Avec un score dérisoire au box-office français, Attention bandits est pourtant l’un des succès de Claude Lelouch dans les années 80, avec deux acteurs formidables, Jean Yanne et Patrick Bruel. Retour sur une sortie compliquée pour un film à contre-temps de son époque.
Synopsis : Receleur de son état, Simon Vérini se voit confier, par un jeune truand surnommé « Mozart », le butin d’un hold-up chez Cartier. Mais la transaction tourne mal : sa femme est tuée sous ses yeux et il est accusé du vol. Simon se retrouve en prison pour 10 ans, après avoir toutefois eu le temps de confier sa fille, Marie-Sophie, à un collège suisse. Lorsqu’il sort, il n’a qu’une idée en tête : se venger…
Le film : Quand Attention Bandits sort dans les salles françaises, en juin 1987, l’exploitation est au plus bas. C’est pourtant la semaine de la Fête du Cinéma (alors sur un jour, le 4 juin), et il faut 88 000 entrées pour que Claude Lelouch s’empare de la première place parisienne d’un box-office sinistré, quand sur la France, il atteint cette pôle position avec 206 390 entrées.
Juin est historiquement un mauvais mois pour la fréquentation française, et, en 1987, cette tendance est accentuée par une crise qui détruit tout sur son passage, des distributeurs indépendants jusqu’aux exploitants.
Patrick Bruel fait le grand écart
Il est heureux de voir Lelouch faire de la résistance. Le cinéaste qui tourne pour la première fois en 29 films avec Jean Yanne, donne un premier rôle risqué à sa compagne, Marie-Sophie L. au lieu de caster une vedette établie. A leurs côtés, Bruel n’est pas encore une méga star de la chanson, mais a quelques singles en poche, dont Tout le monde peut s’tromper, générique efficace du film, et single sorti en 1986, issu de son premier album, sans trop de succès. Le jeune homme réalise un écart considérable avec ses précédentes interprétations dans des divertissements populaires, comme Les diplômés du dernier rang, La tête dans le sac, ou P.R.O.F.S.
Le film intergénérationnel (Yanne a plus ou moins démarré sa carrière en 63, l’année de naissance de l’actrice principale, et quatre ans après celle de Patrick Bruel) est d’autant plus un pari pour Claude Lelouch que son coûteux Partir Revenir, où il dirigeait pour la première fois Marie-Sophie L, avait été un semi-échec en 1985, et son précédent film, Un homme et une femme : Vingt ans déjà, un bide total (1986).
Attention bandits au milieu de la crise de 1987
Au final, avec 644 413 entrées France, Attention bandits pourrait apparaître comme un nouvel échec au cinéma (son successeur, Itinéraire d’un enfant gâté avec Belmondo dépassera les 3 200 000 spectateurs en 1988-89). Et pourtant, l’ambiance morose nécessite de relativiser la catastrophe apparente pour cet habitué du cinéma à plus du million d’entrées. En 2e semaine, le film demeure numéro 1 avec 105 000 entrées France (des résultats inimaginables aujourd’hui, hors crise de la Covid) et 47 218 entrées sur Paris. Et il faudra bien un film américain, Freddy 3 : les Griffes du Cauchemar pour le faire basculer de son très relatif sommet.
In fine, Attention bandits se maintiendra jusqu’au milieu du mois d’août et triplera sa première semaine pourtant fragile. Un bouche-à-oreille qui redonne du cœur à l’ouvrage au réalisateur d’Un homme et une femme (1966) avant de devenir une VHS à succès, un habitué des passages télévisés et même, en janvier 2022, un blu-ray chez Metropolitan Film Vidéo. L’ascension de Patrick Bruel au statut de star française, en 1989, grâce à l’album Alors regarde et le single Casser la voix, permettra au film une jolie visibilité.
Le film de truands sur les relations fille-père, séparés pendant plus de dix ans par la prison du côté paternel, et la pension en Suisse, du côté de la fille-princesse, est certes moins ambitieux que les œuvres choral du cinéaste, mais avec un Jean Yanne magistral et des seconds rôles bien-aimés comme Charles Gérard et Corinne Marchand, Attention bandits mérite encore d’être redécouvert, en particulier pour la musique de Francis Lai.