Plus qu’un biopic, Sœur sourire est une réflexion sur la liberté de choisir sa destinée qui s’apparente davantage à la biographie de Sagan qu’à celle de Thérèse.
Synopsis : Jeannine Deckers, alias Sœur Sourire, est devenue un mythe international avec ses deux millions d’albums vendus en 1963 et cette chanson Dominique, qui a plané au-dessus des Beatles ou d’Elvis Presley dans les hit-parades du monde entier. Mais qui était réellement Soeur Sourire ? Le récit bouleversant d’une femme touchante, pleine de doutes et d’enthousiasme, en quête de l’amour…
Critique : En entrant dans la salle, à reculons, évidemment, car tout critique qu’on est, les préjugés sont quand même bien ancrés au plus profond de nous, on peut se dire qu’avec une affiche pareille, il nous faudrait bien un miracle pour aimer Sœur sourire. Miracle donc, on ressort étrangement satisfait par les deux heures de projection de ce biopic belge sur la vie de Jeannine Deckers, mondialement connue sous son nom d’artiste Sœur Sourire.
Celle qui fut d’abord une adolescente détruite par la froideur excessive de sa mère, et entra ensuite au couvent pour devenir Sœur, conservera toute sa vie sa liberté de ton et une franchise rebelle qui seront son estampille divine. Avec son caractère bien trempé (elle jure, boit, fume, loue la contraception et, secrètement, aime une femme), elle vit en perpétuelle contradiction entre son désir de devenir missionnaire pour mieux se rapprocher de Dieu et rapporter sa bonne parole, et son besoin vital de liberté. Un paradoxe qui lui apporte d’abord la gloire (un hit mondial, Dominique, avec la bénédiction de l’Eglise), puis le rejet de tous (sa famille, le couvent, l’Eglise, l’Etat belge qui lui réclame une fortune en impôts impayés), et la conduit inéluctablement à la déchéance pathétique.
Sœur sourire ne parle pas que du Bon Dieu
Avec beaucoup de conviction, Cécile de France incarne cet être brisé ; elle permet dès le départ de sauver le projet de la niaiserie religieuse à laquelle la promotion aimerait bien le réduire. Même si, plus que la vraie Sœur Sourire, on ne cesse de voir la comédienne à l’écran – on la retrouve avec sa coupe garçonne mue par cette insolence, qui à travers sa filmographie, a toujours été la sienne -, elle est impeccable, refusant la composition d’incarnation maladive de Testud dans Sagan ou de Marion Cotillard dans La Môme. Le cinéaste Stinj Coninx lui accorde toute sa confiance dans son indépendance de ton et, avec beaucoup de retenue, met en scène les années 50, 60 et 70 avec un joli souci de reconstitution qui aide à authentifier davantage le récit.
Au final, plus qu’une critique de la famille, de l’Eglise, voire même du personnage bouillonnant et agressif de Sœur Sourire, on retient de ce métrage une belle réflexion sur la liberté, celle dont usa Jeannine Deckers jusqu’à la fin : quitter sa famille alors adolescente, entrer dans un couvent sur un coup de tête, quitter le couvent avec fracas et finalement accepter l’amour d’une femme. Cette progression permet au film de s’achever sur une dernière insolence, l’ultime sursaut de liberté d’une femme qui avait enfin, dans le chaos de son existence, trouvé une certaine forme de quiétude, évidemment choisie et assumée jusqu’au bout.