Volver est l’un des plus gros succès publics et critiques d’Almodóvar. Cet hymne à la femme et au mélodrame présente la quintessence de son art.
Synopsis : Madrid et les quartiers effervescents de la classe ouvrière, où les immigrés des différentes provinces espagnoles partagent leurs rêves, leur vie et leur fortune avec une multitude d’ethnies étrangères. Au sein de cette trame sociale, trois générations de femmes survivent au vent, au feu, et même à la mort, grâce à leur bonté, à leur audace et à une vitalité sans limites.
6 femmes
Critique : Volver s’inscrit dans la continuité de l’œuvre d’Almodóvar tout en renouvelant son inspiration par une (fausse) trame fantastique. On y retrouve certaines de ses actrices de prédilection : Carmen Maura, l’égérie des années 80, interprète ici le fantôme d’Irene, qui s’incruste dans la vie de ses deux filles. Celles-ci, Raimunda et Sole, sont interprétées respectivement par Penélope Cruz, étonnante dans un rôle de femme du peuple, et Lola Dueñas, la junkie de Tout sur ma mère. Blanca Portillo est Augustina, une amie d’enfance fière de la mémoire de sa maman, unique hippie d’un village perdu de la Mancha. Chus Lampreave, spécialiste des rôles de mère rigolote, est la vieille tante qui semble, en apparence, ne plus avoir toute sa tête. La fille de Raimunda est une adolescente (Yohana Cobo) qui poignardera son beau-père un peu trop entreprenant. Ne manquent à l’appel que Marisa Paredes ou Victoria Abril et nous aurions eu huit femmes comparables au casting d’Ozon, mais seul l’amour des comédiennes aurait justifié le parallèle.
Car Volver est bien dans la lignée des « films de femmes » du réalisateur : on décèle les rapports ambivalents mère/fille teintés d’humour et d’émotion de Talons aiguilles, la folie de Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier, œuvre de la période trash, la solitude des femmes mures déjà montrée dans La Fleur de mon secret, ou bien encore l’agitation de Femmes au bord de la crise de nerfs. Le cinéaste prend ici le contre-pied de sa précédente réalisation, La Mauvaise éducation, film d’hommes en forme de pastiche de son œuvre, et assume la linéarité d’un scénario tant limpide qu’élaboré. Comme toujours chez Almodóvar, une trame policière (axée ici autour des tentatives pour se débarrasser d’un congélateur encombrant) et un mystère à élucider (la disparition d’une femme infidèle) servent de catalyseur pour révéler les sentiments des personnages.
Volver : un triomphe cannois public et critique
Le thème de la résurrection, déjà en filigrane dans Parle avec elle, permet des séquences combinant avec bonheur magie et humour noir, et la parenté avec Woody Allen voire Bergman n’est pas loin dans les « apparitions » de Carmen Maura. Certaines scènes de Volver resteront dans les annales : le nettoyage énergique des tombes dans l’ouverture, l’expédition en camion pour un enterrement très spécial, le shampoing effectué par une mystérieuse russe ou bien encore l’annonce d’un cancer sous les applaudissements d’un public de la télé-réalité. Mais le moment le plus intense est sans aucun doute la dernière séquence où Irene propose à Augustina un inévitable pacte.
On pourrait aussi établir le lien avec des films postérieurs du cinéaste, les secrets de famille enfouis anticipant La Piel que habito ou Julieta, et la mort omniprésente annonçant Étreintes brisées et Douleur et gloire. Almodóvar a déclaré à propos de ses personnages de femmes : « Ce sont des monstres que je crée ! Des créatures de Frankenstein qui se composent de (…) ce que je vois dans la rue (…) et ces femmes sont aussi faites de choses qui viennent des hommes, et d’abord de moi ». Ce dosage de références autobiographiques et de recréation artistique n’est pas le moindre intérêt de Volver. Présenté au Festival de Cannes 2006, il y fut triomphalement accueilli par le public et la presse et était le film favori pour la Palme d’or, mais le jury présidé par Wong Kar-wai lui préféra Le Vent se lève de Ken Loach. Toutefois Almodóvar fut loin de repartir bredouille, décrochant le Prix du scénario, et ses six actrices se partagèrent le prix d’interprétation féminine. Volver fut l’un des plus gros succès en salle.
Le saviez-vous ?
Avec 2 349 220 entrées, Volver est le plus gros succès en salle, dans l’Hexagone, de Pedro Almodóvar. Au total, l’auteur est parvenu à trois reprises à se hisser au-dessus des deux millions d’entrées, ses deux autres métrages étant parvenus à cet exploit sont Tout sur ma mère et Parle avec elle.
Critique de Gérard Crespo