Soltero : la critique du film et le test blu-ray (1984)

Drame sentimental | 2h10min
Note de la rédaction :
7/10
7
Soltero, jaquette blu-ray

  • Réalisateur : Pio De Castro III
  • Acteurs : Mona Lisa, Jay Ilagan, Rio Locsin, Chanda Romero
  • Date de sortie: 21 Avr 1984
  • Année de production : 1984
  • Nationalité : Philippin
  • Titre original : Soltero
  • Titres alternatifs : Dokushinmono (Japon)
  • Autres acteurs : Baby Delgado, Dick Israel, Bing Davao, Cris Vertido, Alvin Enriquez, Irma Potenciano
  • Scénariste : Bienvenido Noriega Jr.
  • Monteur : Edgardo Jarlego
  • Directeur de la photographie : Ding Austria
  • Compositeurs : Sonny Angeles, Ed Gatchalian
  • Chef Maquilleur : -
  • Chef décorateur : Cesar Jose
  • Directeur artistique : -
  • Producteurs : Bibsy M. Carballo, Ching T. Dacuycuy, Ward Luarca
  • Producteur exécutif : Bienvenido Noriega Jr.
  • Société de production : Experimental Cinema of the Philippines
  • Distributeur : Film inédit dans les salles françaises. La date ci-dessus est celle de la sortie aux Philippines.
  • Editeur vidéo : Carlotta Films (blu-ray, 2024)
  • Date de sortie vidéo : 20 août 2024
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie :
  • Box-office nord-américain / monde :
  • Classification :
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals :
  • Nominations : Gawad Urian Awards 1985 : Meilleur réalisateur, meilleur acteur pour Jay Ilagan, meilleure photographie, meilleurs décors et meilleur son
  • Récompenses :
  • Illustrateur/Création graphique : © L'Etoile Graphique (jaquette blu-ray). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 1984 / 2020 ABS-CBN. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Etude sociologique intéressante sur l’ultra moderne solitude, Soltero est une œuvre rare qui fait preuve d’une grande sensibilité, tout en abordant des thèmes comme l’homosexualité, à une époque où celle-ci était ignorée aux Philippines.

Synopsis : Crispin Rodriguez est un soltero (célibataire). Ce jeune homme de 29 ans travaille à la Traders Royal Bank de Manille. Il passe son temps libre à traîner avec ses collègues, aller à des fêtes dans des bars, manger au restaurant et regarder des films au Manila Film Center. Toujours célibataire à presque 30 ans, il souhaite désespérément rencontrer une femme…

Les Philippines, cet autre Eden du cinéma dans les années 70-80

Critique : Au cœur d’une cinématographie philippine en pleine expansion depuis le milieu des années 70 se niche un cinéma d’auteur plutôt social qui contraste fortement avec la multiplication des produits commerciaux souvent de bas étage et que l’on classe dans le cinéma bis. Si les encyclopédies ont surtout retenu les noms de Lino Brocka, Mike De Leon ou encore Ishmael Bernal, il est important de signaler que les Philippines sont devenues une terre de cinéma au début des années 80, avec une production avoisinant les 300 longs métrages par an. Beaucoup d’entre eux émargent aux confins du cinéma Z ou bis, mais leur succès a permis justement de financer d’autres projets plus difficiles à monter.

Soltero, photo d'exploitation 1

© 1984 / 2020 ABS-CBN. Tous droits réservés.

En toute indépendance, Soltero (1984) fait partie de ces films d’auteur qui ont contribué à crédibiliser l’industrie locale en s’appuyant sur des techniciens de qualité et des acteurs crédibles. Fondé sur un scénario du dramaturge Bienvenido Noriega Jr. qui a été récompensé à de multiples reprises pour son travail théâtral, Soltero s’avère être le tout premier film réalisé par l’acteur et critique de cinéma Pio De Castro III. Le résultat est étonnant de naturel, abordant même des thématiques rarement traitées au sein du cinéma local.

Le cœur des hommes

Ainsi, le long métrage suit l’errance sentimentale d’un jeune homme de 30 ans nommé Crispin, interprété par l’excellent Jay Ilagan, déjà apprécié au sein du cinéma de Mike De Leon. Pourtant, loin de se conformer aux clichés de la comédie romantique alors très prisée du public asiatique, Soltero propose une vision très juste de la situation de certains hommes en ce début des années 80. Au lieu de décrire une masculinité toxique, les auteurs ont choisi de présenter un jeune homme qui est surtout en manque d’amour et qui se désespère de ne pas trouver l’âme sœur. Incapable de faire le deuil d’une ancienne relation (très juste Rio Locsin), le banquier qui envisage de devenir directeur d’agence voit sa vie sentimentale comme un naufrage l’isolant de plus en plus de ses contemporains.

Lente complainte de l’homme moderne, Soltero prend son temps pour isoler progressivement le personnage et le renvoyer systématiquement à la solitude qu’il ressent comme un fardeau. Au cours du film, le pauvre Crispin voit sa sœur quitter les Philippines, sa mère disparaître à cause d’une maladie qui la terrasse, tandis que ses essais en matière de conquête féminine s’avèrent pathétiques. On notera au passage l’extrême modernité du long métrage puisque le jeune homme est également confronté à un refus de la part d’un personnage lesbien (espiègle, puis poignante Chanda Romero). Elle n’est d’ailleurs jamais jugée par le cinéaste et garde toute sa dignité à l’écran.

Le mal-être de l’homme moderne

Mais cette modernité de traitement intervient également dans la description de la psyché troublée du jeune homme, très sensible et qui ne cesse de pleurer. Certes, ses atermoiements peuvent parfois paraître excessifs, mais le réalisateur parvient à analyser de manière pertinente les causes de ce mal-être. Tandis que la société philippine s’engage dans un capitalisme à marche forcée où le bonheur est devenu un impératif de vie, celui qui reste sur le bord du chemin ne peut que développer un complexe d’infériorité destructeur. Il était également osé d’évoquer la tentation du suicide au cœur d’une société profondément croyante.

Soltero, photo d'exploitation 2

© 1984 / 2020 ABS-CBN. Tous droits réservés.

Explorant les doutes et les failles cachés derrière l’apparente inflexibilité des hommes, Soltero peint un portrait nuancé et finalement terriblement réaliste du ressenti de ceux qui sont censés représenter la force aux yeux de leur entourage. Cette exigence d’invincibilité au cœur de nos sociétés – et ceci depuis l’aube de l’humanité – pèse donc de plus en plus lourd sur les épaules de ceux qui cherchent avant tout à exprimer leur sensibilité à fleur de peau.

Un film sauvé de justesse malgré une détérioration importante des copies disponibles

Par la grâce d’une réalisation simple, mais attentive aux comédiens, Soltero finit par émouvoir, d’autant qu’il est soutenu par une jolie musique signée Sonny Angeles et Ed Gatchalian. Elle contribue à faire de ce drame sentimental une belle découverte, que l’on pourrait rapprocher du cinéma d’un Claude Sautet. Enfin, on se doit de saluer l’interprétation magistrale et très touchante de Jay Ilagan qui se met à nu – au sens propre comme figuré – dans un rôle très intime. Il est vraiment admirable.

Cette belle réussite artistique a été saluée à l’époque par cinq nominations à la cérémonie des Gawad Urian Awards 1985 – l’équivalent des César – sans pour autant décrocher la moindre statuette, ce que l’on peut regretter. Resté inédit sur de nombreux territoires, y compris en France, le long métrage a été mal conservé durant plusieurs décennies. Ce n’est qu’en 2016 qu’un long processus de restauration de plus de quatre ans a été engagé. Cette version restaurée est désormais proposée aux cinéphiles avec un blu-ray chez Carlotta Films à partir du mois d’août 2024.

Critique de Virgile Dumez

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Soltero, jaquette blu-ray

© 1984 / 2020 ABS-CBN / Jaquette : L’Etoile Graphique. Tous droits réservés.

Biographies +

Pio De Castro III, Mona Lisa, Jay Ilagan, Rio Locsin, Chanda Romero

Mots clés

Cinéma philippin, Les relations mère-fils au cinéma, Les histoires d’amour malheureuses au cinéma, Le suicide au cinéma

Le test du blu-ray

Une sortie confidentielle pour cet inédit philippin qui se révèle une bonne pioche. Test réalisé à partir du produit finalisé.

Packaging & Compléments : 2 / 3

Cette fois, Carlotta Films n’a pas cherché à embellir le blu-ray qui est proposé dans un très classique boitier bleu Amaray. On aurait apprécié un fourreau pour lui donner le même aspect que le reste de la collection de l’éditeur. En matière de suppléments, on a le droit à la bande-annonce du film restaurée et surtout à trois minutes nous montrant un avant / après la restauration. Cela permet de mieux comprendre à quel point nous sommes revenus de loin, tant le positif d’origine était abîmé, voire détérioré au point de perdre quelques images de temps à autre. Pour cette raison, nous serons moins pointilleux dans la partie technique.

L’image : 3 / 5

Encore une fois, Soltero n’a pas bénéficié de bonnes conditions de conservation et les restaurateurs ont fait ce qu’ils pouvaient pour sauver le film d’une disparition programmée. Si le résultat est inégal, cela n’en demeure pas moins admirable au vu de la copie d’origine vue dans les bonus. Sur 80 % du film, les images sont plutôt belles, assez définies et faisant honneur au support blu-ray. Certains passages sont plus abîmés que d’autres (notamment cinq minutes autour de 95’-100’) avec des couleurs baveuses, un flou généralisé et des ondulations de l’image. Enfin, d’autres moments laissent apparaître des sautes dans l’image, ce qui correspond à des photogrammes supprimés par les restaurateurs, car insauvables. Encore une fois, le résultat est tout à fait satisfaisant dans l’ensemble, malgré ces scènes plus détériorées.

Le son : 3 / 5

Le drame est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0, uniquement en version originale sous-titrée. Cette VO a également fait l’objet d’une restauration, mais cela n’a pas permis d’éviter certains éléments de saturation, notamment sur les passages musicaux (parfois proches de la bouillie). Heureusement, les voix des acteurs sont parfaitement placées à l’avant. Le seul bémol vient donc du spectre sonore très étriqué et d’une musique qui grésille fréquemment.

Test blu-ray : Virgile Dumez

Soltero, jaquette blu-ray 3D

© 1984 / 2020 ABS-CBN / Jaquette : L’Etoile Graphique. Tous droits réservés.

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