Troisième long en tant que réalisateur d’Alex Lutz, Une nuit convoque le couple dans ses fulgurances passionnelles et le détricote dans ses travers de vie, avec pertinence dans les propos. Le résultat est souvent exaltant, mais on peut lui reprocher un certain maniérisme qui limite la portée de l’exercice de style autour d’une rencontre urgente entre deux inconnus que tout amène à se livrer dans une belle liberté de dialogues.
Synopsis : Paris, métro bondé, un soir comme les autres.
Une femme bouscule un homme, ils se disputent. Très vite le courant électrique se transforme… en désir brûlant. Les deux inconnus sortent de la rame et font l’amour dans la cabine d’un photomaton.
La nuit, désormais, leur appartient.
Critique : Une nuit est le pendant adulte et parisien de Before Sunrise. On se souvient très volontiers du classique indépendant de Richard Linklater qui relatait la rencontre fulgurante de deux jeunes gens (Ethan Hawke et Julie Delpy) qui n’avaient qu’une nuit pour se découvrir dans le paysage de carte postale de la capitale autrichienne. Le troisième long d’Alex Lutz part du même concept éculé mais séduisant. Deux Parisiens s’entrechoquent dans un métro bondé autour d’une altercation très vocale et s’attirent immédiatement jusqu’à mêler leur corps dans une cabine de photomaton lors de la scène suivante.
Naissance d’une passion? Le mot est fort, puisque les deux étrangers d’Une nuit, issus du même pays, de la même cité, sont bien avancés dans leur vie. Ils ont l’expérience du couple, du mariage, des enfants, le cynisme de ceux qui ont vécu, perdu, et gagné peut-être l’amertume du quotidien. Ils jettent leur téléphone portable à la mer, ou plutôt dans la Seine pour un accident de vie éphémère car au petit matin ils devront regagner leur existence balisée. C’est une évidence qui s’impose dès les premiers instants. Le retour à la vie, à la tombée du jour, est inéluctable.
Une nuit, un couple à l’aube de l’autre
Une nuit conceptualise la vie comme une expérience acquise où rien n’est plus à construire, mais tout est à regretter. Le film perpétue le voyage vers le passé où l’amour naissant se plaît à écouter l’inconnu, comme au temps de la jeunesse et ses moments de vie exquis où les jougs des responsabilités ne sont pas encore, où l’expérience de l’autre aide à installer la sienne au gré de rencontres qui relèvent de l’initiation à l’âge adulte.
Lutz et Viard, matures, pas forcément malgré eux, ont bien des décennies à passer au crible de la psychothérapie filmique. Ils ont le talent de la spontanéité de jeu qui efface l’écueil du film trop écrit ; ils permettent à l’expérience de se suivre avec désir et engouement. Et ce, malgré des décors d’un Paris bagnole un peu ternes qui n’immortalisent pas cette rencontre dans un carcan cinématographique iconique.
La romance possède l’urgence dramatique de la fugacité, la psychologie brouillée des ardoises que l’on ne peut effacer, et la volubilité de l’autre que n’aurait pas reniée Woody Allen.
La fin du film relance l’intérêt lors d’un retournement de situation qui permet à l’exercice de style de s’écarter de la banalité des rencontres de cinéma éphémères et nous convie à un deuxième visionnage auquel on s’emploiera volontiers, en dépit du maniérisme de la réalisation dont on ressent trop les intentions à chaque plan. Au moins, Une nuit ne relève jamais du vulgaire téléfilm, et avec Alex Lutz aux commandes, on le tenait déjà pour acquis.