Effets spéciaux numériques calamiteux et réalisation foireuse, le retour de Tarzan sur nos écrans est un maelström d’idées tartignoles, au service de formules super-héroïques, avec lesquelles Hollywood nous rabat un peu trop les oreilles.
Synopsis : Après avoir grandi dans la jungle africaine, Tarzan a renoué avec ses origines aristocratiques, répondant désormais au nom de John Clayton, Lord Greystoke. Il mène une vie paisible auprès de son épouse Jane jusqu’au jour où il est convié au Congo en tant qu’émissaire du Commerce. Mais il est loin de se douter du piège qui l’attend. Car le redoutable belge Leon Rom est bien décidé à l’utiliser pour assouvir sa soif de vengeance et sa cupidité…
Tarzan à la sauce Marvel
Critique : Warner a eu l’idée gonflée de redonner vie à l’homme-singe de Rice Burroughs, vieux d’un siècle et de centaines de films. L’idée était louable, mais casse-gueule. Dans un monde où les réseaux sociaux s’enveniment autour du colonialisme, montrer un continent noir asservi par l’oppresseur blanc, n’est pas politiquement correct. De plus, il n’est pas évident à notre époque de super-héros Marvel et d’une jeunesse enflammée par les exercices de science-fiction, de raviver la flamme pour les récits d’aventures en costume, exotiques et chevaleresques.
Depuis Greystoke de Hugh Hudson, récit académique qui avait porté chance à Christophe Lambert en 1984, le personnage de Tarzan avait surtout œuvré dans la série B fauchée (Casper van Dien en 1998, cela vous dit quelque chose ?) ou l’animation fluide des studio Disney. Cent pour cent mômes tout cela.
Malheureusement, le projet Tarzan, tenu dans un tiroir pendant de nombreux mois par un studio pas chiche (on parle d’un budget colossal de 180M$), mais très rétif à l’idée de montrer la chose, est un ratage total qui semble être le résultat d’idées très contestables.
Contrairement aux attentes, ce n’est pas le roman initial qui est relaté, mais un récit de Tarzan. John Greystoke, ancien homme-singe, vit luxueusement, avec sa bien-aimée épouse Jane. Les scénaristes ont préféré relater un discours postérieur au bouquin connu de tous, où Tarzan est amené à regagner le territoire africain, sous l’invitation du roi belge, avec un but plus ou moins caritatif. Il tombe malheureusement dans les lacs de la convoitise d’un méchant tout blanc (Christoph Waltz, forcément) qui a promis au chef d’une tribu de lui apporter sa tête sur un plateau contre l’exploitation de diamants qui pourrait redonner de l’élan au plan de domination et d’asservissement, notamment des autochtones, et de tout le Congo.
Que les jeunes spectateurs qui ne connaissent rien à Tarzan, se rassurent. De nombreux flashback investissent le scénario pour que le film n’apparaisse pas comme un épisode isolé abscons, sans introduction explicite et donc illisible par une partie de la population.
Pourtant, c’est bien la lisibilité du film qui, malgré tout, pose problème. David Yates, qui a déjà prouvé qu’il n’est pas manchot, après la réalisation des quatre derniers chapitres de Harry Potter, semblait un choix d’envergure pour pareille production au tournage démesuré. Malheureusement sa réalisation s’avère cohérente avec l’ensemble. Fade, faussement fluide, dépendante du tout-numérique, trop près des corps sans raison autre que l’esthétique superficielle des acteurs (Alexander Skarsgård, Margot Robbie). Il n’est pas assez dans la contemplation de décors exotiques qui ne sont, il faut le souligner, qu’images de synthèse et donc dérisoires à nos yeux.
Le réalisateur des Animaux Fantastiques est tout simplement incapable de tout point de vue. Parachuté sur ce film en cours de pré-production, après d’autres noms, il ne s’impose face à un studio, qui, visiblement, au vu des problèmes de production, a dû réorienter le projet vers le cinéma mainstream pour en atténuer la déroute probable au box-office mondial.
Grace toc
L’hésitation dans les tons consterne. On sent le cinéaste tenté de mettre en scène son Dark Knight des forêts, avec une tendance intéressante au survival sombre, mais le genre est plombé par l’apparition constante de Monsieur Propre (au figuré, évidemment) qui vient effacer toute éclaboussure de sang pouvant souiller l’image du divertissement.
Devant la marvelisation de la production américaine, la touche Nolan propre aux blockbusters des années 2010-2015, visiblement souhaité initialement, a été atténuée par une dose d’humour. Tarzan, surhomme aux acrobaties surréalistes dignes dans la vélocité d’Iron Man ou tout simplement du héros de la version Disney, est associé au bavard George Washington (sic), afro-américain dans la rédemption qui vient mettre en garde le monde occidental contre l’oppression des peuples en Afrique. Joué par Samuel L. Jackson, l’acolyte de Lord Greystoke peine devant la dextérité animale du beau blond inexpressif, mais le rattrape toujours, haletant, mais bien vivant. Oui, égaré ou largué, il retrouve toujours son chemin, avec humour et bonne humeur, s’il vous plaît.
Ne cherchons pas la vraisemblance, le blockbuster n’est pas dans le réalisme, que ce dernier soit historique, linguistique, ou narratif. Avec le cru 2016 de Tarzan, on ne parlera pas d’exploits marathoniens à travers la savane et la jungle, mais bel et bien d’actes super-héroïques, avec même un final accablant où une colonie est détruite à l’identique d’un New York dans une production Transformers, avec les fracas et la surenchère d’une destruction forcément massive. La production a osé conjugué l’archaïsme coloniale de l’Afrique à l’urbanisme catastrophe des structures hollywoodiennes contemporaines. Gare au choc des cultures. Il pique les yeux.
Critique de Frédéric Mignard