Star Wars – Les derniers Jedi est une redite narrative qui expose le projet à son souci majeur : son incapacité intrinsèque à prendre des risques. Le spectacle n’en demeure pas moins généreux et foisonnant, entièrement construit à la cause de son public qui ne souhaite pas dévier du mythe originel.
Synopsis : Les héros du Réveil de la force rejoignent les figures légendaires de la galaxie dans une aventure épique qui révèle des secrets ancestraux sur la Force et entraîne de surprenantes révélations sur le passé…
Critique : Exit l’épisode 7 de Star Wars, resucée nostalgique et mercantile d’un univers puissant, celui de plusieurs générations d’enfants et adolescents qui avaient bien envie d’y plonger à nouveau leurs méninges. La virée de J.J. Abrams était inoffensive et osait introduire de nouveaux personnages pour prendre la succession de stars vieillissantes. L’exercice était vain, mais forcément aimable pour notre ego de gamins grisonnants.
Rian Johnson, choix de réalisateur ingénieux
La perspective de Star Wars – Les derniers Jedi était séduisante : on caressait le vrai nouveau départ de la saga, enfin débarrassée du poids de la trilogie originelle, avec un réalisateur, Rian Johnson, auteur de l’ingénieux Looper, qui ne s’était pas trop compromis dans des projets impersonnels et sans risques avec super-héros marvelliens à l’intérieur…
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Mais c’était sans compter le poids économique d’un épisode de la Guerre des Etoiles en 2017, au cœur de la constellation Disney, qui prend toute sa mesure dans la prise en compte des nouveaux paradigmes économiques du cinéma, en perpétuelle évolution : Netflix et sa plateforme de streaming implique une consommation de la pellicule autre et désormais, il faut pour Disney/Pixar/Marvel/LucasFilms un plan de marketing très large, aux perspectives déployées sur une décennie et plus, pour favoriser une globalisation conquérante agressive, et affronter l’assaut des nouveaux géants du secteur (Amazon & Cie).
Plus du commerce que du cinéma
Star Wars 8 n’apparaît plus de ce fait comme du cinéma, mais comme une assurance-vie pour des projets pharaonesques, ébranlant la réalité des salles ou de l’exploitation vidéo. Parlons parcs d’attractions, jeux vidéo, merchandising, et réalité virtuelle, toutes ces alternatives qui s’installent progressivement dans nos salons pour bouleverser notre consommation du divertissement.
Forcément, ces paramètres ont une incidence sur l’épisode 8 de La Guerre des Etoiles (oui, ce vieux titre français a un charme fou, on assume et on l’utilise encore !). L’opus de Rian Johnson est plutôt un bon numéro, qui porte en lui la quintessence du space opéra à la George Lucas, déployant du vrai spectacle pour Imax, Dolby Cinéma, et autre 4DX, une aventure par-delà les étoiles, généreuse, surdimensionnée, épique, foisonnante. On ne reprochera pas grand-chose au film, qui est probablement ce que ses fans attendaient de lui : une manifestation d’effets spéciaux variés, une suite d’apparitions de personnages cultes à l’effet jubilatoire pour les apôtres de Yoda & cie, des clins d’œil toujours plus poussés à la matrice originale (sérieusement, qui a encore envie de commencer la saga par La Menace Fantôme et L’attaque des Clones ?).
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Le hic, et non des moindres, c’est que la réussite en Bourse du groupe Disney passe aussi par des sacrifices artistiques importants qui heurtent la sensibilité des spectateurs critiques. Stars Wars – Les derniers Jedi, en tant que scénario contemporain, n’a rien de vraiment essentiel à raconter, ressassant les combats de rébellion des trilogies passées, avec des formules narratives rompues, où la défaite et la quasi-destruction sont forcément signe d’espoir, de renaissance à venir…
Star Wars – Les derniers Jedi répète les enjeux
Le titre lui-même, Les derniers Jedi, évoque ces enjeux de dualité inhérents à l’œuvre, et forcément perpétue les tourments des anciens, au risque d’un copié-collé générationnel quant aux tergiversations de Rey et Kylo Ren, tous deux ébranlés par cette coexistence abyssale du Bien et du Mal. La complexité psychologique est surtout apparente dans sa construction binaire. Au moins, ces moments offrent le meilleur du film, et notamment les apparitions salvatrices de Kylo Ren, dont l’interprète, Adam Driver, formidable d’intériorité, un vrai génie d’acteur, est à des années-lumière d’un casting souvent fanfaron (John Boyega, Oscar Isaac et Kelly Mary Tran, l’atout fourre-tout insupportable pour combler les foules chinoises) ou ultra référentiel (Carrie Fisher et Mark Hamill, tous deux empêtrés par le poids trop lourd de leurs rôles, et pour ce dernier son incapacité à être un bon acteur tout court).
Star Wars 8 Vs Blade Runner 2049 : deux approche de la SF en 2017
En 2017, au lendemain de l’échec commercial de Blade Runner 2049 (peinture philosophique au rythme lent, mais envoûtant, aux décors visionnaires), l’existence de Star Wars 8 se justifie pleinement. L’industrie est vouée à ne plus pouvoir prendre le moindre risque à pareille échelle, à moins d’affoler les marchés. On n’en voudra pas à l’équipe du film, respectueuse de son public et de l’œuvre de George Lucas. Mais ceux qui caressaient l’espoir d’un Empire contre-attaque bis en auront pour leur frais, puisque, à l’exception des références forgées dans la glace et des retrouvailles avec les magnifiques vestiges de vaisseaux de son époque, on n’aura jamais un semblant de la noirceur de l’épisode de Keshner, sauf dans le regard du grand Adam… Les Derniers Jedi se contente de remettre au goût du jour les courses-poursuites en fissures spatiales, ravive les guerres cosmiques avec les CGI puissants, bref des lieux communs que le spectateur est en droit d’attendre quand les producteurs disposent de pareil budget…
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La guerre des plaisirs
On observe le spectacle avec la distance du spectateur qui n’est pas né d’hier, parfois agacé par l’accumulation d’apparitions de personnages jadis mythiques, devenus de pures anecdotes… C-3PO, R2-D2, Chewbacca auraient très bien pu ne pas être crédités au générique des guests, le scénario n’en n’aurait nullement été modifié. Les masses de spectateurs ont trouvé leur camp, celui de la générosité, de l’efficacité, mais aussi de la facilité de ce produit intemporel qui a été goulument consommé au cinéma. Mais avec un minimum d’esprit critique, le « Côté Obscur de la Force », c’est plutôt chez Villeneuve qu’on le retrouve. Son esprit alambiqué aurait été licencié par Kathleen Kennedy au bout d’une semaine de tournage et l’on aurait demandé au gentillet Ron Howard de venir affadir le plat de consommation.
Star Wars : les derniers Jedi est donc, en fin d’année 2017 un autre – et non des moindres -, popcorn movie, bien supérieur à l’ensemble des productions super-héroïques de son époque, mais loin d’être un phénomène artistique imparable, une bombe exponentielle de puissance ou une claque intergalactique comme certains l’ont fantasmée. Et par les temps qui courent, ce n’est finalement pas si mal.
Critique : Frédéric Mignard
Sorties de la semaine du mercredi 13 décembre 2017
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