Très classique dans son déroulement, Chassés-croisés sur une lame de rasoir suit pas à pas les passages obligés du giallo sans faire preuve d’originalité. Regardable, mais sans grand intérêt.
Synopsis : Kitty, une jeune photographe se promène dans un parc, tout en observant au télescope la ville de Rome. Brusquement, elle va être le témoin involontaire d’un horrible meurtre commis sous ses yeux à travers l’objectif. A cause d’une impuissance des forces de l’ordre, elle décide avec l’aide de son ami Alberto d’enquêter pour son propre compte.
Après le western spaghetti, Maurizio Pradeaux se lance dans le giallo
Critique : Au début des années 70, les producteurs italiens se lancent tous dans la confection de gialli (des polars avec un serial-killer tuant des femmes à l’arme blanche), notamment depuis le succès des thrillers de Dario Argento. Dès lors, tous les cinéastes de genre se retrouvent aux commandes d’ersatz plus ou moins bien inspirés. Remarqué pour un western plutôt correct (Ramon le mexicain en 1966) et un film de guerre passable (Les léopards de Churchill en 1970), le réalisateur Maurizio Pradeaux signe avec Chassés-croisés sur une lame de rasoir son premier essai dans le genre du thriller, expérience qu’il renouvela en 1977 avec Passi di morte perduti nel buio. Si le résultat de cette première incursion n’est pas catastrophique, il ne se détache pas non plus du tout-venant de la production d’alors.
Tout d’abord, il faut bien avouer que le script déroule son intrigue de manière très scolaire, faisant porter les soupçons tout à tour sur chaque protagoniste, avant de se terminer par un twist peu remarquable et finalement bien banal. Autant dire que la révélation du coupable ne satisfait guère tant elle s’avère classique, notamment en ce qui concerne les motivations du maniaque. En attendant, le spectateur assiste à un certain nombre de meurtres dont la seule originalité vient du fait que l’assassin s’aide d’une canne pour agripper ses proies. La totalité des victimes succombe de manière classique à des coups de rasoir, même si le réalisateur s’acquitte de sa fonction avec un certain savoir-faire. Toutefois, entre chaque assassinat, les personnages n’ont que fort peu de relief et l’on s’ennuie parfois poliment durant la projection.
Chassés-croisés sur une lame de rasoir, affiches française, italienne et espagnole. Copyrights Mario Piovano (affiche italienne originale). All Rights Reserved.
Du pur cinéma d’exploitation qui aime le nu et les gorges tranchées
Globalement passable, l’interprétation n’est toutefois pas le point fort d’un métrage qui pâtit du manque de charisme général de ses acteurs. Certes, Robert Hoffmann a un physique avantageux, mais il ne possède pas l’étoffe suffisante pour instaurer le trouble quant à son éventuelle culpabilité. La belle Nieves Navarro (sous son pseudo de Susan Scott) s’en tire un peu mieux que son partenaire masculin, sans faire d’éclat non plus. Mais ce qui précipite le film de Maurizio Pradeaux dans l’escarcelle du pur cinéma d’exploitation vient de cette insistance à filmer des jeunes femmes nues, souvent lascives, voire même en action avec un ou une partenaire. Ces quelques scènes disséminées un peu partout viennent non seulement briser le rythme d’ensemble, mais donnent surtout l’impression d’avoir été ajoutées à posteriori par un producteur désireux d’attirer le chaland avec des séquences olé-olé. Bien évidemment, l’amateur de bis rital ne sera nullement choqué par le procédé, mais dans le cas présent, cela ruine quelque peu l’unité stylistique du métrage.
Chassés-croisés sur une lame de rasoir disponible en blu-ray chez Le Chat qui fume en 2025
Si l’on en croit le site Encyclociné, Chassés-croisés sur une lame de rasoir aurait fait une brève incursion dans les salles du sud de la France durant l’été 1974, restant inédit dans la capitale. Par la suite, la VHS a permis à quelques amoureux du genre de découvrir ce giallo de seconde zone qui n’a que fort peu de mérite, mais que les fans du genre seront heureux de redécouvrir. C’est toutefois en blu-ray, chez Le Chat qui Fume que l’œuvre trouve sa sortie la plus intéressante en 2025, avec en bonus une interview de 22 minutes de son monteur. Le Félin malin reprend ainsi le master de Vinegar Syndrome, tout à fait appréciable, avec une piste française d’époque incluse en plus.
S’il n’est pas le meilleur rejeton de ce sous-genre, Chassés-croisés sur une lame de rasoir n’est pas non plus le plus désolant.
Critique de Virgile Dumez
Chassés-croisés sur une lame de rasoir, visuel Le Chat qui fume (2025), d’après une affiche de Mario Piovano. Copyright : Le Chat qui fume, Minerva. Graphisme : Frhead.fr
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Maurizio Pradeaux, Nieves Navarro, Sal Borgese, Simón Andreu, Luciano Rossi, Robert Hoffmann