De son vivant d’Emmanuelle Bercot s’empare d’un sujet déchirant et réussit le tour de force de ne jamais tomber dans un excès de larmoiements, grâce, entre autres, à l’interprétation hors pair de Benoît Magimel.
Synopsis : Un homme condamné trop jeune par la maladie.
La souffrance d’une mère face à l’inacceptable.
Le dévouement d’un médecin et d’une infirmière pour les accompagner sur l’impossible chemin.
Une année, quatre saisons, pour “danser” avec la maladie, l’apprivoiser, et comprendre ce que ça signifie : mourir de son vivant.
De son vivant investit avec brio l’hôpital à l’heure du drame
Critique : Après une plongée dans l’univers de la justice des mineurs avec La tête haute, puis le combat d’une lanceuse d’alerte contre les lobbys pharmaceutiques avec La fille de Brest, Emmanuelle Bercot poursuit l’investigation des arcanes de nos institutions. Si elle dresse le portrait poignant d’un homme prématurément condamné par la maladie à faire le bilan de sa vie, elle rend aussi un vibrant hommage au personnel hospitalier. Des images rendues authentiques par la présence de véritables acteurs de santé, décrivent avec précision les gestes de soin et la nécessité d’évacuer la tension des souffrances partagées grâce à la musique, au chant, et à l’expression orale mais aussi et surtout à la bienveillance d’un chef de service mélomane aussi soucieux du bien-être de ses patients que de celui de ses collaborateurs. La prestation du Dr Eddé (le docteur Gabriel Sara, cancérologue américano-libanais dans son propre rôle) dont l’empathie et le charisme illuminent le film d’un bout à l’autre, participe largement à cet équilibre réussi entre acceptation et désespoir et permet au récit de ne jamais sombrer dans un excès de pathos.
Une histoire d’une infinie tristesse
Tout comme la maladie, le récit ne laisse guère l’espoir d’une fin heureuse. Benjamin, 39 ans, est atteint d’un cancer du pancréas incurable. On le suit dans les différents stades de la maladie, passant de la révolte à la résignation, entouré de sa mère et du corps médical qui rivalisent d’attentions pour adoucir ses derniers instants. Professeur de théâtre, il apprend à ses élèves, dans un dernier geste de transmission, à exprimer leurs sentiments tout en les exhortant à douter, se tromper, désobéir et surtout à vivre. Dominé par une mère aimante mais oppressante, il a la sensation, à l’heure des comptes, d’être passé à côté de sa vie, tandis que l’interprétation magistrale de Catherine Deneuve – victime d’un AVC durant le tournage -, souligne avec pudeur la douloureuse adaptation des proches confrontés à l’inéluctable.
Bien au-delà d’une réflexion sur la mort, De son vivant s’intéresse aux fragilités de l’existence faite d’autant d’erreurs et de regrets que de défis et victoires, et interroge sur la trace que les disparus laissent à ceux qui leur survivent. L’histoire, d’une infinie tristesse, peut faire craindre un trop-plein d’émotions, mais la justesse d’interprétation de Benoît Magimel contourne aisément l’écueil. Déroulant sous nos yeux embués une infinie palette de sentiments, du sarcasme à la vulnérabilité, celui qui, en 1988, devint le Momo Groseille de La vie est un long fleuve tranquille, tient ici l’un de ses meilleurs rôles.
Bouleversant, malgré quelques errances
Poussant, le ressort émotionnel dans ses ultimes retranchements, Emmanuelle Bercot s’aventure dangereusement dans une histoire d’enfant surgi du passé. Un dérapage qui dévie, pour quelques instants seulement, de sa trajectoire initiale un chemin de vie jusque-là harmonieusement tracé. Ce détour inutile n’entame cependant pas la puissance d’humanité de cet hymne à la vie qui, en assumant parfaitement ses écarts avec la réalité, s’apparente à un conte n’en finissant plus de nous bouleverser.
Les sorties de la semaine du 24 novembre 2021
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Emmanuelle Bercot, Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Cécile de France, Gabriel Sara, Oscar Morgan, Julie Arnold