Backtrack : la critique du film et le test Blu-ray (1990)

Policier | 1h40min
Note de la rédaction :
4/10
4
Backtrack en VHS chez Delta Vidéo, jaquette (1992)

  • Réalisateur : Dennis Hopper
  • Acteurs : John Turturro, Jodie Foster, Catherine Keener, Dennis Hopper, Vincent Price, Joe Pesci, Dean Stockwell, Charlie Sheen, Fred Ward, Tony Sirico
  • Date de sortie: 03 Avr 1990
  • Année de production : 1990
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Catchfire
  • Titres alternatifs : Backtrack, Backtrack a.k.a Catchfire (Vidéo France 2021), Une trop belle cible (télévision française, Québec), Ore Contate (Italie), Lejemorderen (Danemark), Atraída Pelo Perigo (Brésil), Testigo en la mira (Mexique), Camino de retorno (Espagne, Argentine), Csapdában (Hongrie)...
  • Scénaristes : Ann Louise Bardach, Rachel Kronstadt Mann / Alex Cox (non-crédité), Tod Davies (non-crédité)
  • D'après une histoire de : Rachel Kronstadt Mann
  • Directeur de la photographie : Edward Lachman
  • Monteur : David Rawlins
  • Compositeur : Curt Sobel
  • Producteurs : Dick Clark, Dan Paulson
  • Sociétés de production : Vestron, Precision Films, Mack-Taylor Productions, Dick Clark Productions
  • Distributeur : Inédit au cinéma en France / Vestron Pictures (USA)
  • Date de sortie : Attention, la date du 3 avril 1990 correspond à la date américaine
  • Editeur vidéo : Vestron/Delta Vidéo (VHS), Metropolitan FilmExport (2014), Carlotta (2021)
  • Date de sortie vidéo : Février 1992, 10 février 2014 (DVD), 7 juillet 2021 (DVD, Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : : -
  • Box-office nord américain / monde : : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : -
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleur / Dolby Digital
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : © L'étoile graphique (blu-ray, 2021) Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 2020 Lions Gate Entertainment Inc. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Backtrack appartient à la filmo interdite de Dennis Hopper et Jodie Foster. Un accident industriel marqué par la mésentente entre les deux stars.

Synopsis : Anne Benton, une jeune artiste de Los Angeles, est témoin d’un meurtre orchestré par la mafia. Elle tente de trouver protection auprès de la police, mais les hommes de main du parrain ont déjà retrouvé sa trace. Anne parvient malgré tout à s’enfuir sous une nouvelle identité. Un tueur à gages nommé Milo est alors engagé pour débusquer et éliminer la jeune femme. Contre toute attente, cet homme sans pitié va tomber amoureux de sa cible…

Vestron au bord de la faillite

Critique : Fort du succès de Dirty Dancing en 1987, Princess Bride et enfin Young Guns, Vestron Pictures a connu moins de cinq années flamboyantes dans la distribution et la production de films. La société, connue initialement pour son travail important dans l’édition de VHS, a vu trop grand et s’est pris les pieds dans la série B, tout en cherchant à se diversifier avec des auteurs comme dans le cas présent Dennis Hopper.

En 1989, quand Vestron signe Hopper, la star d’Easy Rider revenait du succès commercial de Colors (103M$, en ajustant la devise), dans lequel elle associait deux générations de policiers – l’une incarnée par Sean Penn, l’autre représentée par Robert Duvall -, dans le climat de guerre des gangs à Los Angeles. Le polar urbain relance la carrière de l’artiste que l’on voyait alors essentiellement comme comédien dans le tout-venant d’une décennie de divertissements sombres (des Aventuriers de la quatrième dimension de Disney à Blue Velvet de Lynch, en passant par Massacre à la tronçonneuse 2.

Jodie Foster piégée par la réhabilitation de Dennis Hopper

L’omniprésente figure de la contre-culture des années 70 s’attelle ainsi à un polar étrange qui prend à contrepied ses œuvres précédentes, avec la jeune actrice Jodie Foster qui sort glorieuse de son premier Oscar en tant qu’actrice pour le plaidoyer contre le viol, Les accusés de Jonathan Kaplan. L’actrice, métamorphosée, peut considérer Catchfire (titre salle du film aux USA) comme une œuvre de transition, puisque juste après celle-ci, elle enchaîne avec Le silence des Agneaux qui lui vaut à nouveau un Oscar. Le classique de Jonathan Demme lui permet d’acquérir un tel pouvoir qu’on lui accorde sa première réalisation, Le petit homme (1991), à une époque où les femmes réalisatrices ne sont pas légion, en particulier du côté des actrices !

Jodie Foster dans Backtrack

© 1990 Vestron, Precision Films, Mack-Taylor Productions, Dick Clark Productions – © 2020 Lions Gate Entertainment Inc. Tous droits réservés

Il est certain que la parenthèse Backtrack est pour elle douloureuse. Cette joyeuse pagaille va à l’encontre des exigences de rigueur de l’auteure qui s’est laissée berner par le nom prestigieux d’Hopper fraîchement réhabilité. Aussi, le tournage de Catchfire sera très difficile, notamment en raison du manque de confiance qu’elle éprouve envers l’ex-gloire des sixties. Le courant générationnel ne passe pas et elle comprend qu’elle s’est engagée dans une mésaventure qui va se transformer en véritable accident industriel, avec une partie des techniciens qui désavouera le film, un scénario notamment réécrit par le réalisateur Alex Cox (non crédité) et un réalisateur qui signera le film du nom générique d’Alan Smithee, pseudonyme des cinéastes qui refusent la filiation avec une œuvre.

Clashes historiques au montage

Quand Vestron découvre le montage de trois heures que lui propose le cinéaste, la société au bord de la faillite ne peut se résigner à laisser passer une œuvre aussi longue ; le clash artistique entre dans les annales de Hollywood. Aussi, le distributeur aux abois se résout à bidouiller un montage calamiteux, d’une durée d’1h40 pour les salles américaines, où il sort en avril 1990. Le flop est total. Catchfire devient Backtrack dans une version director’s cut destinée au marché de la télévision. Oubliez toutefois les trois heures initiales, le film ne gagne que 18 minutes pour le câble.

L’échec américain a de grosses répercussions sur la France où le marché est alors peu solide pour un tel produit. Delta Vidéo – qui se transformera en Seven Sept à l’ère du DVD -, le propose directement en vidéo en janvier-février 1992, pour coïncider avec le lancement du Petit homme, première réalisation de Jodie Foster à la sensibilité aux antipodes de Backtrack. Vestron, qui n’a jamais été un très gros éditeur vidéo en France, a de toute façon fait faillite en 1991 et ne peut répondre aux injonctions judiciaires du cinéaste.

Backtrack, direct-to-vidéo en France, puis téléfilm Hollywood Night sur TF1

Dans l’Hexagone,  le DTV n’est pas un succès en VHS, avec beaucoup de vidéo-clubs qui se contentent d’un exemplaire du film quand, parallèlement, ils achètent un mur de certains titres qui vont être loués par toute la ville. Le film a la poisse et verra même son statut dégradé en 1997.  Sur TF1, le film trouvera une audience surprenante, puisque le samedi 22 mars 1997, Backtrack (titre original français en VHS) devient soudainement Une trop belle cible en seconde partie de soirée, dans le cadre de ses soirées érotico-nanardesques Hollywood Night. La honte. Une rediffusion aura lieu en 1999.

Pour appâter le chaland, outre Hopper et Foster, Delta Vidéo et TF1 ont pu compter sur Dean Stockwell, Vincent Price, Fred Ward, John Turturro et Joe Pesci (un autre qui demandera à ne pas être crédité au générique). On a aussi des apparitions de Julie Adams, Catherine Keener dans l’un de ses premiers rôles au cinéma, deux minutes avec Charlie Sheen (mentionné en gros sur la jaquette VHS) et un caméo de Bob Dylan, éternel pote de l’acteur-réalisateur.

Des éditions DVD et Blu-ray pour découvrir le film malade en director’s cut

Les Français découvrent le director’s cut à la télévision française dans la première moitié des années 2000. Une sortie DVD chez Seven Sept en 2014 vient la graver sur une galette. En 2021, cette version longue, remontée, avec des scènes agencées différemment, revient pour hanter l’incroyable catalogue de Carlotta, désormais aussi à l’aise dans le cinéma pointu que la série B cocasse. L’éditeur propose les VO et VF sur le film original et la VOSTF sur le director’s cut.

Dennis Hopper dans Backtrack

© 1990 Vestron, Precision Films, Mack-Taylor Productions, Dick Clark Productions – © 2020 Lions Gate Entertainment Inc. Tous droits réservés

On ne change pas d’avis !

Malheureusement, malgré la volonté d’habiller les bonnes intentions artistiques du réalisateur, grand amateur d’art, qui a demandé à des amis artistes de lui concocter un arrière-plan arty pour habiller le décor, on ne réévaluera pas positivement le film. Backtrack se découvre comme une curiosité ratée, un hybride aux carrefours des genres, certes plaisant à regarder, mais tellement mal fichu, y compris dans la version retravaillée par son auteur, que l’on peine à y trouver un intérêt autre que pour les historiens du cinéma. Ce sont quand même de grands noms qui se compromettent et l’histoire du film en devient plus intéressante que le film lui-même.

Jodie Foster qui affirmait au début des années 90 ne pas aimer la comédie, se retrouve embourbée dans une histoire où son personnage d’artiste libre est totalement en inadéquation avec le vieux routier du crime, assez ringard et surtout nauséabond, que la pègre lui a mis aux fesses pour se débarrasser d’elle, à la suite d’un meurtre auquel elle a accidentellement assisté. C’est que le monsieur, un brin vicieux et pervers, va la forcer à le suivre pour fuir leurs désormais ennemis communs. Et soudainement, d’une scène à l’autre, la paire improbable va finir par s’aimer d’amour, avec un final de comédie en guise de conclusion, pour le moins explosif et ridicule d’improbabilité, et ce jusqu’à la scène ajoutée dans le director’s cut en générique.

Une œuvre hybride globalement médiocre

La médiocrité du script, le montage absurde, l’incapacité à faire exister ses seconds rôles de façon équilibrée (on se demande ce que devient parfois Fred Ward, pourtant parti pour être l’un des personnages principaux au début), l’insertion d’un burlesque pas drôle (en gros, toutes les apparitions lourdingues de John Turturro), une scène de douche gratuite et donc de nu pour cette pauvre Jodie Foster qui a dû se poser beaucoup de questions lorsqu’elle l’a tournée… tout confine au navet des années 90. Mention spéciale aux moments musicaux où Dennis Hopper se transforme en saxophoniste.

Jodie Foster a détesté travailler avec l’ami de Peter Fonda. Cela se voit à l’écran. Leur duo ne fonctionne pas physiquement et au-delà de cela, la flamme ne s’allume jamais. Heureusement pour Hopper, il réalisera en 1989-90 un thriller érotique torride, Hot Spot avec Don Johnson, Virginia Madsen et Jennifer Connelly, de très bonne facture. Le road movie sombra une fois de plus au box-office, mais au moins il le réconcilia avec la critique mondiale. D’ailleurs, cet étrange œuvre esthético solaire sortira dans nos cinémas en janvier 1991, un an avant Backtrack.

Frédéric Mignard

Backtrack en VHS chez Delta Vidéo, jaquette (1992)

© 1990 Vestron, Precision Films, Mack-Taylor Productions, Dick Clark Productions – © 2020 Lions Gate Entertainment Inc. Tous droits réservés

Le test blu-ray

Sept ans après le DVD de Seven Sept/Metropolitan FilmExport, Backtrack se voit gratifié d’une nouvelle édition vidéo, dont une copie HD, proposant les deux versions du film maudit de Dennis Hopper. Pour compliquer la donne, Carlotta change le titre et le baptise Backtrack A.K.A. Catshfire, ajoutant un peu de complexité à l’histoire sibylline de cette production notoire pour son bide et ses problèmes de post-production.

Compléments : 2.5 / 5

Comme toujours chez Carlotta, on apprécie le fourreau carton qui donne un bel aspect anguleux à leurs titres une fois rangé.

Sur cette histoire complexe de cinéma naufrage, les suppléments, en revanche, ne reviennent pas suffisamment sur les mésaventures de ce film. L’équipe semble avoir voulu s’orienter davantage sur un aspect artistique (la façade arty qui donne lieu à deux suppléments). L’histoire du fiasco, la relation entre les acteurs principaux… beaucoup de choses restent inexploitées et ne comblent pas la curiosité historique vis-à-vis de cette œuvre méconnue des jeunes cinéphiles.

Les images volées du tournage  (7mn), sans commentaires, quelque peu abruptes, font un peu office de remplissage. Hopper collectionneur d’art fait écho à la présentation du film dans le document L’art dans Backtrack, pour le coup, et de loin, le plus pertinent des trois bonus.

Image : 3.5 / 5

Backtrack A.K.A Catchfire bénéficie d’une réelle belle restauration, même si quelques scènes restent moins gratifiantes en HD, notamment la séquence nocturne du meurtre auquel assiste le témoin gênant, Jodie Foster.

La copie a su être mise à niveau, avec une luminosité accrue, un nettoyage des anicroches, et une colorimétrie chargée comme il faut. On apprécie également le grain argentique qui peut survenir. Cela confère du caractère à une image qui marque le croisement esthétique entre deux décennies (80 Vs 90).

Son : 3.5 / 5

Le film a été visionné deux fois. Une première fois en version française, dans son montage cinéma. Les doublages sont particulièrement vulgaires et confèrent une appartenance indéniable à l’ère de la VHS à laquelle cette œuvre, traitée comme un téléfilm en France, ne peut échapper. Les voix collent à peine aux personnages et écrasent l’environnement général. On y trouve un plaisir coupable.

Le second visionnage s’est effectué en director’s cut, disponible exclusivement en version originale et seulement sur le Blu-ray. Encore une fois traité en DTS HD Master Audio 2.0., cette piste est plus satisfaisante. Elle décrédibilise moins le film, permettant aux acteurs de trouver un ton plus juste. L’environnement musical est par ailleurs gagnant car bien mieux positionné.

 Frédéric Mignard      

Cover de Backtrack A.K.A. Catchfire chez Carlotta (Blu-ray)

© 1990 Vestron, Precision Films, Mack-Taylor Productions, Dick Clark Productions – © 2020 Lions Gate Entertainment Inc. Tous droits réservés

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Backtrack en VHS chez Delta Vidéo, jaquette (1992)

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