Apocalypse dans l’océan rouge ne restera dans les mémoires que pour son affiche spectaculaire et mensongère. Le film, lui, constitue le fond du panier du bis rital des années 80.
Synopsis : Floride, l’hélicoptère des garde-côtes, découvre un cadavre affreusement mutilé, tandis que dans l’Aqualand de la côte, les dauphins d’ordinaire si calmes, s’agitent nerveusement. Tout laisse penser à une attaque de requins… Une équipe de chercheurs, alertée par le laxisme suspect des instances officielles, tentera d’élucider le mystère et se trouvera confrontée à une réalité dépassant la fiction…
Un film de commande tourné en Floride
Critique : Au début des années 80, Lamberto Bava réalise enfin ses propres films et sort tout juste de l’ombre de son père, le grand Mario Bava. Il tourne tout d’abord Baiser macabre (1980) qui est un cruel échec public, puis La maison de la terreur (1983). Malgré des qualités certaines dans la réalisation, ces deux longs-métrages n’ont guère séduit le grand public et Lamberto Bava se retrouve donc à accepter des commandes qu’il va d’ailleurs signer d’un pseudonyme, à savoir John Old Jr. (en référence à celui de son père, John Old).
En 1984, Lamberto Bava tourne ainsi deux productions italiennes tournées toutes les deux aux Etats-Unis. Il s’agit de deux films voués à piller les grands succès du moment. Ainsi Blastfighter, l’exécuteur n’est qu’un démarquage de Rambo (Kotcheff, 1982), tandis qu’Apocalypse dans l’océan rouge cherche à surfer sur la vague des Dents de la mer.
Une louche des Dents de la mer 3 et une pincée de Piranhas
Pour être plus précis, le long-métrage de Lamberto Bava entend profiter de la sortie des Dents de la mer 3 (Alves, 1983) pour glaner quelques spectateurs distraits. On retrouve notamment ici le contexte du parc scientifique qui sert de cadre au film américain, mais mélangé avec la thématique de l’expérience qui échappe à tout contrôle vu dans Piranhas (Dante, 1978), autre copie du film séminal de Spielberg. Exit donc toute forme d’originalité puisque nous sommes bien ici en présence d’un cinéma de pure exploitation, en mode photocopie.
Dans le même style, les Italiens avaient déjà sorti La mort au large (Castellari, 1981), déplorable plagiat des Dents de la mer. Ils en remettent donc une couche avec cette apocalypse cinématographique dont on ne conservera en mémoire que l’affiche, très prometteuse comme toujours. Malheureusement, le spectateur devra vite déchanter en constatant que l’intégralité du budget est passé dans un tournage effectué en Floride. Il ne reste quasiment pas d’argent pour les effets spéciaux. En conséquence, la fameuse créature qui sévit dans les eaux de l’Atlantique est à peine montrée à l’écran. On aperçoit de temps à autre une dentition, deux tentacules dans des plans très rapides voués à dissimuler au maximum la nullité des effets.
Dans la mer, on ne vous entend pas ronfler !
Le reste du film est constitué d’interminables bavardages entre sauveteurs, scientifiques et militaires autour d’une intrigue aussi claire que de l’eau de roche. Dès les dix premières minutes, le spectateur comprend tous les enjeux et doit attendre patiemment la révélation qui n’intervient que dans les cinq dernières minutes du métrage. Entre-temps, le film ne propose rien de bien savoureux à se mettre sous la dent. Hormis une ou deux amputations vaguement gore, Apocalypse dans l’océan rouge ne distille que l’ennui.
Entre une réalisation aux abonnés absents, un jeu d’acteur particulièrement atone – même de vieux routiers comme Gianni Garko et William Berger semblent paumés, alors que dire de Michael Sopkiw et de Valentine Monnier, bien nuls – une musique peu inspirée de Fabio Frizzi, Apocalypse dans l’océan rouge représente vraiment le pire du bis rital. Mauvais mais surtout dépourvu d’ambiance ou de dérapages bis, le long-métrage ne possède donc aucun charme particulier et semble anticiper les productions Nu Image (Shark Attack et consorts) des années 2000 dans sa volonté de sonder le néant cinématographique.
Un bide largement mérité
Les spectateurs ont toutefois été peu nombreux à se laisser tenter par l’aventure avec seulement 71 638 marins perdus dans les salles obscures. On imagine un succès plus important dans les vidéo-clubs des années 80 grâce à la VHS éditée par UGC Vidéo. On notera enfin l’arrivée inattendue du film en DVD sous le titre racoleur de Shark, le monstre de l’apocalypse en 2013. L’éditeur comptait sans doute surfer lui aussi sur une autre mode, celle des spectacles numériques comme Shark Attack. Le dénominateur commun étant la médiocrité.
Critique du film : Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 23 janvier 1985