After Hours (Quelle nuit de galère) : la critique du film (1986)

Comédie | 1h37min
Note de la rédaction :
7/10
7
After Hours, l'affiche

  • Réalisateur : Martin Scorsese
  • Acteurs : Rosanna Arquette, Teri Garr, Griffin Dunne, Linda Fiorentino, John Heard, Verna Bloom, Will Patton, Catherine O’Hara
  • Date de sortie: 16 Mai 1986
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : After Hours
  • Année de production : 1985
  • Scénariste : Joseph Minion
  • Directeur de la photographie : Michael Ballhaus
  • Compositeur : Howard Shore
  • Distributeur : Warner Columbia
  • Editeur vidéo : Warner Home Vidéo (VHS) / Warner Bros. Entertainment France (DVD)
  • Budget : 4,5 M$
  • Box-office USA : 10,6 M$
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 1 036 634 entrées / 472 582 entrées
  • Festival : Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1986 / Nomination au César du meilleur film étranger en 1987
  • Format : 1.85 : 1 / Son : Mono
  • Crédits affiche : Dan Goozee. Tous droits réservés.
Note des spectateurs :

Comédie kafkaïenne, After Hours vaut le détour pour sa description du New York noctambule des années 80 et sa réalisation absolument brillante, primée au festival de Cannes en 1986.

Synopsis : La nuit infernale d’un jeune informaticien, employé de banque et grand admirateur de Henry Miller, dans le quartier bohème de Soho, à New York…

Scorsese au fond du trou

Critique : En 1982, le réalisateur Martin Scorsese tourne La valse des pantins pour la somme astronomique de 20 millions de dollars, espérant conquérir le public grâce à l’association de Robert De Niro et Jerry Lewis. Le film est un bide sanglant qui ne rapporte même pas 2,5 millions de dollars au box-office américain. L’international ne compense aucunement ce désastre financier qui met Scorsese à genoux. Le réalisateur s’enfonce alors dans une terrible dépression, tout en devant lutter contre de nombreuses addictions accumulées au fil des années (un joyeux cocktail de drogues et d’alcool).

Au fond du trou, Martin Scorsese envisage sérieusement d’arrêter le cinéma et ne tourne pas pendant trois ans. Vers 1985, le réalisateur tente de monter un projet qui lui tient à cœur, à savoir La dernière tentation du Christ. Ne trouvant pas les financements nécessaires, il accepte la proposition d’Amy Robinson -interprète de Mean Streets-, désormais productrice, et de tourner ce After Hours d’après un script original de Joseph Minion, étudiant du département cinéma de Columbia University. Outre un statut de simple réalisateur (c’est la première fois qu’il n’est pas l’auteur du scénario), Scorsese y voit l’occasion de revenir à un cinéma indépendant à petit budget (un cinquième du budget de La valse des patins), à moindre stress, et aussi de pasticher le style d’Alfred Hitchcock et d’évoquer sa ville de New York sous un autre angle que celui des gangs et des malfrats.

Une comédie déjantée qui puise aux sources de Kafka et Hitchcock

Et de fait, After Hours est un véritable modèle d’horlogerie qui conduit le héros au cœur d’une intrigue kafkaïenne. Alors que le long-métrage se présente comme une comédie déjantée, Scorsese filme le tout comme s’il s’agissait d’un thriller paranoïaque. On retrouve notamment le fameux thème hitchcockien du quidam accusé à tort – ici il s’agit de cambriolages dans le quartier de Soho.

Motivé par sa rencontre nocturne avec une jeune femme excentrique (pimpante Rosanna Arquette), le jeune col blanc Paul Hackett (Griffin Dunne très juste) se retrouve embarqué dans des aventures rocambolesques qui l’éloignent toujours plus de chez lui. Le script reprend effectivement la structure des œuvres littéraires de Kafka en repoussant le personnage principal toujours plus loin de son but initial. Ici, le protagoniste perd malencontreusement son argent et se retrouve donc à la merci des étranges personnes qu’il rencontre.

La peinture du New York noctambule des années 80

De plus en plus délirantes au fur et à mesure qu’avance la nuit, ces mésaventures dépeignent une société new-yorkaise noctambule que Scorsese connaît parfaitement. Certes, le film est très souvent drôle, mais il peut également se voir aujourd’hui comme un documentaire sur une ville aussi complexe que le New York des années 80. Derrière la drôlerie des situations se dessine peu à peu le portrait d’un monde angoissant, fait de violence et peuplé d’habitants tous plus étranges les uns que les autres.

Scorsese se moque bien évidemment de ces yuppies qui apparaissent au cœur des années 80, mais il se fait aussi le peintre de l’underground artistique qui peuple des quartiers comme celui de Soho. Il évoque aussi la constitution de ces milices d’autodéfense qui entendent se faire justice en lieu et place d’une police corrompue. Il rejoint ainsi le constat posé par des cinéastes plus marqués à droite, mais entend démontrer l’absurdité de ces comportements.

Une réalisation magistrale, primée à Cannes

Toutefois, After Hours ne serait pas aussi réussi sans le brio absolu de sa réalisation. Scorsese semble tout simplement s’éclater dans ce long-métrage sans réelle contrainte. Sa caméra est délicieusement mobile et embrasse personnages et décors dans un même mouvement. Ce style n’est pourtant pas tape-à-l’œil et sert la logique cauchemardesque d’un film qui se déroule comme dans un rêve.

Véritable résurrection artistique et commerciale de Martin Scorsese, After Hours a certes rencontré un tout petit succès aux Etats-Unis, mais le long-métrage a marqué le public français lors de sa présentation cannoise en 1986. Auréolé de son prix de la mise en scène obtenu sur la Croisette, After Hours a cumulé plus d’un million d’entrées.

Un très beau succès qui allait être dépassé en 1986 aux USA et en 1987 en France par celui de La couleur de l’argent (1986), nouvelle commande avec Paul Newman et Tom Cruise. Le film cumulera plus de 52,2 millions de dollars de recettes rien qu’aux Etats-Unis et plus d’un million d’entrées en France. De quoi vraiment relancer la carrière d’un réalisateur au fond du trou deux ans auparavant.

Critique du film :  Virgile Dumez

Le saviez-vous?

After Hours a été dévoilé sur la Croisette le 12 mai 1986, le même jour que Le sacrifice de Tarkovski et Max mon amour de Nagisa Oshima. Toutefois, les Etats-Unis avaient pu le découvrir en salle en septembre 1985, à une époque moins mondialisée qu’aujourd’hui.

Les sorties de la semaine du 16 mai 1986

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After Hours, l'affiche

© 1985 Geffen Film Company / Affiche : Dan Goozee. Tous droits réservés.

Box-office :

Sorti dans la foulée de sa diffusion cannoise, After Hours ne sort que dans 10 salles à Paris-intra-muros et 1 salle en périphérie, ce qui lui permet néanmoins un beau démarrage à 44 050 entrées, avec des salles pleines (7 381 entrées à l’UGC Odéon, 8 928 à l’UGC Elysées…). Le score est d’autant plus remarquable que le film ne dispose que de 5 jours d’exploitation. Warner Columbia parvient à le faire entrer en 8e place au milieu de productions exposées dans 44 salles (Pirates de Polanski, numéro 1), 59 salles (Tenue de soirée de Blier), 36 salles (Le lieu du crime de Téchiné)…

Une sortie limitée dans les salles françaises

D’autres productions cannoises sortaient cette même semaine : Un homme et une femme 20 ans déjà (61 716 entrées, dans 33 salles), I love you de Ferreri avec Christophe Lambert (57 279,  31 écrans), Fool for love d’Altman avec Basinger pour Cannon Films (19 867, 10 salles), Le sacrifice (11 202, 5 salles).

Toujours exposé dans 11 cinémas en 2e semaine, After Hours fait encore mieux (47 226) quand Claude Lelouch et Ferrari s’effondrent.

Véritable sleeper de l’été 1986, la première vraie comédie de Scorsese grimpe en 3e place pour sa troisième semaine où elle gagne surtout 8 écrans. Avec 56 461 entrées, elle concurrence le blockbuster flibustier de Polanski (60 206, dans 47 salles) et Hannah et ses sœurs de Woody Allen (85 367, 33 salles).

After Hours est le sleeper de l’été 1986

Le bouche-à-oreille ne s’essouffle pas en 4e semaine, puisque cette fois-ci After Hours grimpe en 2e position, avec 47 485 spectateurs dans 20 salles. Woody Allen fait de la résistance.

Le film restera dans le top 3 jusqu’à la fin de sa 6e semaine. En été, les productions de séries B le font plier sous le poids de leur nombre. Aussi Scorsese glisse en 7e place en 7e semaine, mais réussit encore à galvaniser 33 653 spectateurs.

After Hours demeure 11 semaines dans le top 10 malgré un flux constant de nouveautés qui s’effondrent quand la comédie déjantée demeure stable.

A l’issue de sa 14e semaine, Scorsese quittera le top 15. Lors de la dernière semaine de l’été, le film en est à sa 16e semaine d’exploitation, profite encore de quatre écrans (les UGC Biarritz/Odéon/Boulevard et le Gaumont Parnasse), et accueille encore 6 532 retardataires pour un total de 419 123 spectateurs. C’est le plus gros succès de son auteur depuis Taxi Driver. After Hours restera à l’affiche tout le reste de l’année 1986 et sera encore programmé en 1987, ce qui lui permet de finir à 479 000 Franciliens, soit plus du double des entrées totales de La valse des pantins sur tout le territoire.

Une petite déception aux USA en 85, un carton en France en 86

Pour ce petit budget, c’est une sacrée affaire. Aux USA, le film, sorti en septembre 1985, soit bien avant Cannes, restera loin de son potentiel avec seulement 10 000 000$ et surtout une 90e place annuelle décevante. A titre de comparaison, Recherche Susan désespérément, avec Rosanna Arquette et Madonna, avait grimpé en 28e place du classement final, avec 27 000 000$ et un budget encore moindre.

En octobre 1986, Scorsese reviendra vraiment sur orbite aux USA avec La couleur de l’argent qui remplira les salles grâce à ses stars, comme Tom Cruise qui attire la jeunesse du moment (12e annuel, 52 000 000$).

Frédéric Mignard

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After Hours, l'affiche

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