The Addiction : la critique du film (1996)

Drame, Épouvante-horreur, Fantastique | 1h22min
Note de la rédaction :
8/10
8
The Addiction, jaquette 2D Carlotta

  • Réalisateur : Abel Ferrara
  • Acteurs : Christopher Walken, Lili Taylor, Annabella Sciorra, Edie Falco
  • Date de sortie: 10 Avr 1996
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Addiction
  • Titres alternatifs : L'addiction (Québec) / Os Viciosos (Portugal) / Uzależnienie (Pologne) / Adicción (Mexique) / The Addiction - Vampiri a New York (Italie) / Menekülés a pokolból (Hongrie) / O Vício (Brésil)
  • Année de production : 1995
  • Scénariste(s) : Nicholas St. John
  • Directeur de la photographie : Ken Kelsch
  • Compositeur : Joe Delia
  • Société(s) de production : Fast Films
  • Distributeur (1ère sortie) : Action Gitanes
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Carlotta Films (DVD et blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 24 mars 2021
  • Box-office France / Paris-périphérie : 25 911 entrées / 11 622 entrées
  • Box-office nord-américain : 307 308 $ (579 740 $ au cours ajusté de 2022)
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
  • Formats : 1.85 : 1 / Noir et Blanc / Son : Dolby SR
  • Festivals et récompenses : Mystfest 1995 : Prix de la critique / Semaine internationale du cinéma fantastique de Málaga 1997 : Meilleur film, meilleure actrice pour Lili Taylor et mention spéciale pour Christopher Walken / Sant Jordi Awards 1998 : Meilleure actrice étrangère pour Lili Taylor / Festival de Berlin 1995 : en compétition / Film Independent's Spirit Awards 1996 : deux nominations pour meilleur film et meilleure actrice
  • Illustrateur / Création graphique : Dark Star, l'étoile graphique (jaquette blu-ray)
  • Crédits : October Films, Arrow Films
Note des spectateurs :

The Addiction compare le vampirisme à l’emprise de la drogue au sein d’une œuvre magnifiée par un sublime noir et blanc et une atmosphère très sombre qui ne peut laisser indifférent. Du pur cinéma indépendant, comme on les aime.

Synopsis : Brillante étudiante en philosophie à l’Université de New York, Kathleen prépare activement sa thèse de doctorat. Un soir, elle croise sur son chemin une étrange et séduisante femme qui la conduit de force dans une impasse avant de la mordre au cou. Bientôt, Kathleen va développer un appétit féroce pour le sang humain qu’elle assouvira en attaquant ses proches ou des inconnus…

Une œuvre personnelle tournée en toute indépendance

Critique : Venu du cinéma underground new-yorkais, le réalisateur Abel Ferrara a tenté une incursion dans le système mainstream de production au début des années 90 sans grand succès (avec notamment son Body Snatchers en 1993). Après avoir tourné le décevant Snake Eyes (1993) avec Harvey Keitel et Madonna, Abel Ferrara souhaite revenir à un cinéma plus underground. Il s’entiche d’un nouveau script de son fidèle ami et collaborateur Nicholas St. John qui fait un parallèle entre vampirisme et addiction envers la drogue.

Désireux de maîtriser totalement ce nouveau projet, Abel Ferrara fait appel à son équipe régulière en précisant que personne ne serait payé sur ce film, sauf si quelques rentrées d’argent finissaient par arriver après la sortie du long-métrage. Abel Ferrara a donc fait confiance à des fidèles qui ont surtout travaillé pour la beauté de l’art et parce qu’ils étaient convaincus par la vision de l’artiste.

Un tournage guérilla pour une déclaration de foi

Tourné à New York en mode guérilla – aucune autorisation de tournage et caméra posée dans la rue à l’insu des figurants involontaires – The Addiction a été mis en boite en seulement 20 jours. Les intérieurs sont souvent tournés chez des amis de Ferrara comme chez le peintre et futur cinéaste Julian Schnabel. Si le thème du vampirisme a souvent été l’occasion de développer une métaphore – on songe notamment ici beaucoup au Martin (1976) de George A. Romero – il a rarement fait l’objet d’un traitement aussi viscéral et radical, tout en étant fortement intellectualisé.

Effectivement, le script de Nicholas St. John suit volontairement les pas d’une thésarde en philosophie, ce qui lui permet de développer sa démonstration métaphysique. Il part notamment de tous les philosophes nihilistes comme Nietzsche, Kierkegaard ou encore Wittgenstein pour insister sur la notion du Mal qui serait intrinsèque à l’être humain. Pour appuyer cette théorie, Abel Ferrara insère des plans dérangeants sur différents massacres et génocides perpétués par l’espèce humaine. Pourtant, le but du scénariste est bien d’amener le personnage central à se convertir au catholicisme et à rejeter sa nature profonde pour devenir pur.

Lily Taylor dans The Addiction

Lili Taylor dans The Addiction © 1995 October Films

Ferrara ausculte les tréfonds de l’âme humaine

En cela, The Addiction est assurément le film le plus clairement religieux de Nicholas St. John, et par ricochet d’Abel Ferrara. Toutefois, pour arriver à cette conclusion lumineuse, Abel Ferrara passe par les tréfonds de l’âme. Contrairement à son scénariste qui cherche la lumière, le réalisateur est totalement fasciné par la noirceur. C’est sans aucun doute ce qui finira par séparer irrémédiablement les deux amis et collaborateurs.

Effectivement, là où l’on sent un jugement de valeur du scénariste sur les marginaux, Ferrara prend plutôt fait et cause pour leur fragilité. Lui-même gagné par une addiction de plus en plus marquée envers les drogues dures (qu’il va continuer à s’administrer de manière régulière jusqu’au début des années 2010), le cinéaste ne peut totalement condamner les vampires qui détruisent les autres pour pouvoir survivre en ayant leur dose de sang quotidienne.

Lili Taylor se consume devant la caméra

Tiraillé entre un désir profond de transcendance et un goût immodéré pour la réalité terne de l’existence quotidienne, Abel Ferrara signe avec The Addiction un film purement et simplement conflictuel. Que l’on soit travaillé par ces questionnements métaphysiques ou non, The Addiction apparaît donc comme une œuvre malaisante, contradictoire et marquée par une fêlure béante qui ne peut laisser indifférent.

Pour cela, Ferrara s’est appuyé sur un magnifique noir et blanc sublimé par les éclairages expressionnistes de Ken Kelsch, faisant de chaque plan un tableau. Il peut également compter sur la musique planante et angoissante de son fidèle complice Joe Delia pour créer une atmosphère sombre et anxiogène. Enfin, il faut signaler l’implication de l’actrice Lili Taylor (alors elle-même en pleine lutte contre son addiction à l’alcool) qui donne tout à la caméra de Ferrara. L’actrice était alors une égérie du cinéma indépendant américain et elle prouvait une fois de plus sa capacité à se laisser dévorer par un rôle extrême.

The Addiction, l’un des meilleurs Ferrara

Ferrara peut également compter sur son ami Christopher Walken qui intervient une petite dizaine de minutes dans un rôle marquant de vieux vampire donneur de leçons. Enfin, les seconds rôles sont toujours convaincants. The Addiction, déjà passablement sombre, se termine par une scène d’orgie vampirique qui s’enfonce encore plus profondément dans le glauque. Autant dire que la rédemption finale pèse assez peu face à cette séquence démoniaque.

The Addiction est donc une très belle réussite et sans aucun doute l’un des meilleurs films d’un cinéaste capable du meilleur comme du pire. Il anticipe ainsi des œuvres aussi importantes que Only Lovers Left Alive (Jarmusch, 2013) dans un style toutefois bien différent.

Un bijou rare à redécouvrir dans une superbe copie 4K

Tourné avec peu de moyens, The Addiction est sorti en toute discrétion aux États-Unis, ce qui ne l’a pas empêché de générer un peu d’argent car son budget était vraiment très faible. Après sa présentation au Festival de Berlin en 1995, le métrage est sorti en France dans quelques salles au mois d’avril 1996. Peu de gens ont donc vu ce trip arty avec 25 911 suceurs de sang dans les salles françaises, dont 11 622 à Paris.

Un score qui ramène Abel Ferrara à ses performances du début des années 80, après une courte embellie au début de la décennie suivante. Le réalisateur profitera d’un dernier sursaut avec son film suivant, le crépusculaire Nos funérailles (1996), avant de retourner définitivement à l’anonymat auquel son cinéma extrême le condamne. Il a d’ailleurs fallu attendre l’année 2021 pour que le valeureux éditeur Carlotta diffuse The Addiction en DVD et blu-ray, sublimé par une magnifique copie restaurée en 4K.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 10 avril 1996

Acheter le film en blu-ray

The Addiction, l'affiche française

© 1995 October Films. Tous droits réservés.

Biographies +

Abel Ferrara, Christopher Walken, Lili Taylor, Annabella Sciorra, Edie Falco

Box-Office :

Cinéma de l’underground proposé par le distributeur Action en France, pour un circuit forcément réduit d’écrans, The Addiction est un film minuscule à l’échelle de l’exploitation qui n’a laissé aucune trace au box-office. Il serait sorti exclusivement sur la capitale en 1996, selon les chiffres du Film Français et ses rapports hebdomadaires, mais de nombreux sites, dont CBO Box-office, indique des résultats hors Paris à 14 289 entrées. A vrai dire, nous n’avons pas d’éléments pour justifier un total de 25 911 entrées France.

La production sous addiction est distribué le 10 avril 1996 au milieu d’un catalogue de sorties diverses : un thriller nul de Steven Soderbergh à l’échec mérité (A fleur de peau), la comédie adolescente d’Amy Heckerling Clueless qui ne connaîtra pas le même succès qu’aux USA, Les nouvelles aventures de Wallace & Gromit promises aux vacances scolaires, Désiré, l’adaptation de Sacha Guitry par Bernard Murat avec Jean-Paul Belmondo qui compte parmi les scores les plus faibles du comédien (euphémisme), la romance de Chantal Ackerman avec Juliette Binoche et un William Hurt en perte de vitesse, Un divan à New York

Pour les exploitants, il ne faudra pas compter sur les nouveautés de la semaine pour remplir les salles. La plus grosse sortie est en effet la parodie d’un Mel Brooks démodé, Dracula, mort et heureux de l’être, qui allait rentrer seulement en sixième place de la semaine, derrière les continuations Pédale Douce, Toy Story, Beaumarchais, Copycat et Les Caprices d’un fleuve.

Avec 776 entrées dans ses trois cinémas, le premier jour de The Addiction le classe en 7e place des nouveautés, juste derrière le Soderbergh, A fleur de peau (1 175 entrées, 8 cinémas).

Diffusé à l’Action Christine, à l’Elysées Lincoln et surtout au Max Linder Panorama où il attirera 2 351 habitués, le film – qui n’est alors pas exploité en province – trouve un écho plutôt positif auprès de 4 442 curieux. C’est le meilleur score hebdo pour une œuvre classée art et essai, devant deux classiques, Le journal du séducteur (alors en 7e semaine) et Denise aux téléphone (12e semaine de succès) qui restent parmi les belles surprises de l’année 1996.

En 2e semaine, The Addiction perd 45% de sa fréquentation et se retrouve exclu des Champs Elysées. Le Lincoln l’a répudié ; les Parnassiens récupère la copie, pour un total de 2 515 spectateurs dans 3 cinémas. On imagine le distributeur faisant lui-même office de livreur pour déplacer la (lourde) copie en question. On parle à l’époque de pellicule.

Très vite le panel d’écrans est réduit au seul Action Christine au Quartier Latin où l’on a forcément encore un minimum de curiosité pour Abel Ferrara, dont le Snake Eyes avec Madonna avait déjà déçu en 1993.

The Addiction achève sa carrière parisienne à 10 426 spectateurs en 9 semaines, avec l’Action Christine, salle appartenant à son distributeur essayant de faire de la résistance jusqu’au bout. Quelques séances ici-et-là permettront au film de grimper à 11 558 spectateurs en fin de carrière parisienne.

La province n’aura pas la chance de profiter du film dans ses salles en 1996.

Le distributeur Les Films Number One tirera un bien plus gros succès avec Nos funérailles, en novembre de cette même année, puisque celui-ci décrochera plus de 200 000 entrées sur la France.

Box-office de Frédéric Mignard 

The Addiction, jaquette blu-ray

© 1995 October Films / © 2021 Carlotta. Conception graphique : Dark Star, l’étoile graphique. Tous droits réservés.

Trailers & Vidéos

trailers
x
The Addiction, jaquette 2D Carlotta

Bande-annonce de The Addiction

Drame, Épouvante-horreur, Fantastique

x