Pour son premier long métrage, Stéphane Batut réalise avec Vif-argent une œuvre d’une grande force émotionnelle, d’un éclat poétique qui raisonne dans la sensibilité du spectateur. Ce film fantastique relevant d’un cinéma d’auteur intelligent offre également de magnifiques rôles aux acteurs Thimotée Robart et Judith Chemla, tous deux magnifiques.
Synopsis : Juste erre dans Paris à la recherche de personnes qu’il est seul à voir. Il recueille leur dernier souvenir avant de les faire passer dans l’autre monde. Un jour, une jeune femme, Agathe, le reconnaît. Elle est vivante, lui est un fantôme. Comment pourront-ils s’aimer, saisir cette deuxième chance ?
Vif-argent évoque Civeyrac, Campillo
Critique : Film de fantômes, d’âmes errantes, de disparition et d’oubli, d’invisibilité également, Vif-argent s’inscrit dans la longue tradition d’un cinéma de genre auteurisant, celui de Jean-Paul Civeyrac (Fantômes, en 2001) ou de Campillo avec Les revenants en 2004. Le rythme est lent, posé, réfléchi, infiniment sensoriel, tout en conservant le mystère inhérent à ces rencontres fantastiques entre morts et vivants.
Le cinéma est beau, beau comme son acteur principal, le jeune Thimotée Robart formidable de désincarnation dans un premier rôle en retrait du monde, qui va jusqu’à travailler sa diction pour marquer son retrait et son incompréhension alors que l’oubli le gagne. Chargé d’accompagner les êtres fraîchement morts, vers un au-delà curieusement administratif, il recueille de beaux souvenirs qui donnent une vraie puissance émotionnelle, humaine et sociale au film.
Une photographie de contrastes d’une infinie beauté
Le réalisateur Stéphane Batut qui instruit le fantastique d’une mission romantique saisissante, avec de magnifiques scènes de colère, de frustration et de fébrilité, n’en oublie pas toute la dimension humaine de cette mort, s’intéressant à des êtres de la diversité ethnique, de la diversité d’itinéraire, puisqu’à travers ces trépas, c’est bien aux vivants de notre société plurielle dont il s’intéresse.
Vif-argent, avec son titre de lumière, est d’un éclat diamantin, celui d’une nuit argentée où les lumières vives et contrastées subjuguent. Le travail de la directrice de photographie Céline Bozon est remarquable, et participe à élever cette première proposition de cinéma en incontournable pour tous ceux qui chérissent les propositions de cinéma alternatives.
Eclatante Judth Chemla
Nous n’oublierons pas de mentionner la présence magnétique de Judith Chemla au générique. Cette actrice, doublement nommée aux César, ne craint jamais de prendre des risques, de se mettre à nu dans ses sentiments vertigineux. Elle apporte énormément à ce film phosphorescent, qui nous fait vibrer dans ses nuits de rencontres, ses voyages vers la lumière et l’inexorable détachement du passé.
Stéphane Batut a réalisé une première œuvre fine et intelligente aux promesses magnifiques.
Un titre intrigant :
Pour expliquer le titre, le cinéaste déclare à son sujet, dans le dossier de presse : ” Pour moi, il évoque un éclat furtif, quelque chose qui étincelle dans la nuit comme ce que vivent soudain Juste et Agathe dans le film. Puis le vif-argent c’est aussi le nom du mercure utilisé comme principe actif en alchimie, un agent révélateur. Et Mercure
c’est aussi le messager des Dieux dans la mythologie, celui qui conduit les âmes aux enfers.