Cul-de-sac : la critique du film et le test blu-ray (1966)

Thriller, Comédie dramatique | 1h52min
Note de la rédaction :
7/10
7
Cul-de-sac, affiche de la reprise 2017

  • Réalisateur : Roman Polanski
  • Acteurs : Françoise Dorléac, Jacqueline Bisset, Donald Pleasence, Lionel Stander, Jack MacGowran
  • Date de sortie: 02 Déc 1966
  • Nationalité : Britannique
  • Titre original : Cul-de-sac
  • Titres alternatifs : Wenn Katelbach kommt... (Allemagne) / Callejón sin salida (Espagne) / Cul-De-Sac - O Beco (Portugal) / Matnia (Pologne) / Punto muerto (Mexique) / Armadilha do Destino (Brésil)
  • Année de production : 1966
  • Scénariste(s) : Gérard Brach, Roman Polanski
  • Directeur de la photographie : Gilbert Taylor
  • Compositeur : Krzysztof Komeda
  • Société(s) de production : Compton Films, Tekli British Productions
  • Distributeur (1ère sortie) : Rank
  • Distributeur (reprise) : Carlotta Films
  • Date de reprise : 24 mai 2017
  • Éditeur(s) vidéo : Fil à Film (VHS) / Aventi Distribution (DVD, 2007) / Opening (DVD, 2009) / M6 Vidéo (DVD, 2015) / Carlotta (DVD et blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 5 mai 2021 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 312 099 entrées / 193 587 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Festival de Berlin 1966 : Ours d'or / Festival de Venise 1966 : Prix de la critique italienne
  • Illustrateur / Création graphique : Jan Lenica (affiche 1966) / Dark Star (affiche reprise 2017 et blu-ray)
  • Crédits : Compton Films, Tekli British Productions
Note des spectateurs :

Cul-de-sac est une œuvre audacieuse portée par un réel brio formel et des acteurs formidables. On reste davantage partagés sur l’intérêt de cette histoire un peu vaine qui peine à passionner de bout en bout.

Synopsis : Richard, gangster en cavale, et son acolyte Albert, qui est mourant, trouvent refuge dans un château irlandais. Richard ne tarde pas à semer le trouble au sein du couple étrange que forment la jeune et belle Teresa et George, un homme plus âgé qui vient de vendre son usine.

Un projet rapidement monté

Critique : Grâce au succès critique et public de Répulsion (1965) qui a fait grand bruit, Roman Polanski a les coudées franches auprès de la petite maison de production britannique Compton Films. Comme il l’explique très bien lui-même dans Polanski par Polanski (Chêne, 1986, p 71) :

Après le succès de Répulsion, les producteurs voulaient absolument faire tout de suite quelque chose d’autre avec moi… n’importe quel sujet, celui dont j’avais envie. C’est comme ça qu’ils ont accepté de produire Cul-de-sac dont personne (en France, en particulier) n’avait jamais voulu.

Cul-de-sac, jaquette du blu-ray

© 1966 Compton Films – Tekli British Productions / © 2021 Carlotta Films / Design : Dark Star. Tous droits réservés.

Il faut dire que le scénario écrit à quatre mains avec Gérard Brach est plutôt original, ne se conformant pas du tout aux canons traditionnels du thriller mettant en scène des gangsters. On se demande même comment Polanski est parvenu à convaincre des investisseurs puisque le script n’a absolument rien de commercial. Il s’agit effectivement d’une histoire d’attente qui ne débouche sur rien, se rapprochant ainsi du théâtre expérimental de Samuel Beckett.

Jeux pervers entre deux hommes et une femme

Alors qu’ils viennent d’effectuer un coup qui a mal tourné, deux gangsters blessés et en fuite se retrouvent coincés sur une île avec un couple dysfonctionnel. Dès lors, un jeu de pouvoir et de domination va s’initier entre trois des protagonistes. Polanski retrouve ainsi une thématique qui était déjà au cœur de son premier long-métrage Le couteau dans l’eau et qu’il va retrouver maintes fois au cours de sa carrière. Se dessine également dans Cul-de-sac (1966) un type d’humour typiquement polanskien, fait d’un décalage permanent entre le sujet très sérieux et le traitement parfois à la lisière de la bouffonnerie. Ainsi, le personnage incarné avec beaucoup de talent et d’abnégation par Donald Pleasence est-il sans cesse ridiculisé et rabaissé par les autres protagonistes.

Face à lui, Lionel Stander incarne une force masculine brute qui est à la fois menaçant et attirant pour la femme du pauvre Pleasence. Coincée entre ces deux mâles aux caractères totalement opposés, Françoise Dorléac est rapidement présentée comme une femme libre qui n’hésite pas à cocufier son mari quasiment sous ses yeux. Sous ses airs innocents, c’est bien ce personnage féminin qui tire les ficelles et qui amène les deux hommes à s’écharper. On reconnaît là la marque de fabrique de Roman Polanski qui a toujours donné des rôles complexes aux femmes, tout en leur octroyant une part de perversité non négligeable. C’est finalement ce jeu pervers entre ces trois personnages qui fait le sel de Cul-de-sac, un film qui a malheureusement tendance à filmer l’attente avec une insistance confinant parfois à l’ennui.

Un décor cinématographique magnifié par une esthétique irréprochable

Heureusement, pour passer le temps, le cinéphile peut toujours compter sur la maestria formelle d’un cinéaste qui a su exploiter au mieux le décor naturel d’une forteresse médiévale juchée sur l’île de Lindisfarne dans le comté de Northumberland en Angleterre. Le lieu est particulièrement cinématographique et offre des plans mémorables. Alors que le tournage fut mouvementé à cause de mauvaises conditions météorologiques, mais aussi à cause des caprices de Lionel Stander et de Donald Pleasence qui ne furent pas d’un grand soutien envers le réalisateur, Cul-de-sac semble pourtant particulièrement soigné sur le plan formel.

Chaque plan est travaillé à l’extrême. On ne peut ainsi qu’être admiratif devant le plan-séquence de plus de huit minutes qui se déroule sur la plage. A noter que la raison même du plan était de condenser quatre jours de tournage en une seule journée, afin de compenser les nombreux retards sur le planning de départ. Comme quoi les contraintes ont souvent du bon sur le plan artistique.

Des acteurs formidables pour une œuvre étrange et déstabilisante

Finalement, Roman Polanski est parvenu à tirer le meilleur de son casting puisque tous les acteurs s’avèrent excellents, dans des registres plutôt variés. On adore notamment la composition de Jack MacGowran, que Polanski a retrouvé peu de temps après pour Le bal des vampires (1967). Malgré un personnage assez désagréable, Françoise Dorléac est également très à l’aise, de même que Donald Pleasence ou encore Lionel Stander qui trouve là l’un de ses meilleurs rôles.

Peu commerciale et assez peu aimable, Cul-de-sac est donc une œuvre étrange, pas totalement aboutie, mais qui a le mérite de ne ressembler qu’à elle-même. Le public britannique fut quelque peu déconcerté par le produit fini, tandis que les Américains furent totalement hermétiques au film. Présenté au Festival de Berlin en 1966, Cul-de-sac a tout de même obtenu l’Ours d’or, tandis que le métrage a glané le Prix de la critique italienne au Festival de Venise.

Sorti à Paris dans cinq salles en décembre 1966, Cul-de-sac a attiré 16 392 Parisiens durant sa semaine d’investiture. Le métrage se maintient à un niveau correct la semaine suivante avec 14 705 cinéphiles supplémentaires. La chute est encore minime en troisième septaine avec 12 299 tickets vendus. En fin de parcours, Cul-de-sac réussira à réunir 193 587 curieux sur Paris. En France, le film atteindra finalement 312 099 entrées, ce qui n’est finalement pas si mal au vu du faible potentiel commercial d’une telle œuvre.

Le test blu-ray :

Carlotta nous offre une version restaurée de toute beauté qui valorise les qualités esthétiques d’une œuvre difficile d’accès.

Compléments : 3,5 / 5

Le blu-ray dispose, comme les autres films de la collection Polanski d’un intéressant making of de 24 minutes où s’expriment le cinéaste polonais, ses producteurs de l’époque, son directeur de la photographie et d’autres membres de l’équipe. Tous soulignent le comportement désagréable des deux acteurs principaux, notamment vis-à-vis de la pauvre Françoise Dorléac. Ils soulignent aussi la mauvaise ambiance sur le tournage, liée notamment à l’excès de perfectionnisme du cinéaste qui a multiplié les prises alors que le budget était serré. Polanski semble avoir échoué à communiquer son désir de cinéma à son équipe, contrairement à ses deux films précédents.

Ensuite, les cinéphiles pourront regarder trois courts-métrages de Polanski : Quand les anges tombent (1959, 22min), Le gros et le maigre (1961, 15min) et Les mammifères (1962, 11min) qui permettent de mieux s’imprégner de l’œuvre du maître polonais. Reste à visionner la bande annonce du film.

L’image : 4,5 / 5

La restauration s’avère une fois de plus assez impressionnante, donnant à voir Cul-de-sac comme jamais auparavant. Les contrastes sont maîtrisés, le noir et blanc est magnifique et la définition est à couper au rasoir. On peut certes encore déplorer quelques rares scories (une ou deux rayures, on chipote), mais l’ensemble demeure d’une tenue impeccable pour un film aussi ancien.

Le son : 4 / 5

Deux pistes audio sont disponibles (VOstf, VF), toutes deux en DTS-HD Master Audio 1.0. Le résultat est clair et d’une belle propreté. On ne déplore aucun souffle, autre que celui du vent qui siffle sur l’île déserte. Les voix sont parfaitement mixées et la musique ne grésille jamais. Du très bon boulot, dans la limite du mono d’époque.

Critique et test blu-ray de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 30 novembre 1966

Acheter le blu-ray sur le site de l’éditeur

Cul-de-sac, l'affiche 1966

© 1966 Compton Films – Tekli British Productions / Affiche : Jan Lenica. Tous droits réservés.

Trailers & Vidéos

trailers
x
Cul-de-sac, affiche de la reprise 2017

Bande-annonce de Cul-de-sac (VO)

Thriller, Comédie dramatique

x