Tournée à des fins mercantiles, cette adaptation de Shérif, fais-moi peur, série culte à 4 roues, envoyant de la casse et de la country, ne vaut pas tripette. Son échec fut considérable pour Warner qui a dû, en plus, subir l’affront de sept nominations aux Razzie Awards. Spoiler alert : amplement mérité.
Synopsis : Située de nos jours, l’histoire retrace les aventures rocambolesques de deux cousins, Bo et Luke Duke, dans le petit comté de Hazzard. Aidés de leur ravissante cousine Daisy et de leur oncle casse-cou, Jesse, les deux “bons garçons” tentent coûte que coûte de sauver la ferme familiale menacée de destruction par le maire malhonnête et corrompu de la ville “le Boss Hogg”. Leurs efforts sèment la zizanie au sein de la petite communauté de Hazzard régie par le Shérif simplet Roscoe P. Coltrane…
Tout comme leurs incessantes courses à bord de la “General Lee”, leur fameuse Dodge Charger 1969.
Critique : Les routes du sud des Etats-Unis étaient bien peu fréquentables au cinéma à la fin des années 70 et au début des années 80 avec toute une série de productions où il était de bon ton de casser un maximum de véhicules en un minimum de temps avec des films qui sentaient bon l’arrière-pays américain comme Cannonball, La grande casse, Les Blues Brothers ou Tank. Burt Reynolds était le chef de fil d’une vague sans précédent, avec notamment la franchise Smokey and the Bandit intitulée en France Courps après moi Shérif.
Cette mode sévissait aussi à la télévision avec la série aujourd’hui culte Shérif, fais-moi peur et ses deux jeunes rednecks aux jeans moulants, Bo et Duke, au volant de leur Dodge surnommée la Général Lee. Ils sillonnaient les routes boueuses de Géorgie avec, à leurs trousses, les autorités du comté, cette figure ringarde du shérif. L’occasion de courses poursuites sympathiques pour l’époque, mais qu’on ne s’empresserait pas de revoir aujourd’hui sur nos petits écrans tant la pensée conservatrice pro-essence, pro-bagnole… passe mal à notre époque de dérèglement climatique.
© 2005 Warner Bros. All Rghts Pictures.
Pourtant les protagonistes de la série seventies étaient de retour en 2005, mais au cinéma s’il vous plaît, sous les traits de deux comédiens bien de notre époque, Johnny Knoxville de Jackass et Seann William Scott issu de la trilogie d’American pie. Les antécédents de ces deux acteurs vous font peur ? Et bien campez sur vos préjugés car cette adaptation ne vaut pas grand-chose. Avec ses faux airs de buddy movie désuet, l’adaptation cinématographique peine à dissimuler ses intentions purement mercantiles. Difficile alors de croire un seul instant à ces tribulations du terroir où l’on patauge dans les gags les plus ineptes, principalement basés sur un ethnocentrisme régional et une misogynie douteuse. A cet effet, le casting de la chanteuse Jessica Simpson, bimbo conservatrice et chrétienne, qui exposait alors sa vie dans les téléréalités, est symbolique. Elle fut elle-même victime d’une pression sur son corps pour rester au plus près du sex-symbol que la production souhaitait qu’elle soit, avant de relâcher la pression quelques années plus tard au prix d’un fat-shaming surréaliste.
Contrairement à l’adaptation de Charlie’s Angels en 2000, qui jouait au moins la carte du délire et de l’autodérision, dans The Dukes of Hazzard, l’absence de scénario rend peut-être hommage à la série d’origine, mais en 2005, où l’on essayait aux moins de relire avec distance les classiques du passé, c’était inadmissible. D’ailleurs, quelques semaines plus tard, cette année-là, Ma sorcière bien aimée, s’essaya de façon plus originale à l’exercice sans pour autant convaincre. Samantha était pourtant joué par Nicole Kidman.
Détesté par la critique, nommé sept fois aux Razzie Awards, Shérif, fais-moi peur ne se sentira pas seul au panthéon des nanars des mauvaises adaptations de séries télé live. Juste avant elle, Starsky & Hutch de Todd Phillips indifféra et s’oublia immédiatement, quand Alerte à Miami : Reno 911 !, en 2007, consternera totalement. Reste le cas de L’agence tous risques de Joe Carnahan, en 2010, authentiques blockbuster avec Bradley Cooper, Jessica Biel, Liam Neeson, Sharlto Copley, Patrick Wilson, et Quinton Rampage Jackson. Son échec a été sévère, mais au moins le divertissement n’était pas mauvais.
Box-office France :
Promis à une sortie estivale, mais en toute fin d’été 2005, la semaine du 24 août, Shérif fais-moi peur était trop country et folk pour un public français qui n’appréciait déjà guère les courses de bagnoles avec Burt Reynolds dans les années 70. Pour mémoire, dans les années 2000, Taylor Swift était la mauvaise blague d’une Amérique du terroir que personne n’envisageait un instant d’écouter. Aussi, Warner, échaudé par l’échec de son divertissement qui avait été lancé, 20 jours plus tôt, aux USA, n’a rameuté que 243 écrans pour raviver la nostalgie de son film qui suintait l’essence. La première semaine à 94 000 spectateurs-France a peiné à créer de l’espoir. En deuxième semaine, la veille de la rentrée, la chute était de 56% et l’aventure est toujours sous les 150 000 spectateurs.
Un mois après sa sortie, Shérif fais-moi peur le film était à court de carburant : 2 614 spectateurs dans 33 salles. C’est ce que l’on appelle se prendre une taule quand Warner espérait au fond d’elle lancer une franchise sur les chapeaux de roue.
A l’international, les chiffres ont été globalement exécrables. Les USA ne s’en sortent pas si mal (80M$ pour un budget de 50M$), mais les critiques sont assassines. Le Royaume-Uni et les Rednecks d’Australie feront un peu illusion (8.2M$ pour les premiers, 1.7M$ pour les seconds). L’Allemagne et le Mexique font à peine mieux que la France. Mais beaucoup de pays resteront sous les 130 000 entrées, comme l’Italie, l’Espagne… The Dukes of Hazzard, ce n’était vraiment pas un film pour les années 2000.
Totalement oublié vingt ans plus tard, Shérif fais moi peur sortira à peine en vidéo à l’étranger. Warner bâclera une édition “unrated (!)” en DVD. Mais du fameux rayon bleu, la plupart des marchés, hors Royaume-Uni et Etats-Unis, en seront dépourvus.
Désormais exploité sur les plateformes où il est noyé dans une floppée de divertissements sans saveur, Shérif fais-moi peur est une sorte d’hallucination collective. Et si ce truc n’avait jamais existé ?
Sorties de la semaine du 24 août 2005
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Burt Reynolds, David Leitch, Jessica Simpson, Seann William Scott, Johnny Knoxville