Wolfboy est une merveille de cinéma indépendant qui aborde la thématique de l’inclusion avec beauté et fulgurance. Le retour du bon cinéma américain là où on ne l’attendait plus.
Synopsis : Paul, 13 ans, souffre d’hypertrichose, une maladie qui entraîne une pilosité envahissante sur l’ensemble du corps. Raillé pour son apparence, le jeune adolescent décide de partir à la recherche de sa mère, qui l’a abandonné à sa naissance. Avec ses compagnons Aristiana et Rose, son voyage à travers les contrées du New Jersey l’emporte dans une folle aventure aux rencontres surprenantes…
Critique : Avec son ambiance de conte, sa scénographie de road movie aux allures d’odyssée, son casting de princesse pirate, de diable et de sirène, le parcours de Wolfboy, enfant-loup au look garou, tient un discours formidable sur l’inclusion sans passer par le prêchi-prêcha des productions adolescentes qui se contentent de formules pour un public restreint.
Le premier long métrage du cinéaste tchèque Martin Krejcí est une initiation de l’enfance aux dures réalités de la différence à un âge où l’exclusion anime les instincts. Elle revêt un discours fort, à la croisée des genres, dépeint des psychologies ouatées et des confrontations touchantes, sans mièvrerie, mais avec toute la dignité que l’on peut attendre d’un cinéma exigeant, qui ne transige pas avec la rigueur, notamment d’écriture. De plus, le cinéaste explore une authentique vision alimentée par un script auquel il a essayé d’être le plus fidèle possible.
De l’origine du mythe du loup-garou
La scénariste Olivia Dufault tenait depuis longtemps, à écrire sur ce droit à la différence ; elle utilise les ambiguïtés de la biologie pour donner une vraie existence dramatique à des personnages plus beaux que nature. Le jeune protagoniste de 13 ans souffre ainsi d’hypertrichose, maladie rare (environ 50 individus dans le monde) qui développe une pilosité excessive, de manière animale. De l’origine du mythe du loup-garou, il n’y a qu’un pas que l’on peut franchir, mais la réalité de l’histoire, y compris contemporaine, vaut la présence de ces malades orphelins dans des cirques des horreurs dont ils deviennent des attractions de foire, tant ils sont rejetés par la société qui ne peut tolérer le reflet qu’ils donnent d’elle. C’est justement le sort réservé à Paul, maltraité par les jeunes de son âge, lorsqu’il s’enfuit de son domicile en quête de sa mère. Tel un Pinocchio des temps modernes, le bambin poilu est exploité par un filou forain, un Méphisto joué par John Turturro en pleine possession de ses moyens.
Un freak show au plus proche de l’humain
La fuite du jeune homme le mène ensuite à la rencontre d’une sirène, une jeune fille née Kevin, avec le corps d’un garçon. La transidentité l’a dotée d’une courageuse résilience et d’un sacré tempérament. Le personnage joué par la jeune transgenre Sophie Giannamore illumine ce parcours de vie semé d’embûches, mais aussi de personnages déjantés à la beauté tout aussi fulgurante (mention spéciale pour l’énergie de la braqueuse pirate incarnée par Eve Hewson, fille de Bono à la vie, et actrice exaltée à l’écran).
Ce freak show au plus profond de la réalité humaine, engage de beaux décors, des illustrations flamboyantes, et ressort grandi par son impertinence de ton, et sa trajectoire narrative. Le fantastique s’installe par moments, mais la marginalité mène toujours à des rebondissements cruellement réalistes, mais puissamment beaux. Il serait difficile d’envisager le récit autrement, une fois la très belle fin dévoilée.
Wolfboy est une merveille à découvrir en VOD
Si l’intrigue policière est quelque peu boiteuse, l’aventure humaine est merveilleuse, dans toute la polysémie de l’adjectif. Le casting issu principalement du cinéma indépendant est un sans faute. Le jeune Jaeden Martell, méconnaissable le visage recouvert de poils, est d’un charisme troublant. Il confirme après sa formidable présence dans le film d’épouvante dingue The Lodge et A couteaux tirés. Impossible de ne pas apprécier la présence majeure de John Turturro, de l’acteur Chris Messina, dans le rôle du père, de l’égérie Chloë Sevigny (Kids de Larry Clark), et de Stephen McKinley Henderson dont l’arrivée est pour le moins inattendue, mais essentielle.
Wolfboy, loin de ne parler qu’aux seuls jeunes, frappe par sa forme, y compris les enfants d’hier devenus adultes. Ces derniers y retrouveront le charme inhérent aux beaux récits qui les ont eux-mêmes transformés. Le spectacle, très apprécié par la critique internationale, se découvre en France en VOD, comme partout dans le monde, puisque cet illustre inconnu du 7e Art a connu les affres de deux ans de pandémie pour se positionner dans un environnement en pleine mutation. Cela n’en fait nullement un vilain petit canard à écarter avec méfiance, dédain et élitisme, mais bien au contraire une véritable opportunité pour chacun de découvrir ce que le cinéma américain est capable de nous livrer de plus poignant et de plus surprenant en ce moment, hors des sentiers indigestes du mainstream woke.
Wolfboy est notre coup de cœur.