Un triomphe est une plongée lumineuse et créatrice au cœur de l’univers carcéral pour démontrer, en toute sobriété, combien l’approche de la culture peut favoriser la réhabilitation sociale.
Synopsis : Étienne est comédien en galère qui anime un atelier de théâtre dans une prison. Il décide de monter En attendant Godot de Samuel Beckett. Après des débuts mouvementés, les détenus réussissent à s’approprier la pièce. Commence alors une tournée triomphale qui rend chaque retour derrière les barreaux plus douloureux. Étienne, qui tient enfin l’occasion de se révéler, sent confusément que tout peut lui échapper. Ils sont enchaînés dans un même destin, jusqu’au jour où…
Un triomphe : un feel good movie plébiscité dans les festivals
Critique : Pour son deuxième long-métrage après Cessez le feu, Emmanuel Courcol s’inspire d’un documentaire relatant l’histoire de Jan Jönson, un metteur en scène suédois qui, dans les années 80, monte En attendant Godot avec des détenus. Ce qui lui vaut de remporter le prix du jury ainsi que le prix d’interprétation masculine pour deux de ses acteurs au festival du film d’Angoulême 2020.
A partir d’une réalité plutôt sombre, le réalisateur scénariste propose dans Un triomphe une réflexion étayée sur le sens de l’altruisme qui illustre de manière peu banale le proverbe : Charité bien ordonnée commence par soi-même.
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Acteur oublié à qui plus personne ne s’intéresse, Étienne (Kad Merad) accepte bien volontiers la proposition de son ami Stéphane (Laurent Stocker) qui s’achète une bonne conscience à peu de frais en demandant à ce copain en rade de le remplacer pour monter un atelier théâtre dans une prison. Dans un premier temps, se heurter aux règlements rigides de l’administration pénitentiaire, s’amuser à leur tordre le cou le plus souvent possible lui redonnent une énergie dont il ne se croyait plus capable. C’est elle qui le motive à trouver l’exigence nécessaire pour gagner la confiance et le respect de ces hommes attachants mais cabossés et instables que sont les détenus auxquels il s’adresse. Il parvient à leur transmettre sa passion et après l’essai réussi des Fables de la Fontaine décide de relever un défi bien supérieur : faire jouer à ces apprentis comédiens En attendant Godot de Beckett, un texte qui, même s’il semble en total décalage avec les préoccupations des prisonniers, n’est pas réellement éloigné de leur vie, faite d’attente et de désœuvrement et dont le caractère universel les touchera finalement.
Photo © Carole Bethuel
Étienne se persuade volontiers du bien-fondé de ce projet ambitieux pour ses drôles d’élèves mais peine à reconnaître qu’il représente aussi pour lui une planche de salut et signe son retour vers une vie professionnelle à la hauteur de ses espérances. Car si ces parias de la société souffrent d’une incarcération administrative, lui, de son côté, coupé de ses amis et de sa famille, est enfermé depuis trop longtemps dans une vie de solitude. Sur la base de cet échange de bons procédés se déploie un enthousiasme communicatif créé par la pugnacité du metteur en scène à obtenir les autorisations adéquates pour les répétitions au sein de la prison, à convaincre la juge d’instruction du bénéfice de cette opération inédite, et par sa disponibilité à écouter les doutes et incertitudes de ces participants hors norme.
Vibrant hommage à l’engagement de soi et à la persévérance
Évitant habilement les clichés sur l’univers carcéral, la narration d’Un triomphe, portée par une mise en scène dynamique (malgré quelques scènes de répétitions redondantes) et des dialogues incisifs, cultive humour et sensibilité. Mais c’est à coup sûr l’extrême justesse de l’interprétation qui fait toute la beauté de ce parcours atypique. Kad Merad accorde une belle humanité à ce comédien rugueux, en manque de reconnaissance, capable de susciter autant la sympathie que le rejet. Avantageusement entouré de camarades de jeu au top (Marina Hands campe une directrice de prison crédible tandis que Laurent Stocker adopte sans faux pli le costume du directeur de théâtre condescendant), il mène tambour battant cette comédie touchante et généreuse. Au-delà de ces valeurs sûres, l’admiration se tourne vers cette bande de détenus hétéroclites. Leur authenticité et leur bagou laissent facilement imaginer qu’il s’agit de non-professionnels jouant leur propre rôle. Pourtant au détour de quelques images, on reconnaît, entre autres, Pierre Lottin (dans un registre bien différent de celui des Tuche) ou Sofian Khammes vu dans Chouf, récompensés ex æquo du Valois du meilleur acteur au festival du film d’Angoulême 2020.
Le bouquet final, concentré d’émotions et d’originalité, signe un vibrant hommage à l’engagement de soi et à la persévérance et rappelle qu’en maintes circonstances, l’accès à la culture reste essentielle.
Après un an de report en raison du grand confinement et des sélections dans les festivals du monde entier, Un triomphe, labellisé Cannes 2020, sortira enfin le 1er septembre 2021.
Label Cannes 2020
Sorties de la semaine du 1er septembre 2021
Design E. Dorot – © Photo : Duchili