Toy Story passe au mode blockbuster avec un 3e volet tour à tour impressionnant, drôle, émouvant, et parfois même un brin sombre et effrayant. Et oui, Toy Story 3, c’est du Pixar et du très bon. Peut-être même le meilleur de la décennie 2010.
Synopsis : Les créateurs des très populaires films Toy Story ouvrent à nouveau le coffre à jouets et invitent les spectateurs à retrouver le monde délicieusement magique de Woody et Buzz au moment où Andy s’apprête à partir pour l’université. Délaissée, la plus célèbre bande de jouets se retrouve… à la crèche ! Les bambins déchaînés et leurs petits doigts capables de tout arracher sont une vraie menace pour nos amis ! Il devient urgent d’échafauder un plan pour leur échapper au plus vite. Quelques nouveaux venus vont se joindre à la Grande évasion, dont l’éternel séducteur et célibataire Ken, compagnon de Barbie, un hérisson comédien nommé Larosse, et un ours rose parfumé à la fraise appelé Lotso.
Toy Story 3, film de l’été 2010
Critique : L’idée d’un troisième Toy Story, plus de dix ans après le premier sequel, laissait dubitatif, surtout au milieu d’un été 2010 médiocre où suites inutiles et remakes passables composaient la quasi totalité des sorties américaines.
Alors évidemment au début, la thématique de la peur de l’abandon, déjà exploitée par les deux premières aventures de Woody le cow-boy et Buzz l’éclair, a parfois le goût de réchauffé. Ici tous les jouets d’Andy le gamin, devenu aujourd’hui étudiant, sont confrontés au départ pour l’université de leur grand copain de jeu et s’apprêtent à être confinés à la cave ou pire à être relégués aux ordures. Cela nous rappelle l’époque lointaine où Woody, jeu traditionnel, redoutait d’être écarté du coffre à jouet pour laisser place aux nouvelles technologies de Buzz. Pourtant on va vite se rassurer, faute d’une trame originale, l’ingéniosité du script, toujours en proie aux expérimentations thématiques, aux multiplications de niveaux de lecture et aux rebondissements généreux, laisse pantois.
La mort guette
Le vrai départ narratif, c’est celui accidentel de notre bande de jouets favorite vers une crèche où les bambins qui les attendent sont en fait des mômes en bas âge – baveux, turbulents et destructeurs-, qui mettent à mal le bestiaire en plastique qu’on leur donne en pâture. Allant de Charybde en Scylla, les joujoux d’Andy se retrouvent ainsi face à une bien sombre perspective : celle d’une mort certaine, d’autant que les autres jouets de la crèche, arrivés précédemment sur les lieux, se sont organisés en milice autour d’un ours en peluche machiavélique, Lotso, pour laisser aux nouveaux arrivants les niveaux les plus agités et les plus ingrats.
Critique fine du capitalisme et de l’obscurantisme
Toy Story 3 se mue, dans ces moments, en véritable réflexion sur notre société à palier, où l’élite attribue par la force et la tyrannie les tâches les plus ingrates et les plus avilissantes aux démunies, tout en les plongeant dans l’obscurantisme et l’ignorance (effacer le savoir de Buzz l’éclair, dissimuler les modes d’emploi dans des bibliothèques secrètes…).
L’arrogance des uns face à l’impuissance des autres, ce thème universel vient enrichir un métrage déjà démesuré en atouts plus immédiats : animation en images de synthèse d’une fluidité géniale (mises en exergue par la 3D), déploiement de décors riches dignes d’un authentique et onéreux blockbuster (la scène d’ouverture dans un far-west de combats surréalistes avec attaques d’aliens, de dinosaure géant et de milliers de petits singes en plastique, est un grand moment. La course-poursuite finale dans la déchetterie, entre ténèbres et enfer, est particulièrement impressionnante, laissant à chaque instant le sentiment définitif que nos héros animés vont cette fois-ci bel et bien y rester)…
Maître Pixar à son paroxysme
A chaque fois Pixar réaffirme son statut de maître inébranlable dans le domaine de l’animation. Se mettant évidemment les plus jeunes dans sa poche (la magie agit comme un feu d’artifices permanent à l’écran), l’équipe de John Lasseter (ici seulement producteur exécutif, loin de la disgrâce vécue suite à la polémique autour d’accusation d’harcèlement sexuel) s’assure également l’adhésion des spectateurs les plus âgés, en les berçant de références précieuses (un Totoro par-ci, une Barbie par-là) et surtout en les ramenant à leurs expériences de vie les plus marquantes (l’envol de l’oiseau adolescent qui quitte le nid pour la première fois, brisant le cœur de sa maman).
Une animation adulte, intelligente, poignante et métaphysique
Le discours poignant émeut l’adulte avec intelligence, l’interpellant jusque dans ses angoisses métaphysiques de solitude, de vieillesse et de mort. Ce que d’aucuns appelleraient une formule chez Pixar constitue en fait toutes les caractéristiques d’une œuvre cohérente qui, même en se déclinant en suite, ne perd jamais de son panache et de son humanisme. Tout simplement du grand cinéma. Le quatrième numéro, sorti 9 ans plus tard, sera moins probant.
Critique : Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 14 juin 2010
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Les Films Pixar