125, rue Montmartre : la critique du film et le test blu-ray (1959)

Policier | 1h25min
Note de la rédaction :
6/10
6
125 rue Montmartre, l'affiche

Note des spectateurs :

Doté d’un script solidement charpenté et d’interprètes de grande qualité, 125, rue Montmartre est un film commercial de bonne tenue, à redécouvrir dans une copie splendide.

Synopsis : Pascal, un vendeur de journaux bourru, sauve un jour un inconnu, Didier, de la noyade. Peu à peu, le sauveur s’attache à son protégé… Lorsque le mystérieux Didier se dit victime d’une sombre machination, il vole à son secours…

La presse en toile de fond

Critique : Le réalisateur Gilles Grangier vient d’enchaîner deux tournages avec Jean Gabin (Le désordre et la nuit et Archimède le clochard) lorsqu’on lui propose d’adapter un roman policier d’André Gillois (pseudonyme de Maurice Diamant-Berger, célèbre journaliste radiophonique). Le livre, classique récit d’une machination diabolique, a le mérite de décrire par le menu le milieu de la distribution de la presse écrite. L’adresse du lieu où se retrouvent tous les vendeurs à la criée est d’ailleurs inscrite directement dans le titre du film. Toutefois, si la description du milieu est particulièrement mise en avant dans le bouquin, cela ne devient qu’une vague toile de fond dans le film.

125 rue Montmartre, photo d'exploitation

© 1959 – PATHÉ FILMS. ICONOGRAPHIE : COLLECTION FONDATION JÉRÔME SEYDOUX PATHÉ. PHOTOS : © ROBERT JOFFRES. TOUS DROITS RÉSERVÉS.

Certes, la description de ce job d’un autre temps est intéressante et prend aujourd’hui une valeur documentaire et sociologique. Mais, elle ne sert finalement pas à grand-chose dans une intrigue policière qui n’a rien à voir. Cela ne fait pas pour autant de 125, rue Montmartre un mauvais film, loin de là. Car la principale qualité du long-métrage vient justement de son intrigue, particulièrement bien tricotée et qui repose sur un retournement de situation encore étonnant de nos jours.

Lino en incarnation du prolétaire

Ainsi, le spectateur est trimbalé dans le Paris des années 50 à la suite de Lino Ventura dans sa première vraie incarnation du prolétaire basique. Jusque-là plutôt confiné aux rôles de truands ou d’agent secret, Lino Ventura élargit ici le spectre de ses incarnations. Il compose ici un personnage qui lui collera bien souvent à la peau. Il est donc ce gars simple, bourru, mais finalement au grand cœur qui sauve de la noyade un inconnu interprété avec fougue par Robert Hirsch. La confrontation entre les deux acteurs – l’un sans formation et l’autre issu de la comédie française – donne lieu à d’excellentes séquences où se joue l’opposition de caractères.

Un twist encore surprenant

Peu à peu, le spectateur est invité à douter du récit de ce suicidaire un peu trop collant, tout en ne voyant pas venir la suite des événements qui se précipitent au bout d’une quarantaine de minutes. Intervient alors un twist qui fait basculer le long-métrage dans le film policier avec machination diabolique en bout de course. Rappelons que Les diaboliques de Clouzot était sorti quelques années auparavant et que le film a eu beaucoup d’impact sur le genre policier. Cela se ressent dans cette deuxième partie qui reste toutefois dans les clous d’un certain classicisme. Ainsi, l’enquête menée par le commissaire joué avec toujours autant de talent par un Jean Desailly impeccable est un peu routinière.

125 rue Montmartre, jaquette du blu-ray

© 1959 – PATHÉ FILMS. ICONOGRAPHIE : COLLECTION FONDATION JÉRÔME SEYDOUX PATHÉ. PHOTOS : © ROBERT JOFFRES. TOUS DROITS RÉSERVÉS

Un casting impérial

Outre son scénario qui procède d’une mécanique imparable et de bons dialogues d’Audiard en mode sobre, 125 rue Montmartre vaut surtout le détour pour la qualité du casting. Lino Ventura est d’une belle autorité, Robert Hirsch compose un fiévreux ami-ennemi, Jean Desailly est merveilleux de malice, tandis qu’Andréa Parisy s’affirme en femme fatale à la duplicité contagieuse. Tout ce beau monde est dirigé avec talent par un Gilles Grangier au style classique. Toutefois, en bon artisan qu’il est, il parvient à livrer un produit de bonne tenue qui fonctionne encore près de 60 ans après sa sortie.

Un joli succès

Avec près de 1,7 millions d’entrées sur le territoire français, le long-métrage a confirmé la popularité naissante de Lino Ventura et sa crédibilité en tant que tête d’affiche. Il s’agit d’un score satisfaisant, même si ce n’est pas à la hauteur des autres films de Grangier avec Gabin. Aujourd’hui, le film mérite d’être redécouvert, même si ce n’est pas un chef d’œuvre, mais le témoignage de la qualité d’un certain cinéma commercial français.

Le test du blu-ray :

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Compléments : 4/5

Outre trois petits reportages très courts issus des archives de la maison Pathé (un sur la première du film, un autre sur le cirque Medrano et enfin sur Michel Audiard), l’éditeur nous propose un documentaire passionnant de 43min. Trois spécialistes interviennent tour à tour pour évoquer le contexte de création du film.

Ils insistent notamment sur le roman d’origine, sur la place du film au sein des filmographies de Gilles Grangier et de Lino Ventura. Ils évoquent aussi le métier des vendeurs de journaux à la criée, métier apparu à la fin du 19ème siècle au moment où la presse écrite se démocratise et disparu dès les années 70.

On aime aussi le rappel effectué à propos de l’impopularité de Michel Audiard auprès des critiques de l’époque. Si le dialoguiste fut apprécié du grand public, il n’en fut rien des intellectuels qui ne goûtaient pas ses mots d’auteur trop visibles. Argument qui ne peut être systématisé mais qui est souvent recevable. Ici, Audiard se fait plutôt discret et demeure au service de l’intrigue.

L’image : 5/5

Restauré par Pathé en 2018, le film est proposé dans une copie resplendissante en 2K. Piqué irréprochable, parfait étalonnage du noir et blanc, cadrage d’origine respecté, tout est là pour valoriser le long-métrage et le redécouvrir dans les meilleures conditions possibles. Du très beau travail.

Le son : 4/5

L’unique piste audio en mono DTS HD Master Audio est de très bonne qualité, avec une absence totale de souffle ou de parasite. L’ensemble apparaît un petit peu brouillon lors des scènes inaugurales dans la salle de distribution des journaux à cause de trop nombreuses informations délivrées en même temps.

Cela s’arrange très vite lors des séquences suivantes où les dialogues sont judicieusement mis en avant pour un confort d’écoute optimal. A noter la présence de sous-titres pour sourds et malentendants.

Critique du film et test blu-ray : Virgile Dumez

125 rue Montmartre, l'affiche

© 1959 – PATHÉ FILMS. / Illlustrateur : Yves Thos. Tous droits réservés.

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