Cronos, premier film de Guillermo Del Toro, annonce à la fois les principales qualités et les habituels défauts d’un cinéaste adulé.
Synopsis : A l’époque actuelle à Mexico, Jesús Gris, un vieil antiquaire, découvre l’horloge de Cronos dissimulée dans une statue. L’objet lui injecte un puissant venin qui lui redonne force et jeunesse, mais le rend dépendant au sang humain. Devenu vampire, Jesús ne peut compter que sur l’aide de sa petite-fille. Le duo doit lutter contre un richissime homme d’affaires rongé par la maladie, prêt à tout pour posséder le mystérieux appareil.
Edition DVD de Cronos reprenant le visuel de la VHS française originale © PFG Entertainment, Metropolitan FilmExport. All Rights Reserved
Critique : Si aujourd’hui le seul nom de Guillermo del Toro permet au moindre projet de se monter grâce à l’aura qu’il a acquis auprès de la communauté geek et de la critique internationale, il a débuté par un film fantastique de série B réalisé pour un budget de 2 millions de dollars dans son Mexique natal. Si Cronos n’a pas eu l’honneur de sortir en salles en France avant 2025, se contentant chez nous d’une exploitation en VHS, il a tout de même parcouru les festivals du monde entier en glanant un nombre impressionnant de récompenses (une vingtaine de prix cumulés). L’excellente réputation de ce tout premier essai lui a ainsi ouvert les portes d’Hollywood avec son premier vrai succès intitulé Mimic (1997). Lorsqu’il tourne Cronos, Guillermo del Toro est donc un jeune amateur éclairé de cinéma horrifique et fantastique, genre auquel il tient ici à rendre hommage. En tentant de dépoussiérer le mythe du vampire, il cherche toutefois à montrer son amour du genre en citant de manière consciente ses illustres prédécesseurs. Ainsi, le scarabée métallique nous renvoie directement à la boîte magique d’Hellraiser, la boutique de l’antiquaire au cinéma de Lucio Fulci et la grande usine aux décors du déjà avant-gardiste Les Prédateurs de Tony Scott. Enfin que dire de la séquence où le personnage principal pénètre son abdomen avec sa main, citation maladroite au Videodrome de David Cronenberg ? Cette multiplication de citations trop explicites finit par lasser le spectateur féru de fantastique, d’autant que cela ne sert aucunement le propos du réalisateur.
Federico Luppi dans Cronos © 1992 Produccciones Iguana, Ventana Films. All Rights Reserved
Malgré cette profusion de références, Cronos (1993), premier film foncièrement inégal, annonce bon nombre de thématiques qui deviendront par la suite des marques de fabrique du cinéaste. Ainsi, le vecteur entre deux mondes (celui des hommes et celui des vampires) est un drôle d’insecte métallique, comme le seront systématiquement ces animaux dans ses œuvres suivantes (on pense bien sûr à Mimic et surtout au Labyrinthe de Pan). On trouve également une propension à confronter le monde de l’enfance à l’horreur du monde adulte, ainsi qu’une tendance à terminer son histoire de manière mélodramatique (la fin de Cronos évoque celle du Labyrinthe). Si l’on exclut quelques séquences humoristiques (un péché mignon de del Toro, particulièrement préjudiciable dans ses Hellboy), Cronos propose une vision profondément originale du phénomène vampirique en le comparant à une addiction, comme le fera quelques temps après Abel Ferrara dans l’excellent The Addiction). Porté par l’interprétation inspirée de Federico Luppi, Cronos, malgré ses passages à vide et son aspect fourre-tout, s’impose comme une première œuvre enthousiasmante. Elle annonce à la fois les qualités visuelles de son réalisateur, de même que ses faiblesses les plus fréquentes (humour déplacé et kitsch parfois involontaire).
Critique de Virgile Dumez
Suite à une restauration en 4K, exploitée notamment en UHD par Criterion aux USA et par BFI au Royaume-Uni, Cronos est enfin proposé en salle pour la première fois en France en février 2025, soit 32 ans après la parution de la VHS sur notre territoire. Le film n’avait alors pu trouver aucun distributeur pour le grand écran en raison d’une désaffection du genre horrifique réduit quasiment au seul marché de la VHS.
Les sorties de la semaine du 26 février 2025
Affiche de Cronos de Guillermo del Toro (sortie salle 2025) – Design graphique Clément Deniux Photo © Tequila Gang / © 1993 Produccciones Iguana, Ventana Films. All Rights Reserved.
Biographies +
Guillermo del Toro, Ron Perlman, Daniel Giménez Cacho, Farnesio de Bernal, Federico Luppi