Déséquilibré par un montage mal fagoté et un manque de point de vue, Cent jours à Palerme bénéficie d’une prestation très honorable de Lino Ventura et d’une dimension documentaire et historique appréciable.
Synopsis : Au printemps 1982, le général Dalla Chiesa affiche de brillants états de service après avoir réussi à vaincre les Brigades rouges. Alors qu’il pourrait partir à la retraite, satisfait du devoir accompli, et mener une vie paisible aux côtés de sa compagne Emanuela, il accède à un dernier poste. Il accepte la charge de préfet à Palerme, une ville contrôlée par la Mafia sicilienne. Peu de temps après son arrivée, le député communiste Pio La Torre est éliminé par Cosa Nostra. Révolté par ce crime et la corruption ambiante, Dalla Chiesa sera désormais la bête noire des parrains du crime.
Un film-dossier qui suit les traces de Francesco Rosi
Critique : Au cours des années 70, le cinéma italien ne cesse d’évoquer le problème de la mafia, que ce soit à travers des œuvres de pure exploitation qui cherchaient à surfer sur le succès du Parrain (Coppola, 1971) ou bien sous forme de films plus politisés et théoriques. Au cœur de cette seconde catégorie, nous pouvons bien sûr signaler l’importance de l’œuvre de Francesco Rosi qui a créé le sous-genre du film-dossier avec des films comme Main basse sur la ville (1963), L’affaire Mattei (1971), Lucky Luciano (1973) ou encore Cadavres exquis (1975) déjà interprété par Lino Ventura.
Il était important d’opérer ce détour pour évoquer Cent jours à Palerme (1984), tant le réalisateur Giuseppe Ferrara semble avoir voulu retrouver la saveur et la puissance du cinéma de Francesco Rosi. Si le réalisateur est loin d’être un novice puisqu’il a débuté dans les années 60, c’est à partir des années 80 qu’il va développer une thématique quasiment unique, à savoir l’auscultation de l’histoire récente de l’Italie à travers des biopics de personnages éminents.
Un biopic trop superficiel d’une figure majeure
Ici, il débute ce corpus par les cent derniers jours de la vie du général Carlo Alberto dalla Chiesa qui venait tout juste de se faire assassiner par la mafia sicilienne. Pour mémoire, le général des carabiniers était une figure d’autorité importante en Italie, lui qui avait été un résistant au fascisme, puis l’un des vainqueurs des Brigades rouges lors des années de plomb. Nommé à Palerme à la fin de sa carrière, l’homme avait pour mission de faire une opération main propre en Sicile à l’encontre de la Cosa Nostra. Connu pour son intransigeance et son efficacité, le général a dérangé trop de gens importants et a été assassiné. Ce sont ses derniers instants que Ferrara et ses scénaristes ont décidé de décrire dans un film qui se veut d’une parfaite neutralité.
Si le résultat final est assez efficace, l’ensemble n’en demeure pas moins légèrement décevant à cause d’une certaine superficialité dans le traitement du sujet. Sans doute pour ne blesser personne, le réalisateur ne prend pas vraiment de risques dans sa description de la mafia. On perçoit bien une structure tentaculaire qui a fait main basse sur la ville, mais on ne comprend pas nécessairement ses rouages au vu du film. Le cinéaste a préféré se concentrer sur l’action du général, incarné avec beaucoup d’autorité et de charisme par un Lino Ventura très à l’aise. Mais là encore, on sent des errances au niveau du script et du montage qui nous interdisent de comprendre l’ensemble des mécanismes à l’œuvre.
Entre spectacle et dénonciation politique, il fallait choisir !
Visiblement partagé entre sa volonté pédagogique et son sens du spectacle, Ferrara n’arrive pas vraiment à définir son point de vue. Il souhaite clairement dénoncer l’inertie du gouvernement italien de l’époque, mais sans avancer d’arguments frappants. Ainsi, il passe pas mal de temps à filmer des scènes d’exécutions et de massacres comme pour faire passer les séquences qui comportent de vrais tunnels dialogués. Il parvient tout de même à retranscrire la violence et la lâcheté des membres de la mafia lors des scènes d’exécutions où l’on ressent l’absence de prise de risque d’exécutants qui agissent en meute. On est donc loin ici d’une quelconque vision glamour du crime organisé.
Il est important de savoir à ce stade que la coproduction entre la France et l’Italie a impliqué la création de deux montages différents, cette critique se basant donc sur le montage français. Apparemment, aucun des deux n’est pleinement satisfaisant et l’on sent à plusieurs reprises des flottements dans la narration.
Cent jours à Palerme – © 1984 TF1 International – Transcontinentale Productions – Pacifique Productions – Compania Lavoratori del Cinema e del Teatro (C.L.C.T.) – TV Cine 2000 / Affiche : A.R.P./ L.P.C. (agence). Tous droits réservés.
Cent jours à Palerme, un échec critique et public
Tourné par un réalisateur assez peu aguerri dans le genre, Cent jours à Palerme souffre également de la mésentente assez forte entre Giuseppe Ferrara et sa vedette Lino Ventura qui n’a guère apprécié le tournage. Il faut dire que passer d’un maître comme Francesco Rosi à un habile faiseur comme Ferrara a sans doute paru difficile pour Ventura, par ailleurs connu pour sa franchise et ses humeurs changeantes. En tant que grand professionnel, Lino Ventura ne supportait pas l’improvisation et l’incompétence, ce qu’il reprocha à son réalisateur. De fait, Cent jours à Palerme souffre bel et bien d’une réalisation un peu trop télévisuelle et parfois confuse. Toutefois, Ferrara s’en sort de justesse grâce au charisme de son acteur principal et à la puissance de son histoire vraie.
Précédé de critiques assez tièdes, Cent jours à Palerme sort sur les écrans français au mois d’avril 1984 et devient assez rapidement un échec commercial pour Lino Ventura avec 500 403 entrées glanées sur son seul nom. L’acteur étant encore habitué à régulièrement dépasser les deux millions d’entrées, la déception fut grande. Malgré une publicité conséquente et un nombre de salles important pour accueillir le long-métrage, Cent jours à Palerme ne parvient même pas à s’imposer à Paris lors de sa première semaine d’exclusivité, se faisant doubler par Viva la vie de Lelouch, pourtant sorti la semaine précédente. Si le film s’est globalement maintenu durant sa seconde semaine, la chute fut bien plus rude par la suite. Le grand public français n’a donc guère été convaincu par ce sujet, sans doute trop italien pour l’intéresser.
Critique de Virgile Dumez