim.
Synopsis : Depuis la nuit des temps, au cœur des terres sauvages et mystérieuses des Highlands d’Ecosse, récits de batailles épiques et légendes mythiques se transmettent de génération en génération. Merida, l’impétueuse fille du roi Fergus et de la reine Elinor, a un problème… Elle est la seule fille au monde à ne pas vouloir devenir princesse ! Maniant l’arc comme personne, Merida refuse de se plier aux règles de la cour et défie une tradition millénaire sacrée aux yeux de tous et particulièrement de sa mère. Dans sa quête de liberté, Merida va involontairement voir se réaliser un vœu bien malheureux et précipiter le royaume dans le chaos. Sa détermination va lui être cruciale pour déjouer cette terrible malédiction.
Une nouvelle prouesse technique, mais…
Critique : On ne niera pas que le dernier Pixar est une énième merveille visuelle pour le studio, après des sommets comme Là-haut, Toy story 3 et surtout WALL-E. Même l’insipide Cars 2 était techniquement resplendissant. Dans Rebelle, les reconstitutions organiques des riches contrées d’Ecosse sont splendides, agitées par une caméra virtuelle incessante qui serpente à toute allure des chemins boisés où viennent s’ériger des rocs massifs. La mise en scène jouit d’un souffle revigorant, d’autant qu’on s’éloigne du cadre habituel des productions d’animation.
Bien loin devant les produits de la maison mère, Disney donc, et à des années-lumière des approximations animées de Dreamworks, Pixar épate toujours… Cependant, à force de soigner la fluidité de l’animation et de chercher à la mettre en valeur de façon spectaculaire, l’équipe technique étouffe quelque peu toute l’écriture du projet qui est en grande souffrance, comme dans bon nombre de blockbusters américains standards.
Rebelle, un Pixar oublié, à raison
Dans un récit ratatiné à 1h35, Rebelle, donc le Pixar de l’été 2012, que le monde s’est empressé d’oublier, pâtit d’un embryon d’histoire d’où viennent s’échapper beaucoup de choses positives, mais les pistes ne sont jamais développées. Ce conte initiatique sur fond de crise d’adolescence, niché sur les hauteurs des Highlands, présente avec bonhomie les clans écossais, la lutte armée pour s’offrir la main de la princesse… ce cadre médiéval pouvait assurer plus d’arrières, mais non, il restera sous-exploité, jusque dans la galerie de personnages proposés. Le roi Ours (surnom dû à la perte d’un membre en chassant l’animal) et père de l’héroïne ne sert pas à grand-chose et le reste de sa cour est insignifiante ! Il manque aussi des petits personnages facétieux, comme on en trouve souvent dans ce type de programme, ces faire-valoir humoristiques qui ravivent toujours l’intérêt.
Peu de légendes et de superstitions
La magie brumeuse qui émane de la culture celte traditionnelle est également finalement assez peu féconde à l’écran : une rencontre avec une sorcière artiste (la meilleure scène du film, digne de Merlin l’enchanteur), une malédiction ancestrale avec un vieil ours enragé… beaucoup d’éléments fantastiques et de légendes secondaires dans ce qui reste une histoire de fifille à sa maman, sans vrai méchant pour donner des vertiges à l’histoire, et même sans prince charmant pour donner une orientation à la trame autre que familiale.
2012 Copyrights Disney Pixar
Personnage féminin fade arrivée trop tôt sur les écrans
Dans cette histoire de rébellion contre l’autorité parentale, sorte de complexe d’œdipe au féminin, la jeune fille vit son complexe d’Electre en faisant jeter un sort à sa mère qui la transforme en ours. Sa course pour finalement conjurer le sort se fera avec beaucoup d’humour, mais sans rebondissement narratif fort ou sans même une scène de paroxysme, comme si tout était allé bien trop vite. On aurait presque l’impression de revivre l’expérience Frère des ours, l’un des pires Disney en animation traditionnelle des années 2000, qui déployait un scénario assez similaire.
Dans cette accumulation de fâcheux petits dérapages, le personnage central de Merida est peut-être le point le plus problématique. L’ado princesse, en pleine crise de puberté, est assez irritante ; pour faire passer ses caprices à l’écran, on n’a pas ici la force loufoque d’un Kuzco (autre jeune monarque tête à claques), qui situait l’histoire sur plusieurs niveaux de narration, notamment celui du pastiche. En axant essentiellement l’histoire de Rebelle sur une morale familiale – d’un côté, l’acceptation de voir sa fille grandir et s’affranchir, de l’autre l’acceptation des bons conseils de sa maman, les scénaristes ont réduit le sous-texte à une psychologie adolescente un peu banale (c’est d’ailleurs le sujet de L’âge de glace 4, proposé le même été sur les écrans.
L’adieu aux réalisateurs, malgré un succès aux USA
Le procédé est un brin réducteur pour un Pixar, qui nous avait toujours habitué à une vraie complexité thématique et psychologique au travers de personnalités touchantes. D’ailleurs, sans surprise, les trois réalisateurs de cette aventure rance, Mark Andrews, Brenda Chapman (l’horripilant Prince d’Egypte donc), et Steve Purcell, n’avaient rien fait de grandiose avant, et ne pourront réitérer dans le long chez Pixar. Brave (titre original) réussira tout de même a engendré 237 millions de dollars aux USA et à finir en huitième position annuelle, à une époque dominée par le premier Avengers, Hunger Games et autre Dark Knight Rises. Dans ce contexte, Brave paraissait hors de son temps.
Critique : Frédéric Mignard